: Reportage "Comment on fait avec les examens ?" : les alertes à la bombe se multiplient dans un lycée du Val-de-Marne
C'est devenu une triste routine. Au lycée Samuel-de-Chaplain, de Chennevières-sur-Marne dans le Val-de-Marne, les alertes à la bombe se multiplient. À chaque alerte, le même scénario se répète : l'ensemble de ce gros lycée de 2 000 élèves est évacué. Un dispositif policier très important est déployé dans le quartier et les jeunes sont renvoyés chez eux plusieurs heures, voire toute la journée. On est loin d'une ambiance propice au travail : "J'ai l'impression d'être en vacances. À chaque fois on se lève pour qu'au final il n'y ait pas cours", explique une élève.
Des parents d'élèves se mobilisent. Ils sont très inquiets pour la scolarité de leurs enfants. Un collectif s'est monté, il évalue à une centaine le nombre d'heures de cours perdues depuis fin septembre : "Comment on fait avec les examens ? Elle est où, l'égalité des chances ?, s'alarme une mère de famille. Il y a eu les vacances scolaires, je me suis dit 'on va être positif pour la rentrée'. Finalement, dès le 6 novembre, ça a recommencé avec une nouvelle alerte et depuis, c'est une à deux fois par jour. Toutes ces heures perdues ne sont pas rattrapées."
Des élèves démotivés
Certaines heures sont parfois basculées en distanciel, mais les élèves racontent que des cours en vidéo ont déjà été piratés. Ils n'ont pas tous le matériel nécessaire et surtout les jeunes ont plus de mal à suivre, seul, dans leur chambre. Une maman, en pleurs, est très inquiète et raconte que ces évacuations régulières ont complètement démotivé sa fille, qui redouble sa terminale : "Voir son enfant dans cet état-là… Elle me dit 'Maman, c'est bon, ce n'est pas la peine.' Elle décroche."
Les jeunes comme les parents se sentent démunis, encore plus ceux qui préparent le baccalauréat. C'est le cas d'Elie, angoissée par ces alertes : "Il y a le stress. On se demande s'il y a vraiment une bombe, est-ce qu'on va vraiment mourir, etc. Ça nous fait peur."
"Quand j'entends la sonnerie, même si je sais qu'il n'y a pas vraiment une bombe, ça me fait vraiment peur."
Elie, élève de terminaleà franceinfo
Sans compter le stress pour son avenir. "Je me tue à la tâche pour réussir le bac. Se retrouver là, démunie, sans rien… Je vais arriver au bac et peut-être que je n'aurais pas fini le programme à cause de ces fausses ou vraies alertes. Ça me stresse, c'est mon avenir qui est en jeu. Je vais écrire quoi dans mon Parcoursup ? J'ai fait quoi pendant l'année ? Je n'ai rien fait. Il y a eu des alertes tous les jours c'est devenu quotidien, ce n'est pas possible." Ces familles veulent organiser une manifestation en fin de semaine. De leur côté, les syndicats de professeurs ont déposé un préavis de grève pour jeudi. Les maires des villes du secteur ont aussi alerté le rectorat, qui n'a pas souhaité répondre à nos sollicitations pour le moment.
D'autres lycées du Val-de-Marne sont également touchés par ces alertes à la bombe. Selon la préfecture, il y en a eu plus d'une centaine dont 28 depuis la rentrée du 6 novembre. La police judiciaire du département est saisie de plus de 50 affaires et plusieurs jeunes ont été interpellés avec des profils d'élèves ou d'anciens élèves. Enfin, la préfecture indique "évaluer le degré de menace pour chacune des alertes" pour "pouvoir mettre en place un dispositif de sécurité adapté au cas par cas". Elle assure avoir "conscience des impacts énormes sur la scolarité des jeunes des lycées concernés mais aussi de la mobilisation des policiers comme du stress engendré pour les équipes enseignantes".
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