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Suicide d'une directrice d'école à Pantin : "Un poste où la pression est permanente", explique une enseignante

Enseignante en primaire, Anouk, rend hommage à Christine Renon, la directrice de l'école maternelle Méhul de Pantin, décédée samedi 21 septembre.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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L'école maternelle Méhul à Pantin (Seine-Saint-Denis).  (N. METAUER / FRANCE 3 PARIS IDF)

"C'est un poste où la pression est permanente", a expliqué sur franceinfo, Anouk, enseignante en primaire et auteure du blog Merci maîtresse : chroniques scolaires presque ordinaires dans lequel elle rend hommage à Christine Renon, directrice de l'école Méhul à Pantin, qui s'est suicidée samedi 21 septembre.

Les enseignants et les directeurs d'école de Seine-Saint-Denis sont appelés à faire grève et à manifester à Bobigny jeudi 3 octobre. Des directeurs et directrices qui signent également une tribune publiée sur franceinfo dans laquelle ils dénoncent la dégradation de leurs conditions de travail, leur solitude et leur souffrance.

franceinfo: C'est la lettre laissée par Christine Renon avant de mourir pour expliquer son geste qui vous a touchée ?

Anouk: La lettre m'a évidemment beaucoup frappée, le geste m'a évidemment beaucoup marqué. Je crois que ce qui m'a fait le plus réagir, c'est le tweet de notre ministre [Jean-Michel Blanquer] dans lequel le nom de Christine Renon n'est pas cité. Cela m'a glacé le sang, encore plus que la lettre laissée par Christine Renon. Elle a voulu, en écrivant cette lettre, qu'on utilise son nom. J'ai trouvé cela tellement froid, tellement glacial.

Vous écrivez : "On dit d'elles qu'elles sont directrices, moi je dis qu'elles sont femmes à tout faire, à tout encaisser". Pourquoi ?

Oui car une directrice d'école, et beaucoup de gens l'ignorent, n'est pas la supérieure hiérarchique des enseignants. Elle est enseignante comme les autres et elle a une petite prime qui lui permet d'être directrice. Une prime ridicule d'ailleurs. Et c'est elle qui est responsable de tout. Si un enfant se blesse dans la cour, c'est elle la responsable. Elle est responsable d'absolument tout sans en avoir le salaire ni le statut. Elle encaisse quand un parent n'est pas content. Elle encaisse quand l'Inspection [Académique] à quelque chose à dire à un enseignant. C'est un poste où la pression est permanente. Je la [la directrice d'Anouk] vois courir tous les jours, passer dans un sens dans le couloir, passer dans l'autre, me laisser un papier sur mon bureau, repartir, remonter, répondre au téléphone et gérer sa classe en même temps. C'est absolument hallucinant. Je pense que quelqu'un de l'extérieur qui rentrerait dans une école et qui observerait une directrice ou un directeur pendant une matinée, n'en reviendrait pas. Je pense qu'il n'y a pas un métier qui accepterait d'assumer autant de charges pour si peu.

C'est ce que vous entendez quand vous écrivez : "Elle en a eu marre de monter une montagne sur laquelle on n'arrêtait pas de déplacer le sommet" ?

Oui car les pentes, quand on est enseignante, on les descend et puis on essaye de les remonter. Sauf que pour remonter, il faut savoir où on va. Et quand en permanence on nous dit : "c'est bon, tu y es presque, en fait non, il y a encore ça à faire", c'est insupportable et insurmontable.

Il y a quelque chose qui revient aussi beaucoup, c'est ce sentiment de solitude en plus de la multiplication des tâches ?

La solitude, cela dépend d'une école à l'autre. J'ai la chance de travailler dans une école où l'équipe est soudée. On est tous autour de la directrice, on l'aide parfois autant que faire se peut. Cela ne se passe pas toujours comme ça. Il peut y avoir des équipes, des écoles où la directrice est toute seule. Elle se bat contre vents et marées. La directrice n'a pas son supérieur sur place, elle n'a pas d'adjoint.

La mort de Christine Renon a suscité beaucoup d'émotion dans votre école ?

Bizarrement, il y a eu un silence un peu gêné. On n'en a pas beaucoup parlé sur le coup. Son suicide a coïncidé avec la minute de silence qu'on nous a demandé de faire pour Jacques Chirac que nous n'avons pas remise en question. On s'est dit : est-ce que cette minute de silence, on pourrait la faire pour cette dame [Christine Renon] ? Il nous semblait plus opportun de la faire pour elle. C'est à ce moment qu'on a commencé à en parler. Comme dans beaucoup de métiers, il faut que les langues se délient. Il faut que les gens disent "je suis fatigué". C'est tabou le suicide et cela a beaucoup bloqué les réactions.

Si vous avez besoin d'aide, si vous êtes inquiet ou si vous êtes confronté au suicide d'un membre de votre entourage, il existe des services d'écoute anonymes. La ligne Suicide écoute est joignable 24h/24 et 7j/7 au 01 45 39 40 00. D'autres informations sont également disponibles sur le site du ministère des Solidarités et de la Santé.

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