Infographie Fin de vie : à quoi ressemble le parcours d'aide à mourir voulu par Emmanuel Macron, étape par étape ?

De l'expression de la demande jusqu'à l'administration de la substance létale, franceinfo vous présente le scénario envisagé par l'exécutif, qui doit encore soumettre son projet de loi au Conseil d'Etat et le dévoiler en Conseil des ministres.
Article rédigé par Yann Thompson
France Télévisions
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Emmanuel Macron s'exprime en conférence de presse à l'Elysée, à Paris, le 11 mars 2024. (MATHILDE MAZARS / SIPA)

Il veut "tracer un chemin" vers une "possibilité de demander une aide à mourir sous certaines conditions strictes". Emmanuel Macron a dévoilé, dimanche 10 mars, les contours du projet de loi sur la fin de vie, attendu de longue date. Avançant avec précaution, le chef de l'Etat a présenté le "cadre" envisagé, qui ne crée, selon lui, "ni un droit nouveau ni une liberté", pas plus qu'une "assistance automatique" du corps médical. "Le nouveau cadre propose un chemin possible, dans une situation déterminée, avec des critères précis, où la décision médicale a son rôle à jouer", a-t-il insisté, dans un entretien accordé à La Croix et Libération.

Pour la première fois, le président de la République a détaillé le parcours qui pourrait se présenter aux demandeurs d'une aide à mourir. Franceinfo vous détaille les différentes étapes envisagées à ce stade, tout en gardant à l'esprit que le texte est susceptible d'évoluer dans les prochains mois, à l'occasion de son examen devant le Conseil d'Etat, puis à l'Assemblée nationale et au Sénat.

Le parcours envisagé par l'exécutif pour les demandeurs d'une aide à mourir, tel que présenté par Emmanuel Macron le 10 mars 2024. (FRANCEINFO)

1 Une demande faite par le patient et soumise à cinq conditions

Le parcours présenté par Emmanuel Macron débute à l'initiative du principal intéressé, le patient. Pour prétendre à une aide à mourir, celui-ci doit répondre à cinq critères :

  • Etre âgé de 18 ans ou plus. "Cet accompagnement sera réservé aux personnes majeures, comme la Convention citoyenne l'avait recommandé", avance le chef de l'Etat. En réalité, au printemps 2023, cette instance avait seulement acté les avis "très partagés" de ses membres sur ce point, sans recommandation dans un sens ou dans l'autre. Avec ce critère, l'exécutif opte donc pour la prudence, quitte à créer une inégalité face à la loi entre un malade de 17 ans et un autre de 18 ans.
  • Etre "capable d'un discernement plein et entier". Le président entend ainsi exclure de la procédure "les patients atteints de maladies psychiatriques ou de maladies neurodégénératives qui altèrent le discernement, comme Alzheimer". L'objectif est de s'assurer de la volonté libre et éclairée de la personne qui formule le souhait de mourir, quitte à écarter la démarche de malades qui feraient une demande anticipée à un stade encore précoce de leur pathologie.
  • Etre atteint d'une maladie incurable. Ce critère renvoie à toute pathologie qui, dans l'état actuel des connaissances, ne peut pas ou plus être guérie. Cela concerne par exemple les patients atteints d'un cancer en phase terminale. L'"aide à mourir" envisagée par l'exécutif ne concerne donc pas les malades à un stade peu avancé, pour lesquels existe encore un espoir de rémission.
  • Avoir un pronostic vital engagé à court ou à moyen terme. Si la notion de court terme renvoie généralement à une mort attendue dans quelques heures ou quelques jours, ce critère demeure flou concernant le moyen terme. L'Elysée a avancé, lundi, un horizon de "plusieurs semaines, plusieurs mois", tout en précisant qu'aucun seuil ne serait inscrit dans la loi, et que ce critère serait laissé à l'appréciation de la communauté médicale. 
  • Ressentir des souffrances "réfractaires". Le dernier critère d'éligibilité est l'existence de souffrances "physiques ou psychologiques" que "l'on ne peut pas soulager", expose Emmanuel Macron. Cette notion de souffrances réfractaires aux traitements existe déjà dans le Code de la santé publique et peut concerner des situations très diverses, qu'il s'agisse de douleurs, de difficultés respiratoires ou d'angoisses existentielles.

2 Une confirmation de la demande après un délai de réflexion

Une fois la demande initiale formulée, un délai d'"un minimum de deux jours d'attente" s'ouvre "pour tester la solidité de la détermination" du patient, déroule Emmanuel Macron. "Il arrive que des gens souhaitent en finir, mais qu'ils reviennent ensuite sur cette demande, car on a pu soulager leur douleur entre-temps", justifie l'Elysée. "La première question qui sera posée [au patient demandeur], c'est de lui proposer des soins palliatifs", qu'il sera libre de refuser, a d'ailleurs précisé la ministre de la Santé, Catherine Vautrin, lundi soir sur France 2. Ce n'est qu'à l'issue de ce temps de réflexion de deux jours que la demande d'aide à mourir pourra être réitérée, afin de passer à l'étape suivante. 

3 Une phase d'évaluation de la situation du patient

La confirmation de la demande ouvre un délai "de quinze jours maximum" permettant aux professionnels de santé d'examiner le dossier. Une équipe composée d'au moins deux médecins est constituée pour "s'assurer que les critères d'accès sont réunis", si besoin en recueillant "l'avis de spécialistes" et en sollicitant "les médecins, psychologues, infirmiers ou aides-soignants qui ont l'habitude d'accompagner la personne", selon le chef de l'Etat. A tout moment de la procédure, les médecins pourront exercer leur clause de conscience et s'en retirer. Pour faire face à cette éventualité, l'Elysée dit réfléchir à une "liste" de professionnels volontaires vers lesquels les médecins réfractaires pourraient orienter le patient.

4 Une décision médicale pouvant faire l'objet de recours

A l'issue de la phase d'évaluation, le patient doit obtenir une réponse. "Il revient à une équipe médicale de décider, collégialement et en transparence, quelle suite elle donne à cette demande", prône Emmanuel Macron. En cas de feu vert unanime, la procédure se poursuit. Mais que se passe-t-il en cas d'avis divergents parmi les professionnels ? "La collégialité ne veut pas dire l'unanimité", reconnaît le chef de l'Etat. "Le corps médical sait gérer, déontologiquement, les dissensus. J'ai confiance dans la capacité des personnels médicaux et paramédicaux à faire face, avec humanité, à ces situations." Sollicitée sur ce point par franceinfo, la présidence évoque "une décision prise par une personne à la fin, car il n'y a qu'un médecin qui prescrit".

En cas de rejet de sa demande, le patient a "le droit d'aller voir une autre équipe médicale ou de procéder à des recours" – sans que l'on sache, à ce stade, quelles en seraient les modalités, ni les délais. Une version provisoire du projet de loi datée d'octobre, consultée par franceinfo, mentionnait une saisine de la justice judiciaire ou administrative, "le cas échéant dans le cadre d'une procédure d'urgence". Dans son interview, le chef de l'Etat évoque aussi un possible recours initié par des "membres de la famille" du patient, qui pourraient donc contester la décision médicale, qu'elle soit favorable ou défavorable.

5 La mise en œuvre de l'aide à mourir

Dès lors que la demande du malade est approuvée, "on lui demande de réfléchir un minimum de deux jours", a détaillé Catherine Vautrin lundi. Une fois ce nouveau délai de réflexion passé, il se voit délivrer une prescription, "valable trois mois", "période durant laquelle le patient pourra, bien entendu, se rétracter à tout moment", selon Emmanuel Macron. L'accompagnement par les professionnels de santé se poursuit afin de définir, "dans un dialogue avec le patient", les modalités de délivrance de l'aide à mourir. Charge à eux "de recommander la présence ou non d'un personnel médical ou le lieu plus approprié", que ce soit à domicile, en Ehpad ou à l'hôpital.

Dans le cas où le patient décide d'aller jusqu'au bout, le produit doit être retiré en pharmacie 24 heures avant l'acte, selon une source proche du dossier. La nature du geste final dépend de l'état de santé du malade. Si ses capacités physiques le lui permettent, "l'administration de la substance létale est effectuée par la personne elle-même", d'après le texte du projet de loi, cité par Emmanuel Macron dans son interview. Dans le cas contraire, la personne peut demander à être assistée par un tiers, chargé par exemple de tenir le gobelet contenant le produit ou de l'injecter. Cet intervenant peut être un médecin ou un infirmier, voire toute autre "personne volontaire" désignée par le malade, dès lors qu'elle est techniquement en mesure de prodiguer le dernier geste. Tout au long de la procédure, les proches pourront bénéficier d'un accompagnement spécifique, notamment s'ils sont amenés à "effectuer le geste", assure l'Elysée.

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