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Hausse des gestes suicidaires chez les jeunes : une augmentation "préoccupante" qui "nécessite notre mobilisation collective"

D'après des chiffres de Santé Publique France, les admissions d'adolescentes et de jeunes femmes aux urgences pour gestes suicidaires ont bondi de 22%. Une réalité "préoccupante" selon le psychiatre Charles-Edouard Notredame.

Article rédigé par franceinfo
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Une femme seule regarde par la fenêtre de son appartement lors du premier confinement. Illustration sur le thème de l'isolement, de la dépression et covid longs.  (MATHIEU THOMASSET / HANS LUCAS via AFP)

"Cette augmentation à la fois des idées suicidaires et des tentatives de suicide est assez marquante et inédite, par son ampleur et par sa durée qui est très prolongée", a indiqué ce mardi sur franceinfo Charles-Edouard Notredame, psychiatre à l’hôpital universitaire de Lille et coordinateur national pour le 31 14, le numéro national de prévention du suicide.

Il réagissait à la publication par Libération des chiffres de Santé Publique France sur les gestes suicidaires chez les jeunes entre janvier et octobre 2021, faisant état d'une hausse de 22 % des admissions aux urgences pour gestes suicidaires chez les adolescentes et jeunes femmes (15-29 ans), par rapport aux trois années précédentes. Une réalité "préoccupante" qui, selon le psychiatre, "nécessite notre mobilisation collective".

franceinfo : Ce qui frappe, c'est l'ampleur du phénomène et sa durée, bien au-delà de la période de confinement ?

Charles-Edouard Notredame : Cette augmentation à la fois des idées suicidaires et des tentatives de suicide est assez marquante et inédite, par son ampleur et par sa durée qui est très prolongée au-delà des confinements. Les niveaux, pour le moment, se maintiennent de manière très élevée et assez préoccupante et cela nécessite notre mobilisation collective.

Cela concerne plus de jeunes femmes que de jeunes hommes ?

De manière générale, la question des conduites suicidaires, et en particulier des tentatives de suicide de manière structurelle, concerne davantage les femmes que les hommes et les jeunes femmes que les jeunes hommes. On est dans un rapport de proportion de deux pour un environ. En ce moment, il y a un peu un effet loupe sur cette différence puisqu'on est plutôt aux alentours de cinq jeunes femmes pour un homme qui fait une tentative de suicide.

Comment cela s'explique ?

C'est éminemment multifactoriel donc les hypothèses, les explications sont difficiles à trouver. Probablement que ça conjugue à la fois des aspects biologiques, génétiques, environnementaux et sociaux. Ce qui ne signifie pas qu'il n'y a pas de souffrance, de mal être, chez les jeunes hommes. Dans tous les cas, il faut que nous soyons attentifs à notre jeunesse.

Comment répondre à cela ? En a-t-on les moyens ?

Aujourd'hui, il y a beaucoup d'acteurs qui sont mobilisés. Je pense que c'est très bien qu'on en parle, qu'on parle des idées suicidaires et des tentatives de suicide parce que c'est un sujet qu'on aborde trop peu. En réalité, il y a une forte mobilisation et il y a des ressources. Quand on est parent d'un jeune, ou un professionnel au contact d'un jeune, et qu'on est inquiet, on peut s'orienter vers une maison des adolescents, vers un médecin généraliste et surtout, surtout, ne pas oublier d'appeler le 31 14. Ce numéro national de prévention du suicide est ouvert à tout le monde, qui est universel, 7 jours sur 7, 24 heures sur 24 et qui est confidentiel et parfaitement gratuit.

La difficulté n'est-elle pas de ne pas avoir ce réflexe parce que, derrière les idées suicidaires, il peut y avoir des formes de honte et de culpabilisation ?

Tout à fait. C'est pour cela que des interventions comme celle de Stromae, qui a fait beaucoup parler d'elle, est extrêmement importante parce qu'on met enfin en lumière le fait que les idées suicidaires sont associées à la honte et à la culpabilité. C'est enfin donner la possibilité à notre jeunesse de s'identifier à une personne qui a un charisme très fort, du talent, et de pouvoir s'identifier aussi au mal-être qu'il peut ressentir et se permettre d'en parler. C'est extrêmement précieux et on est extrêmement reconnaissant de cette tribune qui a été offerte par Stromae. Plus on en parle, plus on parle du fait que c'est possible, que ça arrive d'avoir des idées suicidaires, que ce n'est pas une fatalité, qu'on peut les apaiser, moins le poids de la honte et de la stigmatisation pèse.

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