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Fin de vie : ce qu'il faut savoir sur la Convention citoyenne

Au total, 185 citoyens tirés au sort se rencontrent pour la première fois vendredi, pour quatre mois de travaux. Objectif : remettre des propositions au gouvernement en vue d'une éventuelle loi en 2023.
Article rédigé par Yann Thompson
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Composée de 170 citoyens tirés au sort, la Convention citoyenne sur la fin de vie se réunit pour la première fois à Paris, le 9 décembre 2022. (ELLEN LOZON / FRANCEINFO)

C'était en mars dernier. Emmanuel Macron dévoilait son programme et proposait un chantier sur la fin de vie en France. "Je souhaite que nous puissions avancer de manière apaisée, déclarait le candidat à la présidentielle. C'est pourquoi je pense que c'est un bon sujet pour une convention citoyenne." A savoir, une assemblée de citoyens tirés au sort, pour écouter la société dans sa diversité. Six mois plus tard, le président réélu confiait la mission de s'y atteler "dès octobre" au Conseil économique, social et environnemental (Cese), déjà organisateur de la Convention citoyenne pour le climat.

Nous y voilà : la Convention citoyenne sur la fin de vie est installée, du vendredi 9 au dimanche 11 décembre, lors d'un premier week-end de travail à Paris. Venus de toute la France, les participants doivent se retrouver à neuf reprises au siège du Cese et préparer un rapport destiné à la Première ministre, Elisabeth Borne, "d'ici la fin mars 2023". Franceinfo présente ce qui attend cette nouvelle instance.

La mission : un état des lieux sur la fin de vie

Les membres de la Convention citoyenne auront un seul devoir à rendre, articulé autour d'une unique question, rédigée par Matignon :

"Le cadre de l'accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d'éventuels changements devraient-ils être introduits ?"

Question adressée par Elisabeth Borne

aux membres de la Convention citoyenne sur la fin de vie

Pour y répondre, les "conventionnels" doivent d'abord prendre connaissance du cadre juridique actuel, principalement défini par la loi Claeys-Leonetti de 2016. Ce texte interdit l'euthanasie (mettre fin à la vie d'une personne à sa demande en cas de maladie grave, incurable et insupportable) et le suicide assisté (donner les moyens à une personne de mettre soi-même fin à ses jours) en France, mais permet une "sédation profonde et continue jusqu'au décès" pour des malades en phase terminale et en très grande souffrance, dont le pronostic vital est engagé "à court terme", à l'horizon de quelques heures ou quelques jours.

Les participants devront se pencher sur la façon dont cette loi est appliquée depuis six ans et identifier si elle apporte des réponses satisfaisantes aux différentes situations de fin de vie, en fonction notamment de la pathologie, du pronostic vital et du lieu de prise en charge (hôpital, Ehpad, domicile) des personnes. Si des lacunes sont identifiées, il leur faudra débattre "d'éventuels changements" que pourrait intégrer une nouvelle loi sur la fin de vie.

Pour mener cette réflexion, les membres de la Convention citoyenne pourront s'appuyer sur un avis du Conseil consultatif national d'éthique (CCNE) publié en septembre. Présenté comme une "boussole" du débat sur la fin de vie, ce rapport déplore "une mise en œuvre très insuffisante de la législation en vigueur" et appelle, "avant toute réforme", à "une accélération" du développement des soins palliatifs en France. Il recommande également un accès "plus effectif" à la sédation profonde et continue. En parallèle, face à certaines limites du cadre actuel, le CCNE ouvre la voie à l'introduction d'une "aide active à mourir", prioritairement sous forme d'"assistance au suicide", pour des pronostics vitaux engagés à moyen terme, soit quelques semaines à quelques mois, selon les termes évoqués dans l'avis du CCNE.

Le panel : 185 citoyens tirés au sort

Ces dernières semaines, 185 citoyens "volontaires" et "représentatifs de la diversité de la société française" ont été tirés au sort, par téléphone, par la société Harris Interactive, mandatée par le Cese. Plus élevé que prévu, ce nombre de participants a été retenu pour "anticiper les risques de défection des citoyens pour raisons personnelles" à mesure de l'avancée du projet, selon les organisateurs, qui veulent s'assurer qu'au moins 150 personnes iront jusqu'au terme de la convention.

Des critères de sélection portant sur le sexe, l'âge, le lieu de vie, le niveau de diplôme et la catégorie socioprofessionnelle ont été imposés par le Cese pour s'assurer de "la richesse des délibérations et que chaque point de vue soit entendu" lors des discussions. Aucun critère de nationalité n'a été retenu, mais une maîtrise minimale du français a été requise pour prendre part aux débats. En fin de tirage au sort, les efforts se sont concentrés sur les personnes en grande précarité et les femmes peu diplômées, plus difficiles à convaincre, du fait notamment de contraintes familiales et d'un sentiment d'illégitimité plus forts.

"Cette diversité de profils et d'histoires est essentielle au débat démocratique qui s'ouvre."

Claire Thoury, présidente du comité de gouvernance de la Convention citoyenne sur la fin de vie

sur le site du Cese

Sur le plan logistique, les participants verront leurs frais de transport, d'hébergement et de restauration à Paris pris en charge par le Cese. En plus du défraiement, ces 185 adultes seront aussi indemnisés, au même titre que des jurés qui participent à des procès d'assises : environ 2 500 euros brut pour 27 jours de présence. La perte de jours de salaire pourra être compensée, à hauteur de 11 euros supplémentaires par heure de travail manquée. Enfin, les parents ayant des enfants à charge pourront être remboursés pour les éventuels frais de garde.

Le calendrier : quatre mois de travaux

Le programme de la Convention citoyenne a été décomposé en trois étapes :

• Le premier week-end (9-11 décembre) et le suivant (16-18 décembre) doivent permettre une "phase de rencontre et d'appropriation", pour que chaque "conventionnel" découvre la mission, trouve sa place dans le collectif et puisse bénéficier d'une formation sur les questions de fin de vie.

• Viendra ensuite une "phase de délibération", étendue sur quatre week-ends (6-8 janvier, 20-22 janvier, 3-5 février, 17-19 février), lors de laquelle les citoyens prendront les commandes de la Convention et pourront organiser des ateliers, des auditions et, éventuellement, des visites de terrain.

• Enfin, les différents ateliers mettront leurs travaux en commun et travailleront à la rédaction de leur rapport lors d'une "phase d'harmonisation et de restitution" durant les trois derniers week-ends (3-5 mars, 10-12 mars, 17-19 mars).

Le public et la presse pourront suivre l'activité des conventionnels sur place, depuis les tribunes du palais d'Iéna, ou à distance, lors de retransmissions en vidéo. Les organisateurs ont toutefois prévu qu'une partie de chaque week-end se déroule à huis clos, "afin de ne pas attenter à la sérénité des débats". Les Français qui le souhaitent pourront également contribuer aux débats via le site de la Convention, en y déposant par exemple des témoignages personnels. 

Les travaux seront supervisés par le comité de gouvernance de la Convention citoyenne, chargé notamment "de veiller aux principes de transparence et de neutralité". Ce comité, dont la composition est détaillée sur le site du Cese, est constitué de six membres du Cese, de trois chercheurs, de deux représentants du CCNE, de deux ex-participants à la Convention citoyenne pour le climat et de la directrice du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie.

L'inconnue : le devenir des conclusions

Si Emmanuel Macron s'était engagé à reprendre "sans filtre" les propositions de la Convention citoyenne pour le climat, rien de tel, cette fois. En mars, le président-candidat s'est engagé à soumettre au Parlement ou aux Français, par voie de référendum, "le choix d'aller au bout du chemin qui sera préconisé" par la Convention citoyenne sur la fin de vie. Le peuple ou ses élus joueront donc le rôle de "filtre" sur ce sujet sensible.

Dans sa lettre de saisine, Elisabeth Borne se montre encore plus prudente. "Les conclusions de la Convention citoyenne recueillies par le Cese serviront à éclairer le gouvernement", écrit-elle, se contentant d'assurer que les participants seront "informés des suites qui seront données à leurs travaux" et "éclairés sur la prise en considération de leurs réflexions et recommandations". Contrairement à la Convention citoyenne pour le climat, celle dédiée à la fin de vie ne sera pas dotée d'un comité légistique chargé de retranscrire les propositions sous forme de loi. "Les 150 citoyennes et citoyens n'ont pas pour mission d'écrire la loi", a acté le Cese.

Autre différence : les "conventionnels" ne sont pas les seuls à plancher sur le sujet. Le gouvernement a déjà lancé, en parallèle, des consultations avec les acteurs de la fin de vie (soignants, associations, etc.) et a mis sur pied un groupe de travail parlementaire composé de députés et de sénateurs de divers bords. A la demande du chef de l'Etat, des débats sont aussi organisés dans les territoires par les espaces éthiques régionaux, "afin d'aller vers tous les citoyens et de leur permettre de s'informer et de mesurer les enjeux qui s'attachent à la fin de vie".

Quelle place pour la Convention au milieu de ces initiatives ? "La contribution citoyenne sera la pierre angulaire de ce débat", soutient Claire Thoury. "Cette convention citoyenne doit replacer les citoyens au cœur de débat public pour irriguer la législation future. Le comité de gouvernance (…) sera particulièrement vigilant à la façon dont les pouvoirs publics se saisiront de ces travaux."

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