Carte scolaire : "L’important, c’est que nos enfants soient contents d’aller à l’école"
Najat Vallaud-Belkacem souhaite réformer la carte scolaire pour privilégier la mixité sociale. Francetv info a recueilli les témoignages de parents qui auraient pu contourner ce dispositif, mais qui ont choisi d'inscrire leurs enfants dans un collège de leur secteur pourtant classé en zone défavorisée.
La ministre de l'Education nationale, Najat Vallaud-Belkacem, doit annoncer, début novembre, une série inédite d'expérimentations dans une dizaine de départements où la carte scolaire sera modifiée, a révélé, lundi 19 octobre, Libération. Objectif : promouvoir la mixité sociale et culturelle.
Car, depuis les promesses de campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, qui souhaitait supprimer la carte scolaire, et son assouplissement, un an plus tard, lorsque les dérogations ont été facilitées, la mixité a reculé dans les collèges, selon un rapport parlementaire de 2012.
Certains parents ont décidé pourtant de ne pas contourner la carte scolaire même s'ils en avaient la possibilité. Les mamans d'Anna, de Pauline, d'Inès, de Julie et d'Emma (les prénoms ont été modifiés) ont expliqué à francetv info pourquoi ils ont choisi d'inscrire leurs enfants dans le collège de leur secteur, même s'il était classé en zone défavorisée.
"Un environnement privilégié ne fait que retarder leur confrontation avec la vraie vie"
"On n'est pas dans une démarche élitiste. L'important, c'est que nos enfants soient contents d'aller à l'école", assure la maman d'Anna. Du haut de ses 11 ans, avec deux années d'avance, la jeune collégienne de 4e s'épanouit désormais au collège Vercors de Grenoble (Isère). Après un début de 6e en collège privé, qui fut un échec, cette conseillère d'insertion sociale a fait le choix de réinscrire sa fille dans son collège de secteur, pourtant classé en REP (réseau d'éducation prioritaire). "Contrairement à ce que l'on craignait, elle a été très bien accueillie dans ce collège de quartier, confie la maman grenobloise. On ne la changerait pour rien au monde. Ça nous a donné un autre regard sur ce collège." Un choix avant tout éthique.
Quand on a choisi de mettre Anna dans le privé, ça nous a embêtés pour la mixité sociale. Parce que c'est un principe éducatif ancré dans nos valeurs personnelles.
Des valeurs partagées par Sarah et Gilles. "La carte scolaire doit permettre de donner plus de chance à un plus grand nombre d'enfants, assurent ces ingénieurs grenoblois, qui ont aussi choisi de mettre leurs deux filles, Julie et Emma, au collège Vercors, malgré sa mauvaise réputation. Mais nous considérons que l'environnement privilégié de certains établissements ne leur rend pas service et ne fait que retarder leur confrontation avec la vraie vie."
"Les bons élèves ne sont jamais interrogés parce qu'ils connaissent déjà la réponse"
Si, "ce qui compte vraiment, c'est le relationnel", le niveau d'enseignement n'est toutefois pas toujours au rendez-vous, souligne la maman d'Anna. Au collège Georges-Brassens, dans le 19e arrondissement de Paris, Anna, la maman de Pauline, regrette, elle, la grande disparité de niveau qui existe entre les élèves.
On comprend l'avantage des classes hétérogènes, mais, du coup, les enfants sont sous-stimulés. Les bons élèves ne sont jamais interrogés en classe parce qu'ils connaissent déjà la réponse, ils doivent attendre que les élèves perturbateurs reprennent leur calme…
C'est pourtant dans ce collège que cette psychologue pour enfants et adolescents a trouvé la filière qui lui convenait. "On ne s'est pas posé la question [de l'inscrire dans le privé], car le collège de secteur bénéficiait d'une classe bilangues grec et latin. C'est la formation que l'on voulait pour notre fille."
Mais cette condition "sine qua non" pour Anne pourrait bien disparaître l'année prochaine avec la mise en place de la réforme du collège. Dès l'année prochaine, la classe bilangues et l'option latin ne seront plus proposées dans cet établissement. Elle songera alors aux cours par correspondance ou au collège privé pour sa fille, un coût financier important pour cette famille de classe moyenne.
"Prend-on vraiment la bonne décision pour nos enfants ?"
Mme K., elle, aimerait bien avoir le choix entre établissements public et privé. Sa fille, Inès, est inscrite en 5e au collège Georges-Rouault de Pantin (Seine-Saint-Denis) classé REP+, soit parmi les collèges qui accueillent le plus d'élèves en difficultés scolaires et sociales. "Si je pouvais, je la mettrais dans le privé, mais je n'ai pas les moyens, déplore-t-elle. Ce collège n'était pas mon choix. Je suis inquiète pour sa sécurité, l'enseignement…"
Pourtant, Inès est une bonne élève qui est même douée pour la littérature et les langues. D'ailleurs, cette année, elle a choisi de suivre des cours de latin. "C'est elle qui a voulu, mais, le latin, c'est aussi pour être dans une bonne classe", confie Mme K. Désormais, dans ce collège, les latinistes sont regroupés dans une même classe mais séparés des germanistes. Une manière de reconstituer des groupes de niveaux dans un collège en difficulté ?
Des difficultés scolaires, c'est ce que craint Sarah pour ses deux filles. Voyant les autres parents d'élèves opter pour le collège privé, de meilleure réputation, cette mère de famille de Grenoble culpabilise.
Prend-on vraiment la bonne décision pour nos enfants ? Pourquoi les autres parents ne font-ils pas le même choix que nous alors que c'est notre collège de secteur ? D'autant plus que le niveau moyen des élèves du collège Vercors est plus bas que celui du privé.
Mais, si tous les parents que nous avons contactés s'accordent sur les difficultés scolaires liées à la mixité sociale, ils tombent également d'accord sur l'implication des professeurs. "Heureusement, il y a une équipe enseignante qui fait en sorte que ça se passe bien", reconnaît la maman de Pauline. "C'est un petit collège où tout le monde se connaît, les profs qui ont choisi d'être en REP sont plus investis et plus à l'écoute", ajoute la maman de la jeune Anna.
L'équipe pédagogique apparaît alors comme une part très importante du bien-être des enfants dans leur établissement. Une caractéristique qui ne changera pas avec la réforme de la carte scolaire évoquée par la ministre de l'Education nationale.
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