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En Suisse, l'aide au suicide plutôt que l'euthanasie

La Suisse est l'un des rares pays d'Europe à autoriser le suicide assisté. Mais seule une association, nommée Dignitas, ouvre cette pratique aux étrangers.

Article rédigé par Ariane Nicolas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
C'est dans cette maison située dans la banlieue de Zurich (Suisse) que l'association Dignitas pratique le suicide assisté. (SEBASTIAN DERUNGS / AFP)

EUTHANASIE - La maison bleue ne désemplit pas. Depuis plus de dix ans, l'association Dignitas, basée à Zurich (Suisse), propose d'aider à se suicider les personnes qui le souhaitent. 

La Suisse n'autorise pourtant pas l'euthanasie. Mais avec le suicide assisté, elle propose une autre voie. Et reste l'un des seuls pays d'Europe à autoriser une telle "prestation", pour reprendre la terminologie de l'association. 

Comment se déroule ce service de l'extrême ? Francetv info s'est penché sur la question.

Adhérer pour avoir droit au suicide assisté

Le Code pénal suisse autorise l'assistance au suicide, à condition que celle-ci ne soit pas motivée par un "mobile égoïste". L'assistance au suicide (ou suicide assisté) se distingue de l'euthanasie car elle désigne le fait de fournir à une personne les moyens de se suicider. La mort n'est donc pas déclenchée par un tiers, mais par le patient lui-même.

Deux grandes associations proposent d'aider ces personnes déterminées. Exit, qui ne s'adresse qu'aux Suisses, et Dignitas, qui accueille aussi des étrangers. Cette dernière est membre de la Fédération mondiale des associations pour le droit à mourir, dont fait également partie l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), principale association française pro-euthanasie et pro-suicide assisté.

Pour bénéficier des prestations de Dignitas, il faut auparavant adhérer à l'association. Si celle-ci reçoit principalement des personnes atteintes de maladies incurables, son fondateur controversé, l'avocat Ludwig Minelli, revendique le droit à un accompagnement élargi. Seule condition : "Avoir une maladie." Une définition floue qui va donc au-delà de l'euthanasie telle qu'elle est pratiquée en Suisse. Une Française filmée par la TSR en 2011 s'est ainsi suicidée avec l'aide de Dignitas alors qu'elle était encore valide et s'exprimait sans difficulté.

L'avocat suisse Ludwig Minelli, fondateur de Dignitas, pose devant les dossiers des adhérents de son association. (REX FEATURES / SIPA)

Le nombre annuel de suicides assistés est en croissance constante. Près de 300 personnes résidant en Suisse ont eu recours à l'assistance au suicide en 2009, selon des chiffres publiés par l'Office fédéral de la statistique, ainsi qu'une vingtaine de Français. Depuis 1998, date des premières données sur la question, environ 1 500 personnes ont été "accompagnées".

Une procédure rapide et très détaillée

"Nous mettons en avant un principe : être aussi rapidement et simplement que possible aux côtés d'une personne qui recherche de l'aide", indique l'association (PDF). Entre l'adhésion et le suicide programmé, la procédure peut aller vite (une semaine tout au plus). "La raison est évidente : si nous devions appliquer un délai de réflexion, nous serions totalement incapables d'aider dans les cas d'urgence, ce qui n'est pas acceptable d'un point de vue éthique."

Après avoir fourni des documents médicaux, la personne s’entretient avec un médecin sur place. Celui-ci est seul habilité à prescrire l'ordonnance du produit qui servira à donner la mort. Un délai maximal de trois à quatre mois entre la prescription et l'assistance au suicide est demandé par les autorités. Dignitas assure qu'elle ne relance jamais les adhérents : à chaque étape, c'est à eux d'enclencher les démarches nécessaires. Bien entendu, jusqu'à la dernière seconde, la personne peut faire le choix de ne pas se suicider.

"Fin juin 2011, le Conseil fédéral a décidé de ne pas réglementer de manière spécifique l'assistance organisée au suicide, rappelle le quotidien suisse Le Matin. La prévention du suicide demeure pour lui une priorité."

Une substance létale aussi disponible en France

Sur l'ordonnance prescrite par le médecin se trouve la mention "pentobarbital". C'est un barbiturique qui devient mortel à partir d'une certaine dose. Un accompagnateur, membre de Dignitas, est chargé d'aller se procurer ce produit à la pharmacie.

En 2008, la Française Chantal Sébire, atteinte d'une tumeur au visage, s'est suicidée à Dijon avec ce produit, expliquait alors Libération.fr. En France, le pentobarbital est disponible mais exclusivement réservé à un usage vétérinaire.

Dans son reportage, la TSR filme la prise de ce produit par Michèle Causse, la Française qui fait le choix de se suicider avec l'aide de Dignitas. Allongée sur un lit, elle ingurgite le pentobarbital dilué dans un verre d'eau tiède. En trente secondes environ, ses paupières se ferment. Son cœur cesse de battre à peine deux minutes plus tard, sans spasmes. 

Si la personne n'est pas en mesure de se donner elle-même la mort, l'association a défini très précisément la procédure, pour éviter toute poursuite juridique : "Il est admissible d'aider l'adhérent dans la mesure où cette aide n'entraîne pas l'absorption ou l'introduction du médicament dans le corps : il est donc permis de tenir le verre avec la paille, mais il ne l'est pas de faire basculer le verre afin que le liquide rentre dans la bouche."

Compter 8 500 euros pour un suicide assisté

En 2011, une assistance au suicide coûtait 10 500 francs suisses, soit 8 500 euros. Un prix élevé qui comprend les frais de crémation et de transport du corps, généralement demandés par l'entourage. 

Ludwig Minelli a-t-il profité de cette activité pour s'enrichir ? Plusieurs médias l'ont suggéré. Pour l'instant, malgré une enquête publique, aucune preuve allant dans ce sens n'a pu être apportée. Si besoin, assure-t-il à la TSR, "je serai en mesure de prouver mon innocence".

 

Précision : contactée par francetv info, l'association Dignitas a refusé de répondre à nos questions.

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