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Affaire Vincent Lambert : "C'est une euthanasie active, indirecte, puisqu'on endort la personne et qu'elle ne va jamais se réveiller"

Jean-Luc Romero, président de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité, souhaite une légalisation de l'euthanasie et du suicide assisté.

Article rédigé par franceinfo
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Jean-Luc Romero, président de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité, le 14 octobre 2017. (XAVIER LEOTY / AFP)

Jean-Luc Romero, président de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), a estimé lundi 20 mai sur franceinfo que l'arsenal législatif français sur la fin de vie n'était pas adapté au cas de Vincent Lambert. "Cette loi ne permet pas aux personnes qui ont un cœur solide de mourir en quelques heures. Donc ça pose problème quand ça dure une, deux ou trois semaines". D'après lui Vincent Lambert va subir une "euthanasie active, indirecte, puisqu'on endort la personne et qu'elle ne va jamais se réveiller". Jean-Luc Roméro appelle à "légaliser l'euthanasie et le suicide assisté".

franceinfo : Est-ce que vous avez le sentiment que Vincent Lambert est en train de s'éteindre dans la dignité ?

Jean-Luc Romero : Quand on voit une famille qui se déchire, on ne peut qu'être ému, être ennuyé, essayer d'avoir un peu de pudeur. Ce qui m'ennuie, c'est que dans cette affaire, pour une personne qui ne peut pas s'exprimer, l'ADMD et moi-même depuis très longtemps nous avions demandé au législateur de changer les choses. M. Léonetti, dans le cadre de ses trois lois, a toujours refusé. Chez nos voisins, en Belgique, qui décide quand on est dans une situation comme celle-là, quand il n'y a pas de directives anticipées ? Quand il n'y a pas de personne de confiance ? Quand la personne ne peut pas s'exprimer ? En premier c'est l'épouse, le conjoint. C’est-à-dire la personne qui a été choisie par la personne malade. S'il n'y a pas de conjoint, c'est les enfants, adultes. Et après les parents. En Belgique, jamais les parents n'auraient pu s'opposer à la décision de l'épouse, qui est la plus légitime, celle que Vincent avait choisie, qui dit, avec la majorité des frères et sœurs, que Vincent a toujours dit qu'il ne voudrait pas être dans cette situation. On n'aurait pas eu ces dizaines de juridictions qui sont très difficiles pour tout le monde. Cette affaire montre aussi certains dangers de la loi Léonetti. La sédation terminale qui lui est prodiguée, c'est une solution, si vous mettez 24 heures ou 48 heures à mourir. Mais dans notre pays, beaucoup de gens ont des sédations terminales qui durent trois semaines. On endort les gens, on arrête de les alimenter, on arrête de les hydrater, et on attend qu'ils meurent !

Est-ce que nous sommes en train d'assister à une forme d'euthanasie qui ne dit pas son nom ?

Bien sûr, c'est une euthanasie active, indirecte, puisqu'on endort la personne et qu'elle ne va jamais se réveiller. C'est pour ça que nous n'avons toujours pas compris pourquoi on ne pouvait pas avoir l'euthanasie, qui permet aux gens de dire qu'ils veulent partir entourés des leurs et en quelques minutes. La sédation, c'est une solution pour les gens qui vont mourir très rapidement, qui ont des organes vitaux très fatigués. C'est 10% des cas en Belgique.

Donc ce n'était pas la bonne solution dans le cas de Vincent Lambert ?

Si puisqu'il n'y a que ça en France. Puisque tous les experts nous ont dit qu'il y avait une obstination déraisonnable. Cette loi ne permet pas aux personnes qui ont un cœur solide de mourir en quelques heures. Donc ça pose problème quand ça dure une, deux ou trois semaines.

Ça veut dire que vous êtes pour la légalisation de l'euthanasie en France ?

Moi je veux que les politiques arrêtent d'en parler et mettent les moyens sur la fin de vie. Depuis le 1er janvier, il n'y a même plus de plan de soins palliatifs. Il faut y travailler dessus et mettre l'argent, comme le font les Belges et les Hollandais. Et de l'autre côté, il faut légaliser l'euthanasie et le suicide assisté, qui sont marginaux. Ce ne sera sûrement que 2, 3, 4% des morts. Il y a des situations où l'on ne peut pas soulager des personnes. Il faut leur permettre de pouvoir partir comme elles le souhaitent. Comme d'autres le font en partant à l'étranger. Au pays des droits de l'homme on voit des gens qui fuient pour pouvoir mourir dans la dignité. Est-ce que vous voyez des Belges, des Hollandais ou des Luxembourgeois qui fuient en France pour pouvoir mourir ? Ça n'existe pas. Malheureusement le contraire existe.

Emmanuel Macron qui estime qu'il ne lui appartient pas de suspendre l'arrêt de traitements. Qu'en pensez-vous ?

Il a tout à fait raison. Les juges se sont exprimés sur la base d'expertises. Mais lorsqu'on sera sortis de cette affaire, il appartient au président de la République d'entendre enfin les Français qui s'expriment pour la légalisation de l'euthanasie dans tous les sondages, même celui de La Croix, qui nous dit que 89% des Français, dont 72% des catholiques pratiquants, veulent qu'on puisse légaliser l'euthanasie, que c'est une des solutions à apporter. Il faut enfin avoir une grande loi sur les soins palliatifs et sur la légalisation de l'euthanasie et c'est la responsabilité du président de la République de l'entendre et d'arrêter avec les trois lois Léonetti qui sont faites par des médecins, pour des médecins et qui ne mettent pas au centre de la décision la personne en de fin de vie.

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