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Héros du Bataclan, le commissaire qui a tué un terroriste témoigne

C'est un témoignage exceptionnel : celui du premier policier à être entré dans le Bataclan, le 13 novembre dernier. Cet homme, qui s'exprime sous couvert d'anonymat pour des raisons de sécurité, raconte son face-à-face avec l'un des terroristes et évoque "un moment d'effroi indescriptible" à l'intérieur de la salle de concerts.
Article rédigé par Olivier Boy
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
  (90 personnes ont été tuées au Bataclan le 13 novembre dernier © Sipa)

Ce soir-là, il est de permanence. Il est chef de service au sein de la brigade anti-criminalité - la BAC. C’est un policier du quotidien, en quelque sorte, de la Direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne (DSPAP). Même si, pendant les attentats, on parle beaucoup des unité d’élites comme le Raid, la BRI ou le GIGN, il faut savoir que ce sont ces policiers de la base qui interviennent les premiers.

C’est le cas de ce commissaire, qui témoigne pour la première fois pour France Info. Ce 13 novembre, il entend donc la première alerte : explosion au Stade de France. Il part aussitôt mais, sur la route, nouvelle alerte : il y a des fusillades dans les 10e et 11e arrondissements de Paris. Il se déroute et arrive donc en premier devant le Bataclan. Avec son chauffeur, qui est aussi policier, ils prennent la décision d'intervenir sans attendre les renforts :

"Ce qui nous surprend immédiatement, c'est la lumière extrêmement forte, qui nous aveugle. Le silence ahurissant. Et puis des centaines de corps, les uns sur les autres." 

"Un moment d'effroi indescriptible", témoigne le policier

Le face-à-face avec un terroriste

Les deux hommes sont simplement équipés de leur arme de service et d’un gilet pare-balles léger. Au moment d'entre dans le Bataclan, ils ne savent pas ce qu'ils vont trouver, ils ne savent pas combien de terroristes les attendent… Ils savent juste qu'ils sont très lourdement armés et qu’ils ont affaire à une attaque terroriste majeure, coordonnée dans toute la capitale et à Saint-Denis.

Rapidement, le commissaire aperçoit l'un des trois terroristes, qui marche sur la scène, sa Kalachnikov pointée sur un spectateur : "Il est très posé, il a l'air très calme, raconte le policier. Vu le carnage, on n'a aucun doute sur ce qu'on doit faire. On engage le tir immédiatement. On tire jusqu'à ce qu'il tombe au sol. Dans la foulée, une explosion surgit. Là, on se rend compte qu'ils sont susceptibles de se faire exploser avec leurs ceintures."

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Les deux équipiers sauvent donc la vie de l’otage qui était visé par le terroriste et empêche le carnage de se poursuivre. En revanche, ils essuient aussitôt une rafale de tirs et comprennent que les terroristes sont plusieurs, sans pouvoir établir leur nombre. C'est à ce moment que les deux policiers font cette chose incroyable : face au danger, ils appellent leurs femmes pour leur dire adieu. 

"J'avais la certitude qu'on ne reculerait pas. On avait décidé, avec mon équipier, qu'on ne laisserait pas ces gens sans nous. J'étais persuadé de mourir ce soir-là." 

"J'étais persuadé de mourir avec mon équipier ce soir-là. On ne pouvait pas abandonner tous ces gens."

Finalement, le duo parvient à sortir de la salle pour rejoindre les renforts de la BAC, qui viennent d’arriver. Ils entrent à nouveau dans le Bataclan pour sécuriser le rez-de-chaussée. Les terroristes sont toujours retranchés à l’étage, avec des otages. Ce sont les policiers de la BRI qui donneront l’assaut.

Pas de visite chez le psychologue

Après les attentats du 13 novembre, le commissaire a repris le travail assez vite. Il n'est pas allé voir de psychologue, mais il a eu besoin de parler. Il a écrit une très longue lettre, qu’il a montrée à France Info, dans laquelle il décrit l’intervention. Cette lettre, il l’a également lue à ses hommes, un moment très fort.

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Un mois après cette nuit d’horreur, le commissaire éprouve encore le besoin d’en parler à ses proches : "Moi, je n'ai pas trop de difficultés à le digérer, ce sont plutôt mes proches qui ne comprennent pas toujours qu'on puisse sacrifier sa vie pour sauver d'autres personnes. Ce qui a été très dur, en revanche, c'est d'avoir engagé la vie des mes hommes, qui sont tous pères de familles. Je m'en suis rendu compte après-coup."

Le commissaire et ses équipiers ont sauvé un grand nombre d’otages ce soir-là, notamment celui que le terroriste avait dans sa ligne de mire au moment de l’intervention. Celui-ci, le policier a cru qu’il n'avait pas réussi à le sauver, qu’il était peut-être mort dans l’explosion. Mais non, il est bien vivant, les deux hommes se sont même parlé au téléphone. Prochainement, ils vont se revoir, pour échanger. Entre miraculés du Bataclan.

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