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11-Novembre perturbé : "Pour l'extrême droite, la gauche ne sera jamais légitime"

Des militants d'extrême droite ont sifflé la cérémonie du 11-Novembre sur les Champs Elysées. Selon le politologue Jean-Yves Camus, la mouvance identitaire ne cessera jamais de contester la légitimité de la gauche au pouvoir. 

Article rédigé par Vincent Daniel - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Plusieurs personnes huent le président de la République, François Hollande, à son passage sur les Champs-Elysées, à Paris, le 11 novembre 2013, en marge des commémorations de l'armistice de la première guerre mondiale.  (MICHEL EULER / AP / SIPA)

"Hollande démission ! Dictature ! Ta loi, on n'en veut pas."  Les cérémonies de commémoration du 11-Novembre ont été perturbées, lundi, par des dizaines de manifestants sur les Champs-Elysées, à Paris. Selon la préfecture de police, soixante-treize individus ont été interpellées.

Parmi eux, se mélangent des membres du Printemps français, un mouvement né en marge de la contestation contre le mariage pour tous et proche de l'extrême droite. Certains militants portaient aussi des bonnets rouges, symbole de la lutte bretonne qui réclame la suppression de l'écotaxe. Le candidat FN à la mairie de Paris, Wallerand de Saint-Just, a également revendiqué sa présence sur les lieux. 

"Hollande démission", crient des manifestants lors des commémorations du onze novembre (FRANCE 2)

Le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, a promis "la plus grande sévérité" contre "quelques dizaines d'individus (...) liés à l'extrême droite, au Printemps français, au Renouveau français". Des opposants "qui voulaient s'en prendre à la France, à la Nation, à la République""Ça suffit ! Le 11-Novembre est un moment unique de rassemblement", a-t-il ajouté. 

Pour le politologue Jean-Yves Camus, spécialiste de l'extrême droite, "partout où il y aura possibilité de faire ce genre d'actions, ces groupes d'extrême droite tenteront de le faire, quel que soit le sujet de la commémoration". Interview.

Francetv info : Le président de la République a été hué lors de la commémoration du 11-Novembre. Il semble que l'extrême droite soit derrière cette manifestation. A-t-elle franchi un cap ?

Jean-Yves Camus : Avec cet incident, nous sommes dans la continuité du mouvement qui a commencé l'année dernière, au moment de la discussion sur la loi Taubira ouvrant le mariage aux couples homosexuels. Ces groupes se sont agrégés à la contestation contre le mariage pour tous. D'ailleurs, avant même les manifestations contre cette loi, on avait vu un certain nombre de mouvements de la mouvance identitaire lancer une campagne qui constestait la légitimité du chef de l'Etat. Cela s'appelait "François Hollande n'est pas mon président". 

Et cela va continuer. Nous allons rentrer dans une année pleine de commémorations, celle de la première guerre mondiale mais aussi celle du Débarquement et de la Libération. Donc une année propice à toutes les actions susceptibles d'être médiatisées. Partout où il y aura possibilités de perturber l'action de François Hollande, ces groupes tenteront de le faire, quel que soit le sujet de la commémoration. 

Certains manifestants sur les Champs-Elysées portaient des bonnets rouges. Y a-t-il des proximités entre le mouvement breton et cette mouvance identitaire ?

C'est extrêmement facile de s'acheter un bonnet rouge et de le porter pour ensuite tenter de surfer sur les manifestations qui ont eu lieu en Bretagne. Il y a clairement un détournement du bonnet rouge parce qu'il y a une médiatisation rapide et forte autour de ce mouvement. Mais l'orientation idéologique du mouvement qui est apparu en Bretagne n'est pas la même que celle des manifestants interpellé ce matin à Paris.

Les manifestants bretons ont un agenda social. Au départ de leur mouvement, il y a des revendications sociales liées au secteur de la filière agroalimentaire, et ils réclament la suppression de l'écotaxe. Ce n'est pas parce que quelques dizaines de militants de la mouvance identitaire se mettent à fréquenter ces manifestations, avec un agenda politique tout à fait différent, que l'ensemble des "Bonnets rouges" doit être assimilé à l'extrême droite. 

Pour autant, François Hollande semble être bien plus ciblé que Nicolas Sarkozy...

Ce n'est pas François Hollande qui cristallise les haines de la part de l'extrême droite, c'est la gauche. De manière assez naturelle, il y a une contestation de la légitimité même de la gauche à assumer le pouvoir. Quand la cote de popularité du président de la République est au plus faible, c'est d'autant plus facile. 

Lorsque la gauche est au pouvoir, la mouvance identitaire peut exprimer de façon plus claire son opposition à la politique menée par un gouvernement de gauche. Sous Nicolas Sarkozy, c'était plus compliqué, parce que sur les questions liées à l'identité ou à l'immigration, il y avait moins d'espace pour eux. Cela ne veut pas dire que les identitaires ont ménagé Sarkozy, au contraire. Mais c'était beaucoup plus difficile d'exister. A partir du moment où la gauche reprend le pouvoir, ces mouvements expriment facilement une opposition radicale. La gauche n'est jamais légitime à leurs yeux. Jamais. 

La gauche doit-elle craindre les identitaires ?

Il n'y a pas de raison pour qu'une majorité parlementaire et présidentielle s'inquiète de quelques dizaines de personnes de cette mouvance. La véritable inquiétude, elle est dans la cote de popularité des responsables de l'exécutif et dans l'ampleur des mouvements de protestations sociales qui existent dans le pays, comme ce qu'on a pu voir en Bretagne. 

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