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Vidéo Devenir trader sur son téléphone : l’arnaque qui cible les jeunes

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Temps de lecture : 5min - vidéo : 4min
L'oeil du 20 heures - 25 septembre 2018
L'oeil du 20 heures - 25 septembre 2018 L'oeil du 20 heures - 25 septembre 2018
Article rédigé par L'Oeil du 20 heures
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Devenir un trader riche et célébre, c'est ce que promet une société qui prétend former de jeunes internautes contre la somme de 150 euros par mois. L'Autorité des Marchés Financiers s'inquiète de voir prospérer ce qui ressemble bien à une escroquerie pyramidale. L’œil du 20 heures a tenté l’expérience.

Sur les réseaux sociaux, on découvre parfois des jeunes gens dont les vies font rêver : belles voitures, vacances au soleil…  Ils ont une vingtaine d’années et se vantent de faire fortune dans la finance grâce à leur téléphone. À les croire, nous aussi, on pourrait y arriver… Alors L'oeil du 20 heures a tenté l'expérience.

Derrière ces promesses, il y a une société basée aux états-unis, dont les membres proposent, via les réseaux sociaux, des formations en ligne au trading sur les marchés financiers. Ce mois-ci, ils organisent des présentations, un peu partout en France : 700 personnes à Paris le dimanche 23 septembre.  

Faire de l’argent avec son téléphone  

En caméra cachée, nous nous sommes invités à celle de Bordeaux. Sur place, une cinquantaine de personnes, entre 18 et 30 ans, tous conviés via les réseaux sociaux. Un jeune animateur interpelle l’assemblée : “qui aujourd’hui dans cette salle sait faire de l’argent avec son téléphone ?” Peu de mains se lèvent. Alors il présente une offre alléchante : des formations en ligne pour devenir trader contre un abonnement de 130 à 170 euros par mois. Avec la promesse de profits à la clé.  

A la sortie, un étudiant est convaincu. Il a fait ses calculs : “cette société-là, il faut la voir comme une université : elle fournit des formation pour 130 euros le mois. Une école de trading, c’est 15 000 euros l’année !”  

En fait de formations, la société propose des visioconférences en ligne. Que valent-elles ? Nous les avons montrées à un professeur de finance, pas vraiment convaincu. Pour Roland Gillet, “tout cela à l’air assez loin de ce qu’on fait aujourd’hui quand on veut former les gens sur ce genre de marchés de façon rigoureuse.”   

Un système en forme de pyramide  

Si ce système a du succès, c’est qu’à côté des formations il offre une autre forme de revenus, non pas en jouant sur les marchés, mais en parrainant de nouveaux abonnés. Un système en forme de pyramide : en recrutant 3 nouveaux clients, les cours en ligne deviennent gratuits. 9 autres, et l’on touche 500 dollars par mois, puis 1000, 2000, 15 000… Toujours plus en fonction du nombre de clients recrutés. 

Mais pour une minorité qui s’enrichit, il y a une armée de perdants. “Je dirais que c’est une arnaque pour ceux qui viennent d’arriver,” estime un jeune homme qui, pendant deux ans, a espéré s’enrichir avec ce système. “Parce que si la personne n’arrive pas à recruter, elle finit par payer tous les mois une sacrée somme.”  

Pourtant, ces promesses d’argent facile font rêver les plus jeunes. Au printemps dernier, une professeur de Sciences Economiques et Sociales a découvert qu’un élève de Première tentait de recruter ses camarades au lycée. “On m’explique qu’un élève du lycée est apprenti trader et qu’il gagne de l’argent,” se souvient-elle. “Et il s’avère que cet élève ne vient plus en classe depuis 3 mois. Il était très bon élève jusqu’en décembre, puis il a arrêté de venir en classe.”  

“Il était comme dans une secte”  

Dans la cour du lycée, sa prétendue richesse fascine. "Il nous montrait ça sur Snapchat, il mettait 'argent facile'”, raconte un de ses camarades. Pour un autre, “il était comme dans une secte, ne pensait qu’à ça, c’était sa vie. il a mis ses études entre parenthèses, il se voyait vivre de ça toute sa vie.” Aujourd’hui, cet élève aurait repris les cours.  

Nous avons sollicité les représentants de cette société, qui mettent en scène leur réussite financière en vidéo. Pas de réponse. En dehors des réseaux sociaux, ils fuient la publicité.  

Ils font ça de manière relativement discrète : ils sont sur les réseaux sociaux, n’en parlent jamais vraiment publiquement. Ils vont directement toucher les jeunes, leur cible, sans que les parents ne se rendent compte que leur adolescent reçoit des messages sur Snapchat, de quelqu’un qui lui promet monts et merveilles.

Vincent Manilève, journaliste indépendant

L’an dernier, l’autorité des marchés financiers publiait une mise en garde contre une société similaire, rappelant qu’elle “ne bénéficie en france d’aucune autorisation pour exercer une activité régulée”, et “visait tout particulièrement un public très jeune, dont des lycéens.” Mais en passant par les réseaux sociaux, ce système de vente de formations en ligne échappe, aujourd’hui en France, à toute réglementation.  

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