Harcèlement dans les transports : "Un souvenir qui me met les larmes aux yeux"
Au moment où le gouvernement promet des "mesures fortes" pour lutter contre ces violences sexistes, francetv info rassemble vos témoignages.
Des mains sur les fesses, des regards libidineux, des commentaires sexistes subis dans les transports en commun... Cela n'est ni de la drague, ni de la flatterie, et encore moins "un moment #plutôtsympa", mais bien du harcèlement. Au moment où le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes a remis au gouvernement, jeudi 16 avril, un rapport destiné à lutter contre ces violences sexistes, francetv info a lancé un appel à témoins. Voici les récits, parfois anonymes et souvent douloureux, que vous nous avez confiés.
"Autour de moi, personne n'a rien fait"
@Anonyme : "Jeudi 3 avril 2014, en fin d'après-midi. Je suis en dernière année de DUT, à Noisy-Champs (Seine-Saint-Denis), et je viens de passer une soutenance sur un gros projet. Je me suis bien habillée pour l'occasion, avec une jupe droite, que je n'ai pas l'habitude de porter, et un pull. (...) Le RER est bondé. Un peu coincée parmi tous ces gens, je sens quelque chose derrière ma cuisse, au bout de ma jupe. Première pensée : on est tellement serrés que quelque chose ou quelqu'un est en train de me toucher par mégarde. Puis je sens cette 'chose' remonter vers mes fesses ; ma jupe remonter et se resserrer. Premier réflexe : rabaisser ma jupe toujours en pensant que quelqu'un n'a juste pas fait attention à ce qu'il faisait. Quelques secondes plus tard, je sens la 'même chose', plus appuyée contre ma cuisse, soulevant ma jupe dans le but d'atteindre mes fesses. Cette fois-ci, je saisis 'la chose' en découvrant que c'est une main.
Je me retourne et découvre l'homme fautif. Je dis tout fort avec un brin de colère dans la voix : 'Euh, qu'est-ce que vous faites ?', attirant l'attention des autres voyageurs du train. L'homme répond : 'Rien, rien', et il met sa main sur son autre bras qui tient la rambarde, un rictus sur les lèvres. Jusqu'à ce qu'il descende, j'ai surveillé cette main coupable. De mon côté, je me suis retenue de ne pas fondre en larmes. Autour de moi, personne n'a rien fait. En même temps, je n'ai pas été très claire sur la nature de la faute, et je pense que personne ne pouvait faire grand-chose…
En rentrant, j'ai fait bonne mine devant mes parents, et je suis ensuite partie me réfugier dans ma chambre pour pleurer. Pendant le mois suivant cette agression, j'ai eu peur de prendre les transports en commun seule, et surtout aux heures de pointe. Je ne me suis jamais dit que c'était de ma faute. Je sais que c'est celle de cet homme. Je n'ai confié cette agression qu'à la personne de mon cœur, et à la psychologue qui me suivait. Je pense que, quoi que je fasse, il restera dans ma tête ce souvenir qui revient, certes moins douloureux avec le temps, mais qui, encore aujourd'hui, me met les larmes aux yeux."
"Je ne connais aucune femme à qui ça n'est pas arrivé"
@Picsou : "Cela ne m'arrive plus aujourd'hui car je suis retraitée, donc moins attrayante, mais j'ai pris les transports en commun pendant plus de 40 ans et j'ai été agressée des dizaines de fois, mains baladeuses, frotteurs, etc... Je ne connais aucune femme à qui ça n'est pas arrivé."
"Je suis restée sans voix"
@Anonyme : "J'ai 49 ans, j'emprunte les transports en commun tous les jours. Il y a quelques années, un homme s'est assis à côté de moi dans le bus. Il avait les mains en dessous de son attaché-case. Doucement, sa main droite a glissé sur ma cuisse. Je suis restée sans voix. Mais j'ai quand même eu le réflexe de me lever, et de le faire bouger afin de descendre au plus vite du bus, alors que ce n'était pas mon arrêt. Je me suis assurée qu'il ne descendait pas en même temps que moi."
"De mon temps, nous n'osions pas en parler"
@mamie : "J'ai 77 ans, et déjà, dans ma jeunesse, j'ai subi ce genre d'agressions de nombreuses fois, sous diverses formes. Mais dans mon temps, nous n'osions pas en parler. Prendre le métro était devenu un cauchemar. Merci de prendre enfin en compte ce phénomène, pour mes deux filles et deux petites-filles."
"Depuis, je ne prends plus le bus"
@Anonyme : "Il y a trente ans, j'ai pris un bus bondé à Marseille. J'avais 24 ans. J'étais en jupe, pas courte, elle m'arrivait au genou. Le passager derrière moi en a profité pour la soulever petit à petit, pour arriver jusqu'à ma culotte, et même au-delà. Je ne pouvais pas bouger, nous étions trop serrés. Heureusement, on arrivait à un arrêt. Ce n'était pas le mien. Mais je suis sortie, la peur au ventre qu'il me suive. Mais ça n'a pas été le cas, heureusement. Depuis, je ne prends plus le bus."
"On est quand même plus peinardes en pantalon"
@Anonyme : "Dans le métro parisien, ligne 2, je porte une jupe légère. C'est l'été. Il y a du monde dans la rame, mais d'ordinaire, chacun se débrouille plus ou moins pour ne pas se faire face, et ne pas coller des parties bien précises de son corps contre celles d'inconnus. Sauf cet homme derrière moi, qui frotte son sexe (...) contre mes fesses, sans se cacher. Et moi, humiliée, incapable de bouger, de hurler, qui attends très impatiemment la prochaine station pour pouvoir changer de wagon. Ensuite, une grande douche...
Ou encore cet autre, toujours l'été, toujours une jupe, mais cette fois-là, la ligne 1. Il n'y pas grand-monde dans la rame, mais je sens une main sur mes fesses. Je réagis immédiatement, en criant à la tête de l'intéressé : 'Non mais ça va pas ! Vous arrêtez immédiatement !' Homme outré, tête surprise : il ne comprend pas. Wagon indifférent. Je passe pour une cinglée, avec trop d'imagination. Mais enfin, quand on sent une paume et cinq doigts vous caresser à la lisière de la jupe, il y a quand même peu d'espace pour le doute ! Evidemment, je change de rame. (...) Conclusion : on est quand même plus peinardes en pantalon dans le métro."
"J'ai développé une véritable horreur des hommes"
@Selenia : "Depuis l'âge de 10 ans, ayant eu prématurément une forte poitrine, je n'ai jamais pu prendre le métro à une heure de forte affluence sans que l'on me tâte les seins ou que l'on se presse contre mes fesses, ne pouvant me dégager vu qu'on était serrés comme des sardines. J'essayais de me retourner, de regarder l'homme, aux yeux innocents… Tout le monde, lui compris, prenait un air étonné, comme si j'étais folle.
J'ai même une fois subi un véritable viol, à travers les vêtements, l'individu me regardant cette fois d'un air menaçant et méprisant. J'ai eu peur. (...) J'ai développé une véritable horreur des hommes et de leur contact prédateur, jusqu'à ce que le père de mes enfants m'apprenne que le sexe pouvait être doux et beau. Merci à lui."
"Je ne me suis pas laissé faire"
@Anonyme : "En 1986. Dans un train bondé de gare Saint-Lazare vers Cergy (Val-d'Oise). J'ai senti une main qui me caressait les fesses, sauf que je ne me suis pas laissé faire. Ayant repéré le coupable, un grand coup de talon dans le tibia avec un commentaire le plus vulgaire qui soit. Mais j'ai vu sur les visages autour de moi des réactions d'incompréhension, comme si j'aurais dû me sentir flattée. J'ai continué d'insulter le type, qui est descendu à l'arrêt suivant. Depuis, je ne vis plus en France. Et ce genre de comportement fait aussi partie des raisons de mon départ."
"J'assimile cela au viol"
@Wanda : "J'ai 71 ans. Et dans le métro, j'ai connu les hommes qui se frottent sous prétexte de monde, les bousculades intentionnelles, les mains baladeuses, le type qui, lorsqu'on se rebiffe, dit qu'on prend nos désirs pour des réalités.Tout cela existe depuis longtemps ! Ce sont les hommes qu'il faudrait éduquer, et s'il s'agit d'un jeu pour certains, il n'y a qu'eux qui jouent, ils ne nous demandent pas si nous voulons jouer avec eux. J'assimile cela au viol."
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