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Covid-19 : trois questions sur les bugs dans l'enseignement à distance

Professeurs, parents et élèves ont signalé mardi de nombreuses défaillances dans les dispositifs d'enseignement à distance en raison de serveurs numériques inaccessibles ou défaillants.

Article rédigé par franceinfo - Boris Loumagne
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Illustrationne d'une élève devant son ordinateur. (ALAIN JOCARD / AFP)

À quoi va ressembler cette deuxième journée d'école à la maison ? Professeurs et élèves espèrent forcément des améliorations au lendemain d’un mardi 6 avril chaotique. Des problèmes qui surviennent alors que les établissements scolaires ont été fermés pour lutter contre l'épidémie de Covid-19. L'enseignement à distance a été généralisé pour quatre jours jusqu'aux vacances de printemps, unifiées à partir du 12 avril. Bugs en série, attaques informatiques, serveurs défaillants, sites bloqués… franceinfo fait le point sur ce que l’on sait des défaillances dans l'enseignement à distance.

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Les plateformes ont-elles subi des cyberattaques ?

Il y a d'abord eu le plantage des services du Centre national d'enseignement à distance (Cned), qui gère le dispositif Ma classe à la maison. Très vite, le ministre de l'Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, évoque des attaques informatiques venues de l'étranger. Précisions mardi soir du ministère et du Cned : on ne parle plus d'attaques étrangères, mais simplement de cyberattaques, sans préciser d'où elles proviennent. L'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) s'est saisie du dossier. Le Cned a annoncé qu'il allait porter plainte. La section cyber du parquet de Paris a ouvert une enquête, a appris mercredi franceinfo, des chefs "d'accès frauduleux à un système de traitement automatisé" et "entrave au fonctionnement d'un tel système".

Mais au détour d'une phrase dans son communiqué, le ministère précise que c'est aussi l'afflux de fréquentation qui a généré des difficultés d'accès aux services. "Concrètement, on a connu une très forte saturation de nos plateformes liée à un nombre très important de connexions sur une plage horaire très concentrée”, concède sur franceinfo Esther Baumard, directrice des opérations à Open Digital Education. Il s'agit du principal prestataire en charge des plateformes de l'éducation à distance, équipant plus de 13 000 établissements scolaires en France. "Mardi matin, il y avait trop de monde au même moment", explique-t-elle.

"À 8 heures, tous les élèves et les enseignants se sont connectés, se sont donné rendez-vous sur les plateformes pour aller consulter le programme de la semaine, créant un effet en chaîne qui est ensuite compliqué à désamorcer."

Esther Baumard

à franceinfo

Pour Esther Baumard, "notre outil numérique ne doit pas servir de point de rendez-vous, comme quand je me rends à l'école à 8 heures du matin pour voir mon enseignant. Ça doit être une organisation programmée qui doit se faire sur un rythme différent de celui de la classe habituelle."

Les serveurs informatiques sont-ils responsables ?

Le ministre de l'Éducation a pointé du doigt en partie la responsabilité d’OVH, l'hébergeur d'une partie des serveurs, comme responsable des problèmes d'accès aux Environnements numériques de travail (ENT). OVH a été victime d'un incendie à Strasbourg il y a un mois, et selon Jean-Michel Blanquer, cet incident a provoqué les ralentissements des serveurs. Or, d'une part, OVH ne s'occupe pas de tous les ENT, et certains ENT qui ont connu des difficultés de mardi n'étaient pas gérés par OVH.

Par ailleurs, OVH, que nous avons contacté, réfute les accusations du ministre. OVH assure avoir la capacité de faire face à un afflux de connexions, mais encore faut-il que le client demande des infrastructures supplémentaires pour faire face à ces pics de charge. Ce qui n'a pas été le cas, selon OVH. Et encore faut-il que le client ait le budget pour financer ces nouvelles infrastructures. Les clients sont bien souvent des prestataires informatiques, des entreprises privées, qui gèrent les ENT à l'échelon départemental ou régional pour le compte de l'Éducation nationale. En bref, les serveurs informatiques, en l'état, étaient sous-dimensionnés.

La journée de mercredi sera-t-elle moins chaotique ?

Le dispositif Ma classe à la maison fonctionnait de nouveau correctement mardi en fin d’après-midi. Tout est mis en œuvre pour un fonctionnement normal dès mercredi matin, assure le Cned. Quant aux ENT, des lenteurs demeurent encore localement. Mais mardi soir, le plus gros des bugs avait été corrigé. "On a travaillé toute la journée de mardi et toute la nuit pour continuer à optimiser et trouver des solutions pour que la journée de mardi ne se reproduise pas, explique Esther Baumard d'Open Digital Education. On va améliorer le lissage des flux, c'est-à-dire la gestion de l'affluence tout au long de la journée.”

Il y aura tout de même de l’attente sur les plateformes, prévient Open Digital Education. "On va utiliser un système de quotas déjà mis en place mardi avec un système de files d’attente, explique Esther Baumard. On a également une logique de temps de connexion. C'est-à-dire que si je ne fais rien sur la plateforme pendant un certain délai, je vais être automatiquement déconnecté, ce qui va permettre une meilleure rotation des utilisateurs." Des cellules de crise sont aussi mobilisées pour assurer la fluidité des plateformes toute la journée de mercredi.

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