Fin de vie : l'évêque de Nanterre a "l'impression que dans la start-up nation, les personnes non-productives n'ont pas le droit de cité"
"On a l'impression que dans la start-up nation, les personnes non-productives n'ont plus le droit de cité", fustige, lundi 11 mars, sur France Inter Monseigneur Matthieu Rougé, évêque de Nanterre (Hauts-de-Seine) et membre du conseil permanent de la Conférence des évêques de France, au lendemain des annonces d'Emmanuel Macron sur le futur projet de loi pour "une aide à mourir".
Dimanche, le chef de l'État a affirmé dans un entretien accordé à Libération et à La Croix que le texte instaurant une aide à mourir sous "conditions strictes" serait présenté en Conseil des ministres en avril, en vue d'une première lecture en mai à l'Assemblée nationale. Emmanuel Macron détaille ces conditions et précise que la procédure pourrait se faire dans un établissement de soins, à domicile ou en Ehpad, ce que dénonce vertement Monseigneur Rougé. L'évêque juge cette possibilité "incompréhensible". "Ça veut dire qu'on va ouvrir massivement la possibilité de recourir aux gestes létaux dans les Ehpad" et "le scandale des Ehpad d'il y a quelques mois serait peu de chose à côté de cette ouverture", estime-t-il.
Monseigneur Matthieu Rougé critique également le choix des mots d'Emmanuel Macron. Le président de la République dit, en effet, vouloir éviter les termes de "suicide assisté" ou d'"euthanasie", préférant le terme plus général d'"aide à mourir". L'évêque de Nanterre lui y voit un "euphémisme". "Ce projet de loi, c'est l'euthanasie et le suicide assisté (...), c'est à la fois la solution belge et la solution suisse", s'agace-t-il.
"Une très mauvaise surprise"
Le membre du conseil permanent de la Conférence des évêques de France considère ainsi que ce futur projet de loi "est une très mauvaise surprise". Il rappelle que lorsque le chef de l'État "a récemment réuni les responsables des cultes, des médecins et des personnes engagées sur ce sujet, il a annoncé une grande loi sur les soins palliatifs, à l'intérieur de laquelle il pensait introduire une disposition pour répondre à des situations inextricables". Monseigneur Rougé considère que le futur texte représentera "le contraire : il y [aura] une grande loi pour l'euthanasie et le suicide assisté, avec quelques dispositions mineures de soutien aux soins palliatifs". "Cette inversion de ce qu'il nous avait annoncé est à la fois triste et préoccupante", critique-t-il.
Dans son interview, Emmanuel Macron affirme qu'une aide à mourir "serait une vraie révolution d'humanité et de fraternité", des mots qui déplaisent à Monseigneur Matthieu Rougé. Il considère qu'on "ne peut pas parler de fraternité quand on répond à la souffrance par la mort". "Quand le pronostic vital est engagé, la mort n'est pas déjà là", soutient-il. Il assure être "très sensible à la souffrance", expliquant avoir "accompagné [son] père il y a quelques mois". Il raconte ainsi que "les derniers jours, les dernières heures ont été un grand moment d'humanité". Et pour l'évêque de Nanterre, "intégrer l'humanité de la mort est décisif pour que notre société vive vraiment".
"Aujourd'hui le véritable progressisme qui permettrait sans doute au président d'entrer dans l'histoire, c'est de promouvoir massivement les soins palliatifs alors qu'un quart des départements en est dépourvu", plaide l'évêque de Nanterre. Monseigneur Matthieu Rougé martèle que "le progrès en humanité en France aujourd'hui serait un plan massif sur les soins palliatifs".
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