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Fin de vie : à quoi faut-il s'attendre après les conclusions de la convention citoyenne ouvrant la voie au suicide assisté et à l'euthanasie ?

Les 184 citoyens qui se sont réunis pendant plusieurs mois seront reçus, lundi, à l'Elysée, par Emmanuel Macron, au lendemain de l'adoption de leur rapport. Le chef de l'Etat doit annoncer un "acte 2" du débat sur la fin de vie, selon la présidence.
Article rédigé par Yann Thompson
France Télévisions
Publié Mis à jour
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Elisabeth Borne prononce le discours d'ouverture de la convention citoyenne sur la fin de vie, le 9 décembre 2022, au Conseil économique, social et environnemental, à Paris. (MAXIME GRUSS / HANS LUCAS / AFP)

Une page se tourne, mais tout reste à écrire. La convention citoyenne sur la fin de vie a adopté, dimanche 2 avril, à Paris, les conclusions de ses travaux initiés en décembre à la demande d'Emmanuel Macron. Dans ce document nuancé, les 184 Français tirés au sort pour cette aventure de démocratie participative formulent une série de recommandations destinées à améliorer l'accompagnement jusqu'à la mort dans notre pays. Ils proposent de "garantir" des budgets suffisants pour les soins palliatifs, inégalement déployés sur le territoire, et se prononcent majoritairement en faveur de l'euthanasie et du suicide assisté.

Et après ? C'est la question qu'auront à la bouche les membres de la convention citoyenne, lundi, à 10 heures, à l'Elysée, où ils sont invités pour un temps d'échange avec le chef de l'Etat. Les attentes sont mesurées. Avant même le lancement de cette assemblée éphémère, le gouvernement a fait savoir qu'il n'était pas question pour lui de reprendre "sans filtre" les propositions citoyennes dans un texte de loi, contrairement à ce qui avait été promis en 2019 à la précédente convention pour le climat. L'exécutif s'est contenté d'assurer que les participants seraient "informés des suites qui seront données à leurs travaux".

Montrant patte blanche pour ne pas empiéter sur les prérogatives du gouvernement et du Parlement, les organisateurs de la convention sur la fin de vie avaient donc d'emblée renoncé à doter l'instance d'un comité légistique, chargé de transcrire, dans des termes propres à la loi, les propositions. Les citoyens tirés au sort "n'ont pas pour mission d'écrire la loi", avait rapidement clarifié le comité de gouvernance au sein du Conseil économique, social et environnemental (Cese).

Vers un "acte 2" du débat sur la fin de vie

Priés par Matignon d'"éclairer le gouvernement", les citoyens n'en espèrent pas moins rayonner sur le débat et influer sur une future décision publique. Car il fait peu de doute que l'exécutif se dirige vers un texte de loi, possiblement "d'ici à la fin de l'année 2023", comme suggéré par l'Elysée en septembre. Depuis, le porte-parole de l'exécutif, Olivier Véran, a reconnu qu'un texte verrait "vraisemblablement" le jour. Reste à définir ce qui sera retenu de la convention citoyenne.

"Il est temps que la parole citoyenne soit pleinement entendue et prise en compte", avertissent les membres de la convention dans leur rapport. Plus offensive, la présidente du comité de gouvernance, Claire Thoury, salue l'espoir de "revitalisation démocratique" porté par cette convention et dit attendre "des débouchés politiques clairs".

"Ne pas prendre en compte du tout le travail de la convention risquerait d'ébranler davantage la confiance que les citoyens ont en nos institutions."

Claire Thoury, présidente du comité de gouvernance de la convention citoyenne

lors d'un point-presse

Message bien reçu au plus haut sommet de l'Etat. "L'idée n'est pas que cet exercice se conclue par une impasse", rassurait-on à l'Elysée, dimanche après-midi. La présidence exprime sa "satisfaction" sur le déroulement de la convention et salue le climat "très respectueux" qui a animé les débats. Lundi matin, Emmanuel Macron "va tirer les conclusions de ce travail essentiel" et "sans doute tracer la voie d'un possible acte 2 dans ce débat national", dévoilent ses services.

"Aucun modèle" étranger n'est "duplicable"

Le président va-t-il faire un pas vers l'aide active à mourir ? La pression monte aussi parmi les partisans du "libre choix", notamment au Parlement. L'avis de la convention citoyenne "doit être entendu et nous amener à agir, ici et maintenant", a réagi, dimanche, le député MoDem, Olivier Falorni, membre de la majorité et président du groupe d'études parlementaire sur la fin de vie. "J'attends du président qu'il entende la majorité favorable à une évolution de la loi pour instaurer l'aide active à mourir", glisse à franceinfo la sénatrice socialiste Michelle Meunier, qui participe à une mission sur les soins palliatifs.

Mais Emmanuel Macron a déjà fait savoir que, sur ce sujet sensible, il n'était pas "pressé" d'avancer. Sa priorité reste de poser les bases d'un "débat ordonné, serein et éclairé", avec "beaucoup de précautions", répète l'Elysée.

"Les conclusions de la convention vont constituer un point de référence important mais qui s'inscrit dans un débat beaucoup plus large, qui va continuer à vivre."

l'Elysée

lors d'un point-presse

La présidence rappelle que les travaux de la convention citoyenne n'ont pas été lancés de manière "isolée". En parallèle, l'exécutif a mis en place des groupes de travail pour prendre le pouls des députés et sénateurs, d'une part, et des professionnels de santé, d'autre part. Des réunions ont eu lieu sous l'égide des ministres Olivier Véran – chargé du Renouveau démocratique – et Agnès Firmin Le Bodo – chargée de l'Organisation territoriale et des Professions de santé. Ils en ont tiré des synthèses confidentielles qu'ils viennent de remettre à Emmanuel Macron, selon l'Elysée. "Il s'agit plus d'un compte-rendu des échanges que de recommandations", précise une source ministérielle à franceinfo.

Les documents rendent également compte des déplacements des ministres ces derniers mois dans des pays ayant envisagé ou autorisé l'aide active à mourir. Passée par la Belgique, la Suisse, l'Italie, l'Espagne, le Royaume-Uni et les Etats-Unis, Agnès Firmin Le Bodo dit en être revenue avec une seule "certitude" "Aucun modèle d'aucun pays n'est duplicable dans le nôtre", comme elle l'a confié, en mars, à l'Assemblée nationale. "On ne pourrait pas faire un copier-coller." 

Priorité aux soins palliatifs ?

Avant de plancher sur un modèle français d'aide active à mourir, le chef de l'Etat peut s'appuyer sur un autre rapport, publié mercredi à l'Assemblée nationale par la mission d'évaluation de la loi Claeys-Leonetti de 2016. Comme les autres travaux, cet état des lieux permet d'identifier un large consensus sur la nécessité d'améliorer la prise en charge des patients en fin de vie. En ces temps de fortes divisions sociales, l'exécutif a bien compris son intérêt politique à répondre en priorité à ces demandes.

Agnès Firmin Le Bodo prépare ainsi une instruction pour réviser, "fin avril", la circulaire de 2008 sur l'organisation des soins palliatifs (PDF). La ministre juge indispensable de remettre à plat la structuration du secteur, notamment en matière d'organisation, en ville comme à l'hôpital, de prise en charge des mineurs et de formation.

Puis, l'exécutif présentera "avant l'été" une "stratégie décennale" de développement des soins palliatifs et de l'accompagnement de la fin de vie. Malgré cinq plans nationaux déployés depuis la fin des années 1990, la ministre a acté l'inefficacité de ces plans pour atteindre une "égalité d'accès" aux soins. Place donc à un plan sur dix ans, aux contours et au financement encore flous. La réussite de "l'acte 2" envisagé par Emmanuel Macron se jouera sans doute sur ce rendez-vous.

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