J'ai essayé de me remettre aux maths avec la Khan Academy
La plateforme américaine de cours en ligne, qui revendique 10 millions d'utilisateurs par mois, a été lancée en français mardi.
Mon dernier contact avec les mathématiques remonte à un peu plus de neuf ans, lors des épreuves du bac économique et social. Depuis, j'ai effectué mon bonhomme de chemin loin d'elles dans une relative indifférence, sans nostalgie ni soulagement particulier. Mais voilà que mardi 2 septembre a été lancée la version française de la Khan Academy.
Une institutrice d'Evreux (Eure) qui a essayé cette plateforme gratuite de cours en ligne raconte, dans Le Monde, qu'elle a "révolutionné" son enseignement des mathématiques. Déjà traduit en une quinzaine de langues, le site, né aux Etats-Unis, revendique 10 millions d'utilisateurs par mois. J'ai voulu vérifier si cette méthode pouvait me remettre à niveau.
Des vidéos façon "tableau noir"
Au menu, des milliers de vidéos et d'exercices qui couvrent les programmes des matières scientifiques du primaire et du secondaire. Une pédagogie numérique qui apporte déjà des résultats, à en croire l'ONG Bibliothèques sans frontières, qui a piloté le projet de traduction du site : 257 élèves de CM2 ayant expérimenté la Khan Academy ont vu leurs résultats progresser de 13,8% par rapport à leurs autres camarades.
Une fois inscrit (cela ne prend pas plus de quelques secondes si vous décidez d'utiliser votre compte Facebook ou Google pour vous connecter), je choisis de me plonger dans la catégorie "Algèbre I", conçue pour le "lycée et au-delà". Un rapide test de huit problèmes me permet d'évaluer mon niveau. Sans calculatrice – pas question de tricher dès le début –, je bloque au cinquième test : il faut diviser 0,96 par 758,4. Impossible de me souvenir de la méthode pour résoudre une telle opération. La honte. Je me dirige donc vers les deux vidéos du cours "diviser des nombres décimaux".
Les explications sont claires, et me rappellent des principes de base que j'avais totalement oubliés : multiplier le diviseur et le dividende par dix autant de fois qu'il le faut pour obtenir un nombre entier, puis commencer la division par les milliers avant de "descendre", petit à petit, vers les unités. Gonflé à bloc, je me dirige plein d'assurance vers les exercices. Le but : donner trois bonnes réponses consécutives.
Premier exercice, premier problème. Khan Academy me demande de résoudre cette division : Je m'arme d'un stylo, m'arrache les cheveux, griffonne une page de mon carnet de notes... Cinq minutes plus tard (et après avoir vérifié à l'aide d'une calculatrice), j'entre ma réponse : 0,00454545455.
Faux. Pardon ? Je clique sur la case "indices", qui aide à résoudre pas à pas l'opération, et réalise que le symbole utilisé par Khan Academy correspond à celui utilisé par certains sites américains, et complètement inconnu de ce côté-ci de l'Atlantique : je ne devais pas diviser 0,43 par 94,6, mais 94,6 par 0,43. Impossible de le deviner, et tous mes collègues appelés au secours m'assurent qu'ils auraient fait la même erreur. Ronchon mais pas abattu, je continue, et finis par enchaîner trois bonnes réponses. Victoire : un petit son joyeux retentit, Khan Academy m'annonce que j'ai remporté des points et un badge.
Des badges et des points pour motiver l'élève
Pour relever la difficulté, je décide de me pencher sur un thème que j'ai, c'est certain, complètement oublié : les fonctions affines. Les vidéos de leçons me rafraîchissent la mémoire en 6 minutes à peine : il s'agit, à partir d'une droite toute bête tracée sur un graphique, de déterminer la fonction qui la définit à partir des coordonnées de deux de ses points. Je me lance ensuite dans les exercices. En haut, le type de problèmes que l'on me demande de résoudre, en bas, le résultat sur mon carnet de notes, caféine incluse.
Cinq bonnes réponses et un son de la victoire plus tard, je me rends sur ma page "profil" pour constater l'étendue de mes progrès. Le résultat est maigre, mais encourageant : j'ai remporté deux badges de catégorie "Météorite". Plus que plusieurs dizaines, dont certains sont particulièrement difficiles à obtenir, avant de devenir un grand maître des maths.
"Ce système de 'gamification' [l'utilisation des mécanismes ludiques du jeu vidéo], grâce auquel l'utilisateur gagne des points et des badges, est très motivant pour l'élève, m'explique Jérémy Lachal, directeur de l'ONG qui a piloté la traduction du projet. Les professeurs qui ont essayé cette méthode nous disent tous qu'elle a complètement changé l'ambiance pendant les cours : les élèves ne sont plus passifs, mais deviennent acteurs de la classe."
"Khan Academy casse la notion de bon ou mauvais élève"
Les cours étant divisés par chapitres, les élèves qui ont des facilités peuvent avancer rapidement vers des exercices plus complexes, quand les autres peuvent répéter les vidéos à l'envi et demander des indices lors des exercices. Un tableau de bord permet aux professeurs de suivre en temps réel les progrès de la classe, et de repérer en un clin d'œil les élèves en difficulté.
Selon le directeur de Bibliothèques sans frontières, en privilégiant le système de badges et de récompenses à celui des traditionnelles notes, "Khan Academy casse la notion d'élève bon ou mauvais. Il n'y a que des élèves plus ou moins à l'aise avec certaines notions." De quoi préfigurer une école du futur, où un logiciel aura pris la place de l'instituteur ? "Pas du tout", assure Jérémy Lachal, pour qui "l'humain reste essentiel au processus d'apprentissage". Je m'en étais de toute manière bien rendu compte au moment d'effectuer ma division à l'envers.
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