Plan anti-harcèlement scolaire : la confiscation du téléphone, "un échec des adultes", estime une pédopsychiatre
La confiscation du téléphone est "un peu un signe d'impuissance et d'échec de la part des adultes", estime mercredi 27 septembre sur franceinfo Nicole Catheline, pédopsychiatre. Elle fait partie des professionnels consultés pour l'élaboration du plan anti-harcèlement scolaire. Il sera présenté mercredi à 16h30 par la Première ministre, Élisabeth Borne. Ce plan va s'articuler autour de trois axes : la prévention, la détection et le traitement des cas de harcèlement avec un volet répressif.
Plusieurs pistes ont déjà été avancées : des cours d'empathie pour sensibiliser les élèves, la création de brigades anti-harcèlement dans les rectorats ou encore, dans les cas les plus graves, la confiscation du téléphone portable pour un jeune harceleur dès le début de la procédure judiciaire. Cette dernière mesure "va être nécessaire en plus des mesures de prévention", estime Nicole Catheline même si elle "le regrette infiniment". Elle assure que "tous les experts, les cliniciens, les thérapeutes, auraient aimé ne pas en arriver là". C'est "un véritable échec", estime-t-elle.
Récemment des élèves, soupçonnés de harcèlement scolaire, ont été interpellés au sein de leur établissement, par exemple, lundi 18 septembre dans un collège d'Alfortville (Val-de-Marne). Pour cette pédopsychiatre, elle parle là aussi d'un "échec des adultes" comme pour la confiscation du téléphone portable. Mais Nicole Catheline nuance : "À un moment donné, il faut pouvoir dire aux adolescents et aux enfants ce que vous faites, c'est grave. Ce n'est pas la meilleure manière, c'est évident. Mais je peux comprendre le désarroi aussi des adultes" qui ne savent pas comment mettre fin à une situation de harcèlement.
Différencier chamaillerie et harcèlement
Nicole Catheline plaide pour davantage de prévention pour éviter ce type de mesures répressives, "regrettables" mais avant tout pour détecter ce "qui pourrait devenir du harcèlement". Elle incite les adultes à "aller voir ce qui se passe dans un groupe d’enfants" même si cela peut relever de la "chamaillerie". Car cela peut se transformer en harcèlement "si on laisse évoluer des situations".
Pour distinguer la chamaillerie du harcèlement, cette pédopsychiatre fait le parallèle avec le harcèlement ou les agressions sexuelles. "Il peut y avoir un flirt au début. Puis, la personne dit non, je ne veux pas aller plus loin. Si l’autre continue, c'est un abus". Dans le cas du harcèlement scolaire, "si les enfants arrêtent parce qu'ils se rendent compte que ça fait du mal à l'autre, on est dans le cas d'une chamaillerie" mais "s’ils continuent, on est dans le cas du harcèlement".
"Le corps est le grand oublié de l'Éducation nationale"
Elle invite les parents à aborder le sujet avec leurs enfants pour qu’ils "soient capables d'en parler" s'ils sont victimes ou pour les sensibiliser. Nicole Catheline regrette que l' "on n'entende pas suffisamment la parole de l'enfant". Ainsi, elle salue la volonté de ministre de l’Éducation nationale de distribuer un questionnaire à tous les élèves afin de repérer les "signaux faibles" dans la lutte contre le harcèlement. "L'idée, justement de recueillir la parole de l'enfant, c'est très important" et d’avoir des chiffres, car "on n'a pas de chiffres vraiment très nets sur le harcèlement", regrette-t-elle.
Ce plan interministériel de lutte contre le harcèlement scolaire prévoit également la mise en place de cours d'empathie, sur le modèle danois. Nicole Catheline est "absolument pour ce travail précoce", même si elle n’emploierait pas le terme empathie, "un peu galvaudé". Cette pédopsychiatre préfère parler de travail "pour reconnaître les émotions de l'autre et décoder le langage corporel". Car selon elle, "le corps est le grand oublié de l'Éducation nationale" et les élèves, dès le plus jeune âge, doivent "apprendre à se soucier de l’autre, pas seulement au niveau de l'empathie, mais aussi en comprenant ses émotions en le regardant tout simplement". D'autant plus que les enfants "sont des éponges relationnelles, beaucoup plus que les adultes".
Si vous avez besoin d'aide, si vous êtes inquiet ou si vous êtes confronté au suicide d'un membre de votre entourage, il existe des services d'écoute anonymes. La ligne Suicide écoute est joignable 24h/24 et 7j/7 au 01 45 39 40 00. D'autres informations sont également disponibles sur le site du ministère des Solidarités et de la Santé.
Pour signaler toute situation de harcèlement ou de cyberharcèlement, que vous soyez victime ou témoin, il existe des numéros de téléphone gratuits, anonymes et confidentiels : le 3020 (harcèlement à l'école) et le 3018 (cyberharcèlement), joignables du lundi au samedi, de 9 heures à 20 heures. D'autres informations sont également disponibles sur le site du ministère de l'Éducation nationale.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.