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Dans le Lot, parents et élus sur la même ligne pour défendre les écoles de villages

Dans ce département très rural, des élus locaux s'alarment d'un projet de restructuration de la carte scolaire voulu par l'académie de Toulouse. A terme, certaines petites écoles pourraient disparaître.

Article rédigé par Mathieu Dehlinger
France Télévisions
Publié Mis à jour
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L'école de Montcabrier, un village de 350 habitants, dans le Lot. (JEAN-MARC BARRERE / HEMIS.FR / AFP)

Il avait déjà bataillé en 2010, pour éviter la fermeture d'une classe, en vain. Quatre ans après, Alain Auzanneau, dont les enfants sont scolarisés à Anglars-Juillac (Lot), petit village de 351 âmes, a repris le combat, cette fois-ci contre un projet de restructuration de la carte scolaire voulu par l'académie de Toulouse.

Aux côtés de plusieurs centaines d'autres parents, de professeurs et d'élus du département, réunis au sein d'un collectif, il a manifesté, samedi 15 novembre, dans les rues de Cahors, la préfecture. "Sur les 222 écoles que comporte le Lot en 2013, ce sont plus de 179 écoles qui sont concernées par la fermeture annoncée", assurent les opposants au projet. Francetv info revient sur cette menace, qui pourrait bien toucher d'autres départements ruraux.

Un département rural et vieillissant

Le débat est lancé en juillet par un courrier (en PDF) de l'inspecteur d'académie adressé aux maires : Guillaume Lecuivre y enjoint les élus à réfléchir avec lui à une modification de l'"organisation structurelle de l'Ecole", comprendre une nouvelle carte scolaire dans le département, notamment en réduisant le nombre d'écoles qui ne comptent qu'une ou deux classes. Une révolution en perspective dans le Lot, où 62% des établissements sont potentiellement concernés, à comparer avec une moyenne de 22,5% seulement en primaire en France métropolitaine.

"Depuis six ans, nous avons perdu 1 292 élèves dans le premier degré et cette baisse devrait s'accélérer, selon les prévisions du ministère, explique à francetv info Guillaume Lecuivre. En plus, la population est vieillissante, alors qu'ailleurs dans l'académie, dans le Tarn-et-Garonne, le nombre d'élèves explose. Il faut nécessairement un redéploiement. On ne peut pas laisser des écoles à 11 élèves, ce n'est plus possible aujourd'hui."

Des écoles performantes

Pour répondre, les opposants à un chamboulement de la carte scolaire dégainent d'autres statistiques. "Ce sont des écoles qui assurent un enseignement de qualité, défend Alain Auzanneau. Ces établissements de proximité sont au-dessus de la moyenne au niveau des résultats." Exemple avec les résultats des évaluations des acquis en primaire (en PDF) : en 2011, 80% des élèves de CM2 du département avaient de "bons" ou de "très solides" acquis en français, contre une moyenne nationale de 74%. Même chose en mathématiques, avec 79% dans le Lot pour 70% à l'échelle de la France.

"Cette restructuration qui tape dans le rural nous étonne, alors que les effectifs ont surtout baissé dans les écoles de ville", commente pour francetv info Céline Sompayrac. Co-secrétaire du syndicat d'enseignants SNUippp-FSU dans le Lot, elle pointe les inconvénients liés à la création d'ensembles scolaires plus larges. "Prenons par exemple la question des incivilités, avance-t-elle. Dans une école de deux classes, avec une cinquantaine d'élèves, les petits conflits se gèrent facilement. Dans une école à 200 élèves, c'est tout de suite très différent."

Vers la mort des petits villages ?

Le cas du Lot n'est pas isolé. Fin octobre, à l'Assemblée nationale, la ministre de l'Education nationale, Najat Vallaud-Belkacem, a cité en exemple le Cantal, premier département à avoir conclu un "contrat" pour anticiper la baisse des effectifs scolaires. Un protocole similaire (en PDF) a été signé dans les Hautes-Pyrénées. A chaque fois, en contrepartie de cette réflexion sur la carte scolaire, le ministère s'engage "sur le maintien des emplois" pendant trois ans. Pas sûr que le Lot obtienne autant : "La pression démographique est trop forte", juge l'inspecteur d'académie.

Dans le cadre d'une réorganisation, certaines petites écoles pourraient rester en l'état, "par exemple en zone de montagne", avance Guillaume Lecuivre. D'autres pourraient rejoindre des regroupements pédagogiques plus importants, ou carrément disparaître au profit d'établissements plus grands.

Une telle hypothèse fait bondir Philippe Canceil. Ce professeur de physique-chimie confie à francetv info qu'il craint pour la survie du village dont il est maire : Labastide-du-Vert, 260 habitants et une classe de maternelle. "Une école, c'est 10 à 15 familles qui viennent chercher un enfant, qui s'arrêtent à la boulangerie, au bureau de tabac, qui se connaissent et renforcent le lien social", argumente-t-il.

"L'école de Jules Ferry doit évoluer"

"J'ai voté François Hollande au second tour", tient à préciser l'édile, qui estime que si le président tenait sa promesse de créer 60 000 postes de la maternelle à l'université durant son quinquennat, de tels bouleversements ne seraient pas nécessaires. Sauf que pour l'heure, seuls 2 906 emplois de titulaires ont été créés dans le primaire, rappelle Le Monde. Du côté de l'académie, on se refuse à voir dans la fermeture d'une école la condamnation à mort d'un village et on invite à ne pas céder à la nostalgie. "On n'en est plus à l'époque des hussards noirs de la République, où il fallait sortir les enfants des champs pour les ramener à l'école", argue Guillaume Lecuivre. Pour l'inspecteur, "l'école de village, la communale à la Jules Ferry, doit forcément évoluer". Dans le Lot comme ailleurs.

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