"Il faut dire non" : des ateliers dans les écoles pour sensibiliser contre les violences sexuelles
Comment sensibiliser les enfants à l’inceste, et comment les faire parler quand ils en sont victimes ? Des associations interviennent dans les écoles pour échanger avec les élèves, et sensibiliser.
Après la publication du livre de Camille Kouchner La famiglia grande et face à la déferlante du hashtag #metooinceste, le président Emmanuel Macron a annoncé fin janvier une série de mesures pour lutter contre les violences sexuelles faites aux mineurs. Parmi ces annonces, des rendez-vous réguliers à l’école pour mieux détecter les enfants victimes. Mais depuis plusieurs années déjà, certaines associations interviennent en milieu scolaire sur ce sujet.
À l’école Fernand Léger de Malakoff, en banlieue parisienne, c’est la deuxième séance pour ces élèves de CP. Il y a une quinzaine d’enfants, entre 6 et 7 ans, encadrés pendant une heure par Anne-Laure Sanna. Cette psychologue de l’association l’Enfant Bleu commence la séance en rappelant l’atelier de la semaine précédente. "On avait parlé du droit des enfants", rappelle une enseignante. À travers un jeu de société, créé par l’association, les enfants doivent ensuite réagir à des situations de danger. "Pendant la récréation, un enfant te demande d’aller aux toilettes pour que tu lui montres ta culotte, mais cela te gêne ?" Des enfants réagissent, clament "berk !" tout fort. "On se concentre, c’est sérieux", réplique la psychologue. "Est-ce que l’on a le droit de vous demander de montrer votre intimité ?" "Non", répondent en cœur les élèves.
La différence "entre les bons et les mauvais secrets"
Les enfants sont attentifs et participent. Anne-Laure Sanna poursuit : "C’est votre corps, on n’a pas le droit de toucher à votre intimité. Qu’est-ce qu’il faut faire dans cette situation ?" Une élève répond : "Il faut dire non et 'laissez-moi tranquille !'." Dire non est une chose, mais encore faut-il avoir le courage de le faire, c’est le but du prochain exercice. "À chaque fois je vais venir vous voir et dès que je vais vous tirer le bras. Il va falloir dire ‘Non’, parce que vous n’avez pas envie de me suivre."
La suite de séance est destinée à donner la différence "entre les bons et les mauvais secrets", détaille Anne-Laure Sanna. La psychologue donne comme exemple une fête d’anniversaire surprise. "C’est un bon secret", répondent en cœur les enfants. "Car c’est un secret qui vous faire sourire, qui vous rend joyeux", explique Anne-Laure Sanna. En revanche, un mauvais secret, "qui rend malheureux, qu’est-ce que l’on en fait ?" Une élève rétorque : "On le jette, on le dit !"
Donner les outils aux enfants pour se défendre, sans leur faire peur, pour la psychologue toute la difficulté est là : "L’idée est de respecter leur développement. D’aborder les notions de respect du corps, d’intimité, et l’importance de pouvoir dire non quand on nous demande des choses que l’on ne devrait pas nous demander. Maintenant, le sujet des violences sexuelles peut-être un sujet très difficile à aborder pour les enfants. Mais peut-être qu’ils vont s’en saisir dans un second temps."
Très peu d’alertes reçues par le ministère de l’Éducation
Ce second temps, il se joue avec les enseignants qui ne sont pas toujours préparés à recevoir cette parole. Bérangère Lebret est la directrice de l’école : "Derrière, on a notre rôle de fonctionnaire, et donc on sait comment et quoi faire. Ensuite, humainement, et personnellement, c’est sûr que ça travaille, mais c’est notre métier."
En presque 20 ans de carrière, Bérangère Lebret a déjà entendu plusieurs de ses élèves lui parler des maltraitances physiques, mais jamais de violences sexuelles. Pourtant, selon l’association face à l’inceste, deux à trois enfants par classe seraient victimes, en France, d’agressions sexuelles ou de viol au sein de leur famille. De son côté, le ministère de l’Éducation nationale précise que "le nombre précis d’informations préoccupantes et de signalements est très difficile à déterminer, faute de remontées exhaustives des académies. Parmi ces alertes remontées par les académies, il y aurait a priori un nombre très limité d’alertes concernant les violences sexuelles, moins de 10 %, tous niveaux scolaires confondus, avec des variations selon l’âge des élèves."
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.