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Cinq ans de réformes et quelques couacs… Le bilan de Jean-Michel Blanquer au ministère de l’Éducation nationale

Article rédigé par Noémie Bonnin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Jean-Michel Blanquer aura passé cinq années à la tête de l'Education nationale. (MYLENE DEROCHE / MAXPPP)

Jean-Michel Blanquer fait partie des rares ministres à être restés à leur poste sur l’ensemble du quinquennat d’Emmanuel Macron. Il a marqué le monde de l’éducation par ses réformes multiples, mais aussi par un désamour de plus en plus fort d’une bonne partie des enseignants.

C’est une sorte de paradoxe : Jean-Michel Blanquer a battu le record de longévité au poste du ministre de l’Éducation nationale, tout en se mettant à dos une bonne partie des enseignants, à un niveau rarement égalé par ses prédécesseurs. Le milieu scolaire se souviendra de son passage et de ses réformes, nombreuses. Trop d’ailleurs, regrettent les syndicats.

L'école, le chantier numéro 1

L'une des priorités de ce ministère a été l'école primaire, avec, notamment, le dédoublement des classes de CP et CE1, en éducation prioritaire, lancé dès 2017, puis des grandes sections de maternelles à partir de 2019. Pour ce dernier niveau, il devrait s'achever au plus tôt à la rentrée 2023, affirme le ministère. Mais le bilan est mitigé, selon un rapport du Sénat publié en février 2022 : cette forte réduction des effectifs n'a pas permis une inversion franche des difficultés scolaires rencontrées par ces élèves.

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Le premier syndicat du primaire pointe également le manque de personnel nécessaire pour mener à bien cette forte réduction du nombre d’élèves par classe. Si 3 800 postes ont été créés dans le premier degré, ce n'est pas suffisant, regrette le SNUipp : les postes qui sont utiles pour le dédoublement sont pris ailleurs, dénonce-t-il, avec le fameux phénomène de "déshabiller Pierre pour habiller Paul". Jean-Michel Blanquer a également mis en place des évaluations nationales en CP, CE1, sixième et seconde, combattues par les syndicats. Le statut du directeur d'école a enfin été renforcé, lui donnant plus d'autorité, ce qui n'a pas plu à une partie des professeurs, attachés à la stricte égalité entre enseignants.

Le lycée chamboulé

On retient aussi la transformation du lycée général, avec la disparition des filières S, ES et L, au profit des spécialités, que chaque élève doit choisir (trois en première, deux en terminale), au risque de voir les emplois du temps tourner au casse-tête, disent certains proviseurs. Une réforme qui va déjà être... réformée puisque Emmanuel Macron s'est engagé à rajouter des mathématiques dans le tronc commun dès la rentrée 2022, en classe de première.La discipline n'en faisait plus partie depuis 2019 et le nombre d'heures de cette matière a fondu, de 18%. Quatre élèves de terminale sur dix n'en font plus du tout, selon les chiffres des services statistiques du ministère de l'Éducation.

Le bac, également, a beaucoup évolué : avec moins d'épreuves finales à passer, plus de contrôle continu, qui compte désormais pour 40% de la note finale. La voie professionnelle, enfin, a été réformée. Ainsi, les élèves de seconde ne se spécialisent pas tout de suite sur un métier, mais sur une famille de métiers. Le "chef d’œuvre", une réalisation pluridisciplinaire, a également été mis en place.

Un climat de travail dégradé

Ce que n’a pas réussi à changer Jean-Michel Blanquer, c’est le ressentiment d’une partie des enseignants. Ils regrettent que leur profession et l’école en général soient régulièrement pointés du doigt. Selon un sondage effectué par le SNUipp en mars 2022 auprès de 25 000 enseignants de primaire, près de trois quart (73%) des professeurs interrogés déclarent ne pas être satisfaits de leur situation professionnelle actuelle.

Ils expriment aussi une très forte insatisfaction vis-à-vis du ministère de l’Éducation nationale (95%, dont 72% pas du tout satisfaits). Certains affirment se sentir méprisés, bousculés, pas assez écoutés. Si Jean-Michel Blanquer a entamé, au travers du Grenelle de l’éducation, une revalorisation des salaires des enseignants, en commençant par ceux en début de carrière, le chemin est encore long, martèlent les syndicats, qui pointent ce sujet comme la priorité des priorités pour ce nouveau quinquennat. Le Snes-FSU rappelle qu’un enseignant débute en gagnant à peine un peu plus de 10% au-dessus du smic, pour un recrutement à bac +5.

Une crise sanitaire et l'assassinat de Samuel Paty 

Impossible de dresser le bilan de Jean-Michel Blanquer en oubliant la période du Covid et du confinement, avec la fermeture exceptionnelle des écoles, au printemps 2020, pendant sept semaines pour tout le monde, cinq supplémentaires en fonction des niveaux. Les enseignants et les parents d'élèves se souviendront encore longtemps aussi des protocoles sanitaires aux multiples versions, modifications, revirements.

Ces changements parfois à la dernière minute ont d'ailleurs pesé lourd sur le ressentiment vis-à-vis du ministre, à qui certains reprochent une déconnexion par rapport au terrain.

Et puis l'autre événement indépendant des réformes, c'est l'assassinat de Samuel Paty, ce professeur d'histoire-géographie décapité en octobre 2020. Le drame a traumatisé le monde de l'éducation et entraîné une surveillance accrue du respect des principes de laïcité dans les établissements scolaires.

De Grenelle… à Ibiza 

Mais ce qu'on retient aussi de Jean-Michel Blanquer, c'est sa communication parfois hasardeuse, résumée par ses détracteurs en une destination : Ibiza, station balnéaire espagnole d'où le ministre a réalisé une interview au Parisien pour expliquer un énième protocole Covid, le dimanche 2 janvier 2022 au soir, la veille de la rentrée scolaire. Ce qui avait ulcéré, une fois encore, les enseignants. Les syndicats regrettaient aussi une nouvelle communication via les médias, avant les canaux officiels de l’Éducation nationale.

Mais la découverte du lieu où a été réalisé l’entretien a rajouté de l'huile sur le feu, certains y voyant un décalage entre la vie du ministre et les difficultés sur le terrain, dans les écoles. C'est en fait toute la période du Covid qui a progressivement détérioré l'image de Jean-Michel Blanquer. D'abord fidèle du président, homme fort du gouvernement, il en est peu à peu devenu le mauvais élève, semblant en dehors des cercles de décision et enchaînant des annonces approximatives, voire fausses, recadré par l'Élysée ou Matignon. L’exemple le plus évident est peut-être cette déclaration, sur franceinfo, le 12 mars 2020, en pleine pandémie de Covid-19 : "Nous n’avons jamais envisagé la fermeture totale des écoles car elle nous semble contreproductive."

Quelques heures après, Emmanuel Macron annonçait effectivement la fermeture des écoles. Suivent, quelques semaines plus tard, des couacs sur la présentation, trop rapide, de ce qui n'était alors que des pistes de réouverture des écoles... ou encore des confusions du ministre, au gré de plusieurs interviews en mars 2021, entre le taux de positivité du virus (le nombre de personnes contaminées par rapport au nombre de tests réalisés) et taux d’incidence (qui permet de connaître la circulation du Covid-19 par rapport à l’ensemble de la population).

Globalement, certains scientifiques ont reproché à Jean-Michel Blanquer d’avoir minimisé l’épidémie de Covid au sein des établissements scolaires. Les enseignants, eux, lui reprochent régulièrement de réserver ses annonces à la presse avant les premiers concernés, ainsi que des changements de protocole trop nombreux, trop rapides et annoncés au dernier moment.

La rentrée de janvier 2022 est décidément difficile pour le ministre, avec trois changements de protocole en une semaine. En point de chute : la grève du 13 janvier, très suivie par les enseignants. À partir de là, Jean Castex reprend la main du dossier sanitaire. En février, un cadre du gouvernement parle de lui comme un "poids pour le gouvernement, qui a commis des erreurs". Depuis l'hiver, le ministre Blanquer s’est fait plus discret. Il se consacre désormais à sa candidature aux législatives, dans le Loiret, dans la 4e circonscription, à Montargis. 

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