Atteintes sexuelles sur mineure de 11 ans : au-delà du procès à Pontoise, le débat sur le consentement
Un homme comparaît, mardi, devant le tribunal correctionnel de Pontoise (Val-d'Oise) pour "atteintes sexuelles sur mineur de 11 ans". En toile de fond de ce procès : un projet de loi sur l'âge du consentement sexuel.
C'est une affaire qui a fait beaucoup de bruit à l'automne 2017, provoquant un vaste débat sur l'âge du consentement sexuel. Un homme de 29 ans comparaît mardi 13 février devant le tribunal correctionnel de Pontoise, dans le Val-d'Oise, pour atteintes sexuelles sur une jeune fille de 11 ans. Le procès, prévu fin septembre, avait été renvoyé.
Selon cet homme, l'acte était consenti. Le parquet le poursuit pour "atteintes sexuelles sur mineur". La famille de la victime compte demander une requalification des faits : selon elle, il s'agit d'un viol qui devrait donc être jugé aux assises et non en correctionnelle.
Le 24 avril 2017, Sarah, 11 ans, est approchée dans un parc par un homme de 28 ans. Elle le suit jusqu'à son immeuble. Ils ont une relation sexuelle dans l'appartement de cet homme.
Pour les enquêteurs, il n'y a eu ni violence, ni contrainte, ni surprise, ni menace : aucun des éléments constitutifs d'un viol. Le parquet a décidé de poursuivre l'homme pour "atteintes sexuelles sur mineur", un délit passible de cinq ans de prison. Mais la famille de la jeune fille estime qu'il s'agit d'un viol. L'avocate de la collégienne va donc demander, mardi, un renvoi à l'instruction pour une requalification des faits. Selon elle, sa jeune cliente était sidérée, la différence d'âge constitue une contrainte et l'homme a été menaçant, promettant de ruiner la réputation de la collégienne si elle parlait.
Des associations, parties civiles
"Faux", répond l'avocat du mis en cause qui répète que son client ignorait que sa partenaire avait 11 ans. "Tout le monde est unanime pour dire que, d'apparence physique, elle fait plus de 15 ans, indique Me Marc Goudarzian. Deuxièmement, elle a provoqué l'erreur dans l'esprit de mon client en disant qu'elle avait 18 ans. Sur tous les PV, il est bien indiqué, à chaque fois qu'on lui pose la question 'est-ce que tu étais consentante ?', 'oui, j'étais consentante.', 'est-ce que lui pensait que tu étais consentante ?', 'oui, il pensait que j'étais consentante.'" L'avocat promet des révélations explosives lors de l'audience mardi après-midi.
Lors de l'audience, à Pontoise, deux associations de protection de l'enfance, qui ont milité pour ce texte, seront sur le banc des parties civiles. "Une enfant de 11 ans n'a pas la connaissance de sa propre sexualité, de son propre corps, affirme Martine Brousse, la présidente de La Voix de l'enfant. Comme tout ce qu'on ne connaît pas, on est d'abord surpris. La victime n'est pas coupable de ne pas avoir crié, de ne pas s'être débattue. Quand l'adulte est dans une position de dominance, c'est King Kong. Quelle est la personne, face à King Kong, qui va résister ?"
Un projet de loi en préparation
Me Goudarzian se dit également agacé que le débat sur l'âge du consentement sexuel en France ait été lancé à l'occasion de cette affaire qu'il n'estime pas du tout représentative. D'autres affaires ont également alimenté le débat en novembre dernier, comme l'acquittement par la cour d'assises de Seine-et-Marne d'un homme de 22 ans jugé pour viol sur une mineure de 11 ans, ou encore la condamnation d'un professeur à 18 mois de prison avec sursis pour avoir eu une liaison avec une collégienne de 14 ans.
Le débat est effectivement bien avancé puisqu'un projet de loi doit être présenté le 7 mars prochain en conseil des ministres. Emmanuel Macron plaide pour un consentement sexuel à partir de 15 ans, comme au Danemark. En Angleterre et en Suisse, l'âge a été fixé à 16 ans, en Belgique et en Autriche, le seuil est à 14 ans et, en Espagne, à 12 ans.
L'inquiétude des magistrats
Dans l'ensemble, les magistrats français sont favorables à une nouvelle loi dans ce sens. Mais, ils craignent que cela entraîne des situations problématiques. Jacky Coulon, le secrétaire général de l'Union syndicale des magistrats, imagine un cas concret, un rapport sexuel entre une jeune fille de 14 ans et un garçon de 16 ans. Si les parents "ne voyant pas la relation d'un bon œil", décident de déposer plainte, alors "le garçon serait inévitablement condamné par la cour d'assises", indique le magistrat.
"Il ne faudrait pas que le législateur vienne dire à ce moment-là : 'Ah, la justice est inhumaine alors qu'il y a un couple d'adolescent qui sont amoureux l'un de l'autre', prévient Jacky Coulon. Il faut que le législateur ait cela à l'esprit." Il s'agirait donc de tenir aussi compte, dans la loi, de l'écart d'âge entre les deux individus pour établir ou non un consentement sexuel.
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