Interdiction de l'écriture inclusive à l'école : "C'est voué à l'échec", selon une linguiste
Pour Julie Abbou, interdire ces techniques de féminisation de la langue française, comme l'a décidé Jean-Michel Blanquer, est inutile car en linguistique, c'est "l'usage" qui fait la règle.
L'écriture inclusive"permet quand même à la moitié de l'humanité que sont les femmes de s'énoncer", défend, vendredi 7 mai sur franceinfo, la sociologue Julie Abbou. Dans une circulaire parue jeudi, le ministre de l'Éducation nationale Jean-Michel Blanquer interdit l'utilisation de ces outils linguistiques destinés à féminiser la langue française. "Interdire, c'est voué à l'échec", estime Julie Abbou qui dirige la revue CLAD du laboratoire de linguistique formelle.
franceinfo : Pour Jean-Michel Blanquer, l'écriture inclusive est "un obstacle à l'apprentissage" et "nuisible pour les élèves". Qu'en pensez-vous ?
Julie Abbou : C'est beaucoup d'ignorance. On n'a pas du tout de travaux sur le rapport entre apprentissage et écriture inclusive. Donc, en fait, on ne sait rien. L'écriture inclusive est le nouvel ennemi depuis que l'Académie française a finalement accepté de féminiser les titres de métier en 2019. Interdire, c'est voué à l'échec !
Tout le monde est bien d'accord, du côté de la linguistique, pour dire que l'usage est roi.
Julie Abbou, sociologueà franceinfo
Si on veut faciliter l'apprentissage de l'écriture, on peut appliquer la réforme de 1990, qui était une réforme de simplification de l'orthographe et que personne au ministère ne se préoccupe de faire appliquer.
L'écriture inclusive s'imposera-t-elle d'après vous ?
C'est difficile à dire. Je pense que c'est un enjeu politique qui est en train de se débattre.
On voit très bien les opposants à l'écriture inclusive faire une association entre langue, nation et genre. Ils pourfendent l'écriture inclusive pour un idéal nationaliste.
Julie Abbouà franceinfo
Je pense que c'est cette bagarre idéologique-là qui se joue plutôt et qu'il est difficile de dire ce qui l'emportera dans les usages.
Une bagarre idéologique de telle ampleur est-elle une première dans notre langue ?
Non, la langue, et en particulier en France, est un lieu de passion qui soulève beaucoup de polémiques. Souvent en association avec cette question de la nation et de la République. Ça a été vraiment fabriqué comme un symbole fantasmé, puisque la langue n'est pas du tout unifiée comme la République le voudrait. Mais non, il y a beaucoup de polémiques qui secouent régulièrement la question de la langue.
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