Féminicide de Mérignac : convoquer sept policiers en conseil de discipline est "un signal fort" pour l'avocat de la famille
Maître Julien Plouton, avocat de la famille de Chahinez Daoud, tuée par son mari en pleine rue à Mérignac (Gironde) en mai, s'est félicité sur franceinfo mercredi des décisions du directeur de la police nationale.
Blâmer le directeur zonal de la sécurité publique et convoquer sept policiers en conseil de discipline est un "signal fort", a réagi sur franceinfo mercredi maître Julien Plouton, avocat de la famille de Chahinez Daoud, tuée par son mari en mai à Mérignac (Gironde). Le Directeur général de la police nationale (DGPN) a en effet pris des décisions sévères à l'encontre des policiers impliqués dans les dysfonctionnements de l'affaire. "C'est une façon de reconnaître que (...) l'ensemble de la chaîne hiérarchique a été défaillante", a-t-il affirmé, alors que la victime avait déposé plainte contre son mari un mois avant d'être brûlée vive par celui-ci en pleine rue.
Un rapport de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) avait pointé les défaillances dans le traitement du cas de Chahinez, dont le mari avait déjà été condamné pour violences intrafamiliales. L'une d'elles concernait le gardien de la paix qui avait recueilli la plainte de la victime car il avait lui-même été condamné pour ce type de violences deux mois plus tôt.
franceinfo : Le Directeur général de la police nationale s'est montré plus sévère que les recommandations de l'IGPN. Etait-ce la bonne décision à prendre ?
Julien Plouton : C'est un signal fort adressé à l'ensemble de nos concitoyens. Ils ont tous été touchés et sidérés par cette affaire. Ils partagent avec la famille de Chahinez cette incompréhension quant aux manquements été mis en évidence par l'Inspection générale de la justice et de l'administration dans le cadre de l'enquête. Il est important de relever que le Directeur général de la police nationale ne s'est pas contenté de convoquer ceux qui sont au plus bas de la hiérarchie judiciaire. Des hauts gradés sont également convoqués devant ce conseil de discipline. C'est sympolique puisque c'est une façon de reconnaître que dans cette affaire, il y a eu des dysfonctionnements, et que c'est en réalité l'ensemble de la chaîne hiérarchique qui a été défaillante.
Est-ce aussi pour la police une façon de dire qu'elle prend conscience de son rôle dans la prévention des féminicides dans son ensemble ?
C'est comme cela que nous percevons ce message et j'espère que c'est comme cela qu'il sera reçu. La famille n'a pas de rancœur ou de volonté de vengeance, loin de là. En revanche, au travers de cette enquête, nous souhaitons contribuer à ce débat public, afin que de tels actes ne puissent plus se produire ou que tout ce qui peut être fait pour les prévenir soit effectivement fait et réalisé. L'une des premières démarches à effectuer est une démarche de sensibilisation de l'opinion publique mais également des fonctionnaires de police, qui sont au quotidien amenés à traiter ce type de dossiers. Cela permettrait qu'on ne puisse pas dire qu'à cause des manques de moyens, de la lourdeur de la tâche qui incombe aux fonctionnaires de police - dont nous avons conscience- on ne peut pas gérer ces dossiers. Cela ne doit pas être une excuse. Dans ce type de dossiers, il y a un impératif absolu : la réactivité totale lorsque de nouveaux faits sont signalés à un service de police, puisque c'est le seul et unique moyen pour prévenir le passage à l'acte des individus les plus violents ou les plus extrêmes.
Chahinez a été tuée il y a cinq mois. Où vivent ses trois enfants désormais ?
Ils sont aujourd'hui placés en famille d'accueil. La priorité des parents de Chahinez, de leurs grands-parents, c'est de mener le combat pour récupérer les enfants de leur fille. C'est un combat un petit peu long et épuisant. Ils sont une nouvelle fois confrontés à une certaine forme d'inertie de la justice, qui est une machine aux rouages longs, ce qui est parfois difficile à vivre. Cela crée des incompréhensions. Ces enfants sont dans une situation de précarité Ils sont aujourd'hui informés de la présence de leurs grands-parents sur le territoire national, pour les récupérer et s'occuper d'eux en France. Ils ont cependant des droits de visite assez limités, même si nous avons pu obtenir assez récemment du juge des enfants qu'il soit étendu. Ils peuvent maintenant passer le temps d'un week-end complet avec eux. C'était la première étape et c'est notre première victoire. Nous aurons une audience d'ici la fin du mois de novembre, au terme de laquelle nos espérons pouvoir obtenir leur placement au domicile des grands-parents. C'est leur priorité absolue, au-delà de l'information judiciaire et du combat au temps long concernant la reconnaissance de la culpabilité de l'auteur des faits.
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