Reportage La Hongrie durcit sa politique d'immigration mais manque de travailleurs pour faire tourner son économie

Malgré le discours anti-immigration du gouvernement, la Hongrie fait face à un manque de main-d'œuvre : le pays a besoin de 500 000 travailleurs supplémentaires pour faire tourner ses usines.
Article rédigé par Willy Moreau
Radio France
Publié
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Des ouvriers déplacent des marchandises dans le parc logistique de Csepel Freeport de la zone de coopération commerciale et logistique d'Europe centrale à Budapest, en Hongrie, le 29 avril 2024. (ZHANG FAN / MAXPPP)

À quelques jours des élections européennes le 9 juin, franceinfo se penche mercredi 29 mai sur la Hongrie connue pour sa politique drastique contre l'immigration. Mais le pays est confronté à un manque de main-d'œuvre à tel point qu’elle a assoupli sa législation pour faire venir des travailleurs immigrés. Le pays oscille donc entre dureté et souplesse.

Fusil chargé sur la banquette arrière, Erik Molnár se gare au pied du mur d'Asotthalom : deux clôtures barbelées d’environ cinq mètres de haut qui séparent le pays de la Serbie depuis 2015. Le garde champêtre en treillis, à l'allure de rugbyman montre des morceaux coupés puis rafistolés après des passages clandestins. Il n'y en a plus depuis quelques mois, remarque Erik, mais grâce aux Serbes insiste-t-il, pas grâce à l'Union européenne. "Ici c'est la frontière d'un pays, ce n'est pas la clôture d'un terrain de jeu, s'indigne-t-il, partout dans le monde les frontières sont défendues par des gardes armés". "Si quelqu'un veut rentrer illégalement, ils lui disent de s'arrêter et s'il ne s'arrête pas, ils l'abattent", soutient-il. "Maintenant, sous la pression de l'Union européenne, on ne défend pas nos frontières, on ne peut même pas le frapper, on ne peut pas l'abattre, on ne peut pas le taper, se plaint-il. Ça n'existe nulle part ailleurs."

Un demi-million de travailleurs nécessaires

Erik assume un discours anti-immigrant. Le gouvernement, lui, en a fait un socle de sa politique, mais le pays est confronté à un problème : il a besoin de 500 000 travailleurs supplémentaires pour faire tourner son économie. Alors l'exécutif a infléchi ses mesures, il autorise l'embauche de personnes immigrées appelées des "travailleurs invités".

Prysmian, une usine de productions de câbles électriques, en périphérie du village de Kistelek emploie des "travailleurs invités". "Nous avions du mal à trouver de la main-d’œuvre parce que le taux de chômage actuel en Hongrie est d'environ 2%, c'est très bas, explique le directeur Okan Deniz, Trouver les bonnes personnes, principalement autour de notre usine, c'était vraiment difficile."

Sur 300 salariés, il y a désormais 50 travailleurs indonésiens dont Muhammad Fikri Firdaus, 24 ans ici depuis deux ans. Il raconte qu'à son arrivée "ça a été très difficile à cause des différences culturelles" pendant un ou deux moi. "En Indonésie, tout le monde est très gentil, tout le monde dit bonjour mais ici... c'est quoi le problème ?" Mais il assure qu'après plusieurs mois "c'est bon, plus de problème, on s'est fait des amis ici".

Pour mieux les intégrer, l'entreprise a installé une salle de prière et elle prend en charge le logement à dix minutes à vélo de l'usine. Un investissement bien amorti, estime la responsable des ressources humaines, Mélinda Czeglédy. "Ça a été vraiment une très bonne décision de les prendre malgré ces frais supplémentaires, se félicite-t-elle. Avec l'absentéisme et turn-over, nous avons perdu beaucoup de personnes formées, ça a engendré un surcoût de formation et avec eux nous avons stabilisé nos équipes." Pourtant le gouvernement hongrois a de nouveau durci les règles. Désormais, les "travailleurs invités" ne pourront rester que trois ans maximum contre cinq aujourd’hui.

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