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Nanterre : que se passe-t-il au lycée Joliot-Curie, théâtre de violents affrontements entre élèves et forces de l'ordre après un blocus ?

Quatorze élèves de cet établissement francilien ont été placés en garde à vue mardi, après une mobilisation pour demander le retour d'un dispositif d'aide aux devoirs, supprimé faute de moyens.

Article rédigé par Rachel Rodrigues
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
La mobilisation devant le lycée Joliot-Curie de Nanterre, dans les Hauts-de-Seine, mardi 11 octobre 2022 (photo prise par un élève). (MOHAMED / FRANCEINFO)

C'est à nouveau "la guerre" aux abords du lycée Joliot-Curie, à Nanterre (Hauts-de-Seine), jeudi 13 octobre. "Nous sommes confinés dans l'établissement et nous attendons que ça se calme", raconte Teresa, professeure de français au sein de cet établissement, qui compte près de 1 700 élèves. A l'extérieur, les affrontements entre jeunes et forces de l'ordre ont repris jeudi matin, après le retour au calme et la "journée morte" de la veille.

Quatorze jeunes, dont douze mineurs, avaient été placés en garde à vue mardi à la suite d'une mobilisation organisée devant le lycée par le conseil de la vie lycéenne (CVL). Ce blocus, que beaucoup d'élèves et d'enseignants ont décrit comme "pacifique", a rapidement dégénéré mardi matin, débouchant sur de violents affrontements entre les élèves et la police. Plusieurs lycéens et deux policiers ont été blessés et les images de cette confrontation ont été massivement partagées sur les réseaux sociaux.

"La police ne respectait personne, même pas les passants"

Devant les grilles du lycée, quelques groupes d'élèves encore sonnés attendaient mercredi après-midi pour entrer dans l'établissement, alors que de nombreux parents ont décidé de ne plus envoyer leurs enfants en cours tant que la situation ne sera pas réglée. Pour nombre de ces lycéens, la violence employée par les forces de l'ordre mardi est "inadmissible". "Au début, tout était calme", décrit Mohamed, élève de seconde : "Le responsable du CVL, à l'origine de la mobilisation, criait les revendications et le reste des élèves répétaient après lui." "Les forces de l'ordre étaient présentes depuis 7h30 mardi, armées de boucliers, relate Julie, professeure de français à Joliot-Curie. Forcément, ça a tendu la situation avec les élèves."

Selon les témoignages de plusieurs élèves et enseignants, c'est "aux alentours de 9h30" que les affrontements ont éclaté avec les forces de l'ordre. Les policiers, "munis de boucliers", ont commencé à "charger les jeunes", armées de gaz lacrymogène et de grenades de désencerclement. "La police ne respectait personne, même pas les passants, qui n'avaient rien à voir avec la mobilisation", raconte Kheiry, élève de seconde. De son côté, la préfecture des Hauts-de-Seine a fermement condamné les violences devant le lycée. "Les forces de l'ordre ont été prises à partie par plusieurs individus. Elles ont été les cibles à la fois de jets de projectiles et de tirs de mortiers", a écrit mardi la préfecture dans un communiqué. 

Plusieurs lycéens racontent avoir croisé "cinq ou six élèves en fauteuil" mardi matin, transportés à l'infirmerie du lycée après avoir été touchés par des tirs de gaz lacrymogène. Un récit que confirme par ailleurs Julie, l'enseignante de français : "On courait dans tous les sens pour essayer d'être auprès des élèves. A cause des tirs de lacrymo, beaucoup ont dû être pris en charge."

"Ce que les élèves demandent, c'est l'aide de leurs enseignants" 

La mobilisation à Joliot-Curie a réellement débuté lundi lorsque le CVL a organisé un blocus et distribué des tracts devant l'établissement. Principale revendication : le retour de l'aide aux devoirs, un dispositif qui a dû être retiré depuis la rentrée en raison d'un manque de moyens. "Nous n'avons même plus les moyens d'assurer une éducation correcte aux élèves", déplore Chloé, enseignante de français.

Une délégation d'élèves a été reçue lundi après-midi par la direction. Mais les réponses apportées n'ont pas suffi. "La direction leur a répondu qu'une association allait être sollicitée pour l'aide aux devoirs, explique Chloé. Mais dans les faits, ce que les élèves demandent, c'est l'aide de leurs enseignants." Insatisfaits, les lycéens ont donc décidé de renouveler la mobilisation mardi devant l'établissement. 

Un élève montre sur son téléphone le tract distribué par le CVL à l'occasion de la mobilisation du 10 octobre 2022, la veille des affrontements qui ont éclaté avec les forces de l'ordre au lycée Joliot-Curie, à Nanterre (Hauts-de-Seine).  (RACHEL RODRIGUES / FRANCEINFO)

Autre point de tension : plusieurs décisions concernant l'autorisation, ou non, du port de certains vêtements au sein de l'établissement. Selon Teresa, ces altercations avec la direction seraient liées à un durcissement du gouvernement au sujet des abayas, un vêtement féminin porté au-dessus des autres, traditionnellement dans les pays de culture musulmane au Moyen-Orient.

Début octobre, la secrétaire d'Etat à la Citoyenneté, Sonia Backès, avait déclaré sur franceinfo que le personnel de l'Education nationale pouvait "refuser" l'accès d'un établissement aux élèves portant ce type de vêtement, qui constitue selon elle un "marqueur religieux". Contacté par franceinfo jeudi matin, le rectorat assure qu'il n'y a pas de chasse à une tenue vestimentaire spécifique : "Le dialogue se poursuit, notamment pour répondre aux questions des élèves concernant l’application du principe de laïcité". 

La mutation d'un enseignant contestée

Cette semaine de mobilisation au lycée Joliot-Curie s'inscrit plus globalement dans un contexte de vives tensions avec le rectorat depuis la rentrée. En cause notamment : un arrêté de mutation visant Kai Terada, enseignant dans l'établissement et cosecrétaire départemental de Sud Education 92. Ce professeur de mathématiques a reçu fin septembre cette décision, qui évoque une activité "en dehors des instances de dialogue social de l'établissement ou de l'exercice normal d'une activité syndicale". Il la conteste depuis.

"Il ne comprend pas les motifs de cette décision et le rectorat ne lui en a toujours pas donné", déplore Elvis Bruneaux, cosecrétaire départemental de Sud Education 92. Il ajoute cependant : "On lui reproche de faire grève." Le syndicat a saisi la Défenseure des droits la semaine dernière, précise Libération, pour "recours abusif aux mutations dans l'intérêt du service et répression syndicale à l'encontre des militants de Sud Education." Pour soutenir Kai Terada, une mobilisation intersyndicale a déjà été organisée fin septembre devant le ministère de l'Education nationale, à Paris, et une deuxième s'est tenue un peu partout en France mardi, en même temps que le blocus devant le lycée. 

Tous les jeunes placés en garde à vue ont été libérés, a précisé le parquet à franceinfo jeudi à la mi-journée. L'instance judiciaire a d'ores et déjà convoqué trois jeunes le 1er décembre devant le tribunal pour enfants, pour répondre de faits qualifiés de "violences aggravées sur personne dépositaire de l'autorité publique et avec arme". Le parquet fait également savoir que les investigations se poursuivent pour déterminer précisément le rôle des autres gardés à vue dans les affrontements. 

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