#MeToo à l'hôpital : une manifestation pour dénoncer le cas d’un étudiant en médecine condamné mais pas écarté

Plusieurs associations et collectifs appellent à un rassemblement mercredi devant le ministère de la Santé pour dénoncer "l’omerta morbide" qui règne, selon eux, dans le milieu médical sur les violences sexistes et sexuelles. Dans leur viseur notamment : le cas d’un étudiant condamné pour agressions sexuelles.
Article rédigé par Margaux Stive
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Plusieurs collectifs et associations appellent mercredi 29 mai à un rassemblement devant le ministère de la Santé. (GERALDINE MARCON / RADIOFRANCE)

Un étudiant en médecine doit-il pouvoir exercer malgré deux condamnations pour agressions sexuelles ? Non, répondent plusieurs collectifs et associations qui appellent mercredi 29 mai à 18h à un rassemblement devant le ministère de la Santé. Pour ces associations, ce cas est révélateur de "l'omerta morbide" qui règne sur les violences sexistes et sexuelles dans le milieu de la médecine.

Cet étudiant, Nicolas W., a été condamné à deux reprises en décembre et mars dernier pour des faits d’agressions sexuelles commis entre 2013 et 2020. L’une commise alors qu’il était mineur sur une autre victime mineure, les autres perpétrées sur trois étudiantes en médecine lors de soirées privées.

Dans son jugement rendu le 19 mars et que franceinfo a pu consulter, le tribunal correctionnel de Tours estimait que le comportement de cet étudiant avait été d'une "extrême gravité". Des agressions sexuelles multiples, "suivant un schéma identique". À chaque fois, les victimes étaient endormies, "permettant à Nicolas W. d’accéder facilement à leur corps sans qu’elles puissent s’y opposer".

L’étudiant, âgé aujourd’hui de 26 ans, a écopé de quatre et cinq mois de prison avec sursis, d’une inscription au Fichier des auteurs d’infractions sexuelles (FIJAS) mais pas d’une interdiction de poursuivre son cursus. Depuis ses condamnations, il poursuit donc ses études en 5e année de médecine à l’Université de Limoges.

"On ne comprend pas que cet étudiant puisse devenir médecin alors qu’il a été condamné et qu’il a reconnu les faits. Et pourtant rien ne se passe."

Pauline, porte-parole du collectif Emma Auclert

à franceinfo

Une situation symptomatique de "l’impunité des agresseurs", estime Pauline, porte-parole du collectif Emma Auclert, composé en majorité d’étudiantes issues de la même promotion que Nicolas W. à Limoges. "C’est cela qui nous paraît aberrant : qu’on laisse un agresseur mettre en danger d’autres étudiantes, des collègues et des patientes", ajoute l'étudiante.

Commission disciplinaire

Étudiant à l’Université de Limoges après avoir dû quitter celle de Tours, Nicolas W. fait l’objet depuis la mi-mai 2024 d’une procédure disciplinaire. Une instance doit maintenant instruire l’affaire, ce qui devrait prendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois. À l’issue, la commission pourrait prononcer une sanction "susceptible d’aller jusqu’à l’exclusion définitive de l’intéressé", précise la présidente de l’Université de médecine de Limoges dans un communiqué.

Sauf qu’à la rentrée prochaine, Nicolas W. sera probablement loin de Limoges. Actuellement en train de passer le concours de l’internat, il pourrait être affecté (s’il le réussit) à un hôpital d’un autre département et donc à une nouvelle université.

Reste l’Ordre des médecins, auprès de qui tous les internes en médecine doivent s’enregistrer pour pouvoir exercer. Dans une interview publiée lundi par le journal Ouest France, le président de l’Ordre national des médecins François Arnault annonce la création d’une circulaire pour que les "étudiants sanctionnés pénalement pendant leurs études pour des crimes jugés définitivement" ne puissent "pas pratiquer la médecine".

Sauf que dans le cas de Nicolas W., les condamnations portent sur des délits et non des crimes. Il n’est donc, a priori, pas concerné par cette circulaire. Contacté par franceinfo, l’Ordre national des médecins indique "conseiller très fortement ne pas inscrire des médecins condamnés pour des faits graves dont bien évidemment les violences sexuelles". Mais la décision finale appartient aux conseils départementaux de l’Ordre qui doivent apprécier si une telle condamnation peut être "attentatoire à la probité et à la moralité du médecin". Une évaluation au cas par cas et pour lesquels il existe, en cas de refus d’inscription, plusieurs voies de recours.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.