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Inceste : "Il faut rester exigeant, volontariste", réagit le président de la Commission Inceste après les annonces du gouvernement

Edouard Durand soutient le futur projet de loi qui vise à retirer systématiquement l'autorité parentale en cas de condamnation d'un parent pour violences sexuelles sur son enfant. 

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Edouard Durand, juge des enfants, et co-président de la commission sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), le 31 mars 2022 sur franceinfo. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Le gouvernement a annoncé mercredi 21 septembre dans un communiqué une série de mesures pour lutter contre l'inceste et les violences sexuelles sur mineurs, qui étaient préconisées par la Commission Inceste. Une commission que co-préside le juge des enfants Edouard Durand. Interrogé ce mercredi sur franceinfo, il réagit : "Il faut rester exigeant, volontariste", dit-il un an après avoir reçu plus de 16 000 témoignages. "La vague était souterraine et elle émerge", assure-t-il.

>> Inceste : quelles sont les principales préconisations de la Ciivise pour lutter contre les violences sexuelles faites aux enfants ?

franceinfo : Comment réagissez-vous aux annonces du gouvernement au vu du nombre de témoignages que vous avez reçus ?

Edouard Durand : La vague était souterraine et elle émerge. Nous savions qu'il y avait un besoin très important dans la société. La commission Sauvé avait montré que 5,5 millions de femmes et d'hommes avaient été victimes de violences sexuelles dans leur enfance. Et lorsque nous avons ouvert, il y a un an jour pour jour, notre plateforme téléphonique, des personnes disaient : "J'ai attendu ce moment toute ma vie." Nous sommes dépositaires de cette confiance pour une culture de la protection. C'est pourquoi il faut rester exigeant, volontariste et les annonces qui sont faites par le gouvernement vont dans le bon sens.

Quelle ampleur représentent ces violences ?

L'ampleur des violences sexuelles, c'est le nombre : 160 000 enfants chaque année victimes de violences sexuelles en France, c'est inacceptable. Mais l'ampleur, c'est aussi la gravité. C'est pourquoi, aujourd'hui, nous avons voulu insister sur l'impact traumatique des violences tout au long de la vie. Ce n'est pas un lointain souvenir du passé. C'est un présent perpétuel de la souffrance qui s'immisce dans toutes les sphères de l'existence jusqu'aux plus intimes.

Le garde des Éric Dupond-Moretti annonce le dépôt au Parlement d'une modification législative permettant le retrait de principe de l'exercice de l'autorité parentale en cas de condamnation d'un parent pour violences sexuelles incestueuses sur son enfant. C'est essentiel pour vous?

On ne transgresse pas la loi impunément et l'autorité parentale est faite pour protéger l'enfant. On ne peut pas violer son enfant et décider si son enfant pourra être soigné ou pas. C'est pourquoi, dès qu'il y a une condamnation, l'autorité parentale doit être retirée aux parents incestueux. Et même plus, c'est l'une de nos préconisations : l'autorité parentale et le droit de visite et d'hébergement doivent être suspendus de plein droit dès l'engagement des poursuites pénales à la fin de l'enquête, avant même le jugement. Parce que la question qui demeurera toujours c'est : qui veut-on protéger ?

Le gouvernement veut aussi créer une cellule de conseil de soutien pour les professionnels destinataires de révélations de violences sexuelles de la part d'enfants. Est-ce que cela va dans le bon sens ?

Oui, c'était l'une de nos premières préconisations le 31 mars dernier. C'est très important. La société est légitime à exiger des professionnels, du juge que je suis, comme des institutrices ou des médecins, qu'ils soient dans le repérage des enfants victimes, aller les chercher pour les mettre en sécurité. En contrepartie, on doit les aider, parce qu'être en présence d'un enfant qui dit : "Moi, j'ai été violé, j'ai été agressée sexuellement", ça génère un stress intense. Et le professionnel doit pouvoir appeler une cellule disponible, pluridisciplinaire où on va l'aider à diagnostiquer la situation, l'aider à rédiger un signalement sans se mettre en danger pour amorcer la chaîne de la protection.

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