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Suicides dans l'Education nationale : "On a des propositions, on attend que le ministre arrête de nous répondre par le mépris"

Pour Sophie Venetitay, secrétaire générale adjointe du syndicat SNES-FSU, le chiffre des suicides dans l'Education nationale révèle que les enseignants sont "malades" de leur "travail".

Article rédigé par franceinfo
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Une marche des directeurs d'école en hommage à Christine Renon, à Pantin, le 5 octobre 2019. (GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP)

Durant l'année scolaire 2018-2019, 58 agents de l'Education nationale se sont suicidés, révèlent les chiffres du ministère de l'Education dévoilés pour la première fois mercredi 6 novembre à l'occasion d'une réunion sur les conditions de travail des enseignants. "On a des propositions et on attend que le ministre les entende et arrête de nous répondre par le mépris ou la provocation", déclare sur franceinfo Sophie Venetitay, professeure de sciences économiques et sociales (SES), secrétaire générale adjointe du syndicat Snes-FSU.

Comment interprétez-vous les chiffres donnés par l'Education nationale ?

Sophie Venetitay : Ces chiffres disent quelque chose de très grave de ce qui se passe dans l'Education nationale. Ils disent quelque chose de grave et simple : aujourd'hui, dans l'Education nationale, on meurt de son travail. On est malade de son travail et on est malade d'aimer son travail. Aujourd'hui, les conditions de travail, les injonctions qu'on subit, ne nous permettent pas de faire ce à quoi on est attachés, c'est-à-dire faire réussir nos élèves. On le voit par exemple dans les collèges, les lycées, avec tout ce qui se passe autour du bac. Aujourd'hui, seule la conscience professionnelle permet de faire tenir un système qui est à bout de souffle et dans lequel beaucoup ne se reconnaissent pas. Certains en viennent à commettre un geste tragique et irréparable.

Qu'en est-il de l'état de santé des personnels de l'Education nationale ?

Il y a les statistiques que le ministère a rendues publiques, mais il y a aussi nous ce qu'on a rendu public dans notre enquête. Un sentiment de mal-être au travail qui est extrêmement important. On a 73% des collègues qui ont répondu à notre enquête qui disent que leur santé s'est dégradée en raison de leurs conditions de travail. Ce sont des chiffres extrêmement parlants. On a des collègues qui nous disent : "Je suis passé sous un rouleau compresseur inhumain". Aujourd'hui, les personnels de l'Education nationale ne vont pas bien. Cela s'explique en grande partie par le rythme des réformes qui nous est imposé.

Le ministère s'intéresse-t-il réellement au problème ?

Il y a eu un électrochoc à la suite du suicide de Christine Renon, la directrice d'une école de Pantin. Malgré tout, les réponses sont très loin de correspondre à ce qu'on attend. On nous dit qu'on va recruter des médecins de prévention. Mais aujourd'hui, on est dans une situation alarmante en termes de médecine de prévention et de médecine du travail. Il y a deux ans, on avait un médecin pour 11 400 agents. Donc il ne faut pas juste remplacer les médecins qui ne sont pas là, il faut en recruter beaucoup plus, leur donner les moyens de faire leur travail. A aucun moment on a entendu le ministre parler des réformes, alors que l'on dit que cela nuit aux conditions de travail, à la santé des collègues. Le ministre nous répond que nous sommes des ventilateurs à angoisse. On ne peut pas entendre ce genre de réponse. Il faut qu'on ait une discussion sereine sur les réformes en cours, les conditions de travail et les salaires. On a des propositions et on attend que le ministre les entende et arrête de nous répondre par le mépris ou la provocation.

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