Assises contre les violences sexuelles en outre-mer : l'objectif est "de pouvoir prendre part au mouvement" actuel
Chantal Clem, la présidente de l'association Figure de femmes Totem des Outre-mer revient sur la recrudescence de violences sexuelles dans ces territoires.
Alors que se tiennent, de vendredi 5 à dimanche 7 avril, à Paris, les premières assises nationales des violences faites aux jeunes filles et femmes dans les Outre-mer, Chantal Clem, présidente de l'association Figure de femmes Totem des Outre-mer et organisatrice de ce rendez-vous, explique, sur franceinfo, que l'objectif de ces assises est de "prendre part au mouvement" actuel contre les violences faites aux femmes.
franceinfo : Pourquoi avoir créé ce rendez-vous ?
Chantal Clem : C’est né d’un besoin. Nous sommes dans un mouvement de libération de la parole, où les victimes ont besoin de sortir de ce fléau, de s’exprimer, de casser les chaînes pour pouvoir avancer librement. Nous sommes, en outre-mer, dans des taux beaucoup plus élevés que la moyenne nationale : 19% de femmes victimes d’agressions sexuelles pour la Nouvelle-Calédonie, 17% pour la Polynésie, autour de 6% pour la Guadeloupe et la Martinique, la moyenne nationale est de 2,5%. L’intérêt de ces assises n’est pas du tout de stigmatiser ces territoires, mais de pouvoir prendre part à ce mouvement où il y a de plus en plus de moyens et outils mis en place pour pouvoir lutter efficacement et mener des actions concrètes.
Y a-t-il une spécifié de ces violences dans les Outre-mer qui expliquerait qu’elles y soient plus nombreuses ?
La question n’est pas de savoir s’il y a une spécificité, mais c’est vraiment le rapport qu’il y a sur ces questions dans le pacte républicain des Outre-mer au regard de l’Hexagone. Je prends un exemple tout simple : la secrétaire d’État Marlène Schiappa a fait un tour de France de l’égalité. Elle n’a jamais franchi les limites des frontières hexagonales. Il y a un problème, quand même, lorsqu’on est dans un quinquennat où les violences faites aux femmes sont une priorité, de ne pas aller visiter tous les territoires. La nécessité de ces assises est aussi de travailler, construire ensemble, prendre part à ce mouvement de construction, pour pouvoir lutter efficacement contre les violences, mais aussi assoir la place des Outre-mer dans le pacte républicain.
Pour poser la question autrement : le fait que 20% des femmes en Nouvelle-Calédonie aient été victimes de violences de la part de leur conjoint ou ex-conjoint ces douze derniers mois ne veut pas dire que les hommes sont plus violents en Nouvelle-Calédonie ?
Ça ne veut absolument pas dire que les hommes sont plus violents en Nouvelle-Calédonie, ça veut dire que nous sommes dans des dynamiques territoriales différentes. Il y a l’insularité, peut-être le rapport à la masculinité, le rapport de genre dans le couple, le contexte économique, social, qui est particulièrement compliqué. Le fait aussi, qu’il y a peu de moyens pour les associations pour pouvoir lutter efficacement, et ce problème de l’exiguïté des territoires. Je prends l’exemple de la Martinique, que je connais bien : vous avez une heure et demie à tout casser entre l’extrême-nord et l’extrême-sud. Lorsque vous avez une femme qui est victime de violences, comment faire pour pouvoir y échapper ?
La dynamique symbolisée par "Me Too", "Balance ton porc", a permis à de nombreuses femmes victimes de trouver le courage de prendre la parole. Est-ce pareil en Martinique ?
Ça prend, peut-être un peu plus lentement. Tout le monde se connaît, or, une agression sexuelle est la question la plus intime qui soit, donc le rapport à la honte, la culpabilité, est extrêmement fort. On n’a pas forcément envie de montrer cette souillure qu’on a sur soi, on la cache. On le constate universellement : une femme qui est agressée ne va pas le crier sur les toits, d’autant plus dans un territoire réduit où tout le monde se connaît.
Vous comptez remettre les conclusions de ces assises au gouvernement…
Ce sont des travaux. Nous allons faire des propositions, des actions concrètes, une synthèse de ces travaux, et nous solliciterons une audience à la secrétaire d’Etat où, de manière formelle, nous remettrons ce livre blanc avec toutes les associations présentes.
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