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Trafic de crack à Paris : "Il n'y a pas de solution miracle" pour l'éradiquer, prévient un addictologue

Le nouveau préfet de police de Paris a annoncé une meilleure prise en charge des consommateurs de crack. Ce qui rassure Amine Benyamina, chef du service psychiatrie et addictologie de l'hôpital Paul-Brousse à Villejuif.

Article rédigé par franceinfo
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La "colline du crack", près de la porte de la Villette à Paris, où s'installent régulièrement des consommateurs de crack à la rue, le 25 mars 2022. (BERTRAND GUAY / AFP)

"Il n'y a pas de solution miracle" pour lutter contre le trafic et la consommation de crack à Paris, a expliqué jeudi 15 septembre sur franceinfo le professeur Amine Benyamina, chef du service psychiatrie et addictologie de l'hôpital Paul-Brousse à Villejuif (Val-de-Marne). Le ministre de l’Intérieur a donné un an au préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, pour éradiquer ce fléau dans le Nord-Est parisien.

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"On est dans une situation complexe, dans laquelle tous les acteurs de près ou de loin doivent intervenir", explique l’addictologue. Il dit avoir eu "un peu peur" du discours sécuritaire de Gérald Darmanin, mais dit "respirer un peu plus" depuis l’annonce d’un plan de prise en charge médicale par le préfet de police. Les consommateurs de crack sont "des malades" avant tout, rappelle-t-il. "Cela a beau être à Paris, c'est toute la nation qui doit être concernée par ces problématiques", affirme-t-il.


franceinfo : Comment jugez-vous l’ambition du gouvernement ?

Amine Benyamina : Quand j'avais entendu parler de cette éradication dans la bouche du ministre de l'Intérieur, j’ai eu un peu peur. Mais quand j'entends Laurent Nuñez, le préfet de police de Paris, dire que c’est une problématique dans laquelle il faut les prendre en charge, je respire un peu plus. On est dans une situation complexe, dans laquelle tous les acteurs de près ou de loin doivent intervenir. On a affaire à des personnes qui, depuis des années, ont une pathologie complexe, c'est-à-dire que ce sont des consommateurs d'un produit qui rend extrêmement dépendant et qui désaffilie sur le plan social et qui, finalement, détruit la personne. On se retrouve avec des personnes qui ont des problèmes physiques et des problèmes psychiatriques. On a affaire à des personnes qui n'ont pas de toit, qui n'ont plus de lien social. Elles sont l'objet d'une drague et d'une visite régulière des trafiquants. Tous les corps qui sont concernés par cette complexité doivent intervenir de manière concomitante et de manière organisée.

Est-ce le cas aujourd'hui ?

Évidemment, ce n'est pas le cas. On a affaire à des riverains qui, à juste titre, n’en peuvent plus parce qu'on voit une scène ouverte avec des personnes qui se droguent en pleine zone urbaine. On voit pour des raisons liées à des calendriers électoraux et liées à une contestation, les descentes de police qui évacuent des personnes qui sont malades. Elles sont déplacées dans Paris ou à la lisière de Paris. On voit aussi peu de coordination et peu d'aide réelle pour des services qui se trouvent dans le Nord-Est parisien et qui ont montré leur capacité à pouvoir, de manière mineure mais efficace, travailler de manière concertée. C'est tout ça qu'il faut poser et qu'il faut arriver à mettre en place dans le Nord-Est parisien.

Pensez-vous que le préfet de police de Paris peut obtenir des résultats ?

Je ne fais pas de procès d'intention au préfet. Il parlait de prise en charge psychiatrique, psychologique, addictive. C'est bien la première fois que j'entends ça dans la bouche d'un homme de sécurité. J'ai envie de dire chiche. Ensuite, on a la nécessité de diagnostiquer. Sachez que derrière ces toxicomanes, la grande majorité a des maladies psychiatriques ou des troubles de l'humeur, des troubles bipolaires, des troubles psychotiques gravissimes. Et donc, on a une espèce d’alimentation de la maladie psychiatrique vers la consommation des drogues et vice-versa. Et ensuite, il y a tout le maillage médico-social qui se met en place, ce qu'on appelle l'orientation et puis ensuite le suivi au long cours. Il n'y a pas de solution miracle coup de poing. Ça n'existe pas. Il y a une concertation. Il y a des moyens à attribuer aux structures qui sont confrontées à ce type de population qui n’est pas très nombreuse, grosso modo entre 300 et 1 000 personnes. Cela a beau être à Paris, c'est toute la nation qui doit être concernée par ces problématiques, quitte à ventiler par petits groupes dans des structures adaptées dans le reste de la France.

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