Cet article date de plus d'onze ans.

Journée des droits des femmes et sport : les liaisons dangereuses

Du sextoy estampillé Stade rennais aux ateliers maquillage du Stade toulousain, les droits des femmes apparaissent bien cachés derrière le marketing.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Une supportrice française lors des demi-finales du tournoi de football olympique féminin opposant la France au Japon, le 6 août 2012.  (JOERN POLLER / FIFA / GETTY IMAGES)

Sexiste ou non ? Le sextoy aux couleurs du Stade rennais sur l'affiche de promotion de l'opération pour la journée des droits des femmes a fait couler beaucoup d'encre. Cette année, deux clubs de Ligue 1, trois clubs de Ligue 2 et deux du Top 14 organisent des événements dédiés aux supportrices vendredi 8 mars, ou le week-end qui suit. Entre le purement marketing et la noble cause de l'avancement du sport féminin, chacun tord le concept à sa sauce.
 

Différentes opérations sportives organisées en France à l'occasion de la journée des droits des femmes ces dernières années. (DR / FRANCETV INFO)

Réaliser un coup marketing… avec un canard vibrant

L'exemple : le Stade rennais. Le stade de la route de Lorient affichera complet vendredi soir contre Saint-Etienne, et plus de 2 000 places "journée de la femme" ont trouvé preneur. La polémique autour du sextoy aux couleurs du club, associé au slogan "venez vibrer", a fait beaucoup parler de l'opération. Le club, qui affirme n'avoir reçu que peu de retours négatifs, nie farouchement tout sexisme : "Si ça c'est sexiste ou vulgaire, alors on ne peut vraiment plus rien faire en publicité." 

L'avis de Fabienne Broucaret. L'auteure du livre Le sport, dernier bastion du sexisme qui tient le blog Sportissima regrette l'aspect uniquement marketing de l'opération. "C'est la solution la plus facile, la plus court-termiste. On fait parler une semaine, point. En plus, on ne dispose pas de mesure des retombées de ces opérations. Personne ne se préoccupe de savoir combien il y aura de femmes dans le stade le week-end suivant…"

Sensibiliser au sport féminin… avec un atelier maquillage

L'exemple : le Stade toulousain. Le club champion de France de rugby propose un tarif réduit pour les femmes, mais aussi des ateliers coiffure et maquillage. Le tournoi de Roland-Garros, qui avait tenté des animations similaires l'an passé, avait essuyé de nombreuses critiques. "C'est un test", insiste-on au club. "Il y a aussi une démonstration de rugby féminin à la pause, il faut voir les animations dans leur ensemble." 

L'avis de Fabienne Broucaret. "La fille qui aura eu droit à un massage à Roland-Garros ira-t-elle voir plus de matchs de tennis ? Je ne crois pas. Miser sur le côté glamour, féminin, ce n'est pas l'idée du siècle, ça devient répétitif. On oublie un peu vite que quand une femme vient au stade, c'est avant tout pour voir un match."

En revanche, la démonstration, à la mi-temps, de rugby à Toulouse ou de foot féminin à Rennes, trouve grâce à ses yeux. "C'est une bonne manière de valoriser le sport féminin, qui est encore sous-exposé. Il faut en revenir à la définition même de cette journée des droits des femmes : s'intéresser aux sportives, évoquer les inégalités dans le sport." Ce qui se fait déjà dans les pays anglo-saxons, qui occultent complètement le côté marketing de l'évènement pour donner un coup de projecteur sur le sport féminin, comme l'an dernier avec le rugby en Australie (en anglais).

Féminiser le public… avec des places gratuites

L'exemple : le SCO d'Angers, en Ligue 2. Cinq cents supportrices sont attendues le 8 mars dans le cadre d'une promotion organisée pour l'occasion. "C'est un premier pas pour féminiser notre public, très masculin", explique le SCO. Au total, douze clubs de L1, L2 et Top 14 proposent des tarifs réduits, voire la gratuité, pour les femmes.

L'avis de Fabienne Broucaret. "C'est une bonne initiative. On pourrait aller plus loin. Ce qui marche le mieux pour attirer plus de femmes dans les stades, c'est de proposer des animations avant la rencontre ou à la mi-temps, comme a pu le faire le Stade français, tout en maintenant des tarifs attractifs. Ça permet d'attirer plus largement qu'un public de passionnés."

Reste le cas particulier du Montpellier rugby, où on assume une journée des droits des femmes volontairement décalée. Les femmes ne payent pas… mais les hommes qui se travestiront non plus. Une perruque suffit-elle ? "Ah non, il va falloir faire un petit effort, explique-t-on au club. Nos supporters sont habitués à ces opérations décalées et se prêtent au jeu. En novembre dernier, à l'occasion du Movember, tout spectateur moustachu avait droit à une place gratuite. Samedi encore, il y aura pas mal de spectacle dans les tribunes." 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.