Argentine : la pénalisation de l'avortement "laisse le choix à la femme entre la prison et la mort"
La loi sur la dépénalisation de l'avortement en Argentine doit être votée la nuit prochaine. Un vote très attendu car seuls l'Uruguay, Cuba et la ville de Mexico l'autorisent en Amérique du sud. Plus de dix ans de mobilisation, rappelle Geneviève Garrigos d'Amnesty international.
Mercredi 8 août dans la nuit, les sénateurs argentins vont dire oui ou non à la dépénalisation de l'avortement. Le 14 juin dernier, les députés ont approuvé le texte à une courte majorité. Geneviève Garrigos, responsable Amérique à Amnesty international explique mercredi 8 août sur franceinfo, que "beaucoup de sénateurs vont se prononcer au dernier moment". Elle espère en faveur d'une légalisation de l'avortement car aujourd'hui, cette pénalisation "laisse le choix à la femme entre la prison et la mort".
franceinfo : Vous croyez que les sénateurs vont répondre oui à la légalisation de l'avortement ?
Geneviève Garrigos : Nous l'espérons et la mobilisation reste très forte en Argentine pour que ce projet de loi soit adopté. On l'avait déjà vu à l'Assemblée nationale quand le projet a été présenté aux députés, le vote a été très serré. Cela s'est joué à quatre voix : 129 voix pour et 125 contre. On sait qu'au Sénat, beaucoup de sénateurs vont se prononcer aussi au dernier moment.
Il est vrai qu'on a aussi vu ces derniers temps une mobilisation très forte de l'Église catholique, notamment une manifestation le week-end dernier qui a réuni des dizaines de milliers de personnes à Buenos Aires. Les sondages aujourd'hui montrent que l'opinion publique est à plus de 60% en faveur de cette loi et on retrouve à peu près le même pourcentage de personnes qui considèrent que l'Église n'a pas à se mêler des affaires de cette loi.
Que répondre aux opposants à ce projet de loi ?
La pénalisation de l'avortement n'empêche pas les femmes d'avorter. En Argentine, on estime aujourd'hui (et ce sont les chiffres du gouvernement) qu'il y aurait 500 000 femmes par an qui auraient recours à des avortements clandestins. La population est de 41 millions d'habitants. Cela met bien sûr en danger la vie des femmes puisqu'on estime que 50 femmes par an meurent des suites d'un avortement et il y a d'autres complications. Une femme qui a décidé de ne pas garder un enfant, elle va avoir recours à n'importe quel moyen. On le voit dans les pays où l'avortement est interdit, ce sont les femmes les plus pauvres et les plus démunies qui se retrouvent dans cette situation de clandestinité. Les autres femmes vont avoir accès à des cliniques privées qui pratiquent l'avortement, y compris en Argentine, dans des conditions sûres. Ce qu'on fait aujourd'hui, c'est laisser le choix à la femme entre la prison et la mort et ce n'est pas un choix pour les femmes.
Même si les sénateurs disent non, le débat sur le droit à l'avortement aura été introduit en Argentine. Pour vous, c'est une avancée sur un continent où ce droit est très peu présent, l'Uruguay, Cuba et la ville de Mexico étant les seuls à l'autoriser ?
Il y a une attente très forte sur tout le continent. Il y a peu de pays qui l'autorisent et il y a six pays qui l'interdisent totalement comme le Nicaragua, le Honduras ou le Salvador. La difficulté de ce débat aujourd'hui, c'est que le président Mauricio Macri a porté ce débat devant le Parlement et on s'en félicite, même si lui ne s'est pas prononcé et c'est qu'on attend. C'est le résultat d'une mobilisation de plus de dix ans des femmes en Argentine pour amener le débat sur la place publique. Il faut comprendre qu'il est porté par le mouvement Ni una menos, ce mouvement des femmes en Amérique latine contre les violences sexuelles, contre les féminicides parce que la question, c'est aussi le viol, c'est l'accès en cas de viol à l'avortement. En tout cas, les femmes ne vont pas retourner chez elles en se disant qu'elles ont perdu. La mobilisation continuera, appuyée par tout le continent.
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