"On a l'impression d'être un hamster dans sa roue qui tourne" : aux Antilles, le trafic de cocaïne explose, malgré des saisies régulières

La commission d'enquête sénatoriale sur le narcotrafic publie, mardi, son rapport. Il y sera notamment question des Antilles.
Article rédigé par Yannick Falt
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Les Antilles sont depuis longtemps une zone de transit de la cocaïne, elles sont désormais une zone de rebond. (PICTURE ALLIANCE / GETTY IMAGES)

Le rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur le narcotrafic est présenté mardi 14 mai. C'est le résultat de six mois d'auditions, alors que le trafic de cocaïne explose, en passant notamment par les Antilles, dont il sera question dans le rapport.

On le sait depuis longtemps : la région est et reste une zone de transit de la cocaïne. Or, les Antilles sont désormais une "zone de rebonds", qu'ils soient aérien ou maritime. Ainsi, depuis la mise en place des contrôles systématiques de passagers en Guyane, de plus en plus de mules embarquent de Fort-de-France et de Pointe-à-Pitre. Et puis, avec le doublement de la production de drogue en Colombie et la fermeture relative du marché américain davantage tourné vers les drogues de synthèse, les saisies explosent.

Une infime partie de la drogue interceptée

"Depuis le début de l'année, les forces armées aux Antilles ont intercepté à peu près 11 tonnes de cocaïne, ce qui était le volume intercepté sur toute l'année 2023, dresse Clarisse Taron, procureure de la République de Fort-de-France. Et pour autant, je suis persuadée que c'est une proportion bien plus importante de stupéfiants qui passe. On a effectivement un peu l'impression d'être un hamster dans sa roue qui tourne. Les gens travaillent, les saisies sont toujours quelque chose de parlant, mais ce qui est intéressant c'est de démanteler un réseau."

Selon une estimation confidentielle des autorités, entre 10 et 17% seulement de la cocaïne serait interceptée, alors que le terrain de jeu des trafiquants est immense, avec deux états insulaires, Sainte-Lucie et la Dominique avec qui la coopération est quasi inexistante, pour le transit, et des centaines de plages pour débarquer la drogue - dont 300 uniquement en Guadeloupe.

Il y a, enfin, un projet qui inquiète particulièrement les forces de l'ordre : le hub portuaire annoncé aux Antilles pour 2025. Ce projet d'extension des ports de Guadeloupe et de Martinique pour mieux desservir la Caraïbe et l'Amérique du Sud va faire venir quelque 300 000 conteneurs supplémentaires chaque année. Et potentiellement faire grimper le trafic de marchandises, comme de stupéfiants vers l'Europe. "Si on multiplie par deux ou trois le nombre de conteneurs qui vont faire Amérique du Sud - Fort-de-France puis destinations diverses, on va effectivement multiplier la possibilité de faire passer la cocaïne. Sachant que, pour les acteurs du fret maritime, l'important est d'aller vite, on va avoir des contradictions dans les exigences de lutte contre le trafic et celles du commerce de flux. Nous sommes très inquiets là-dessus", précise Clarisse Taron à franceinfo.

De son côté, le gouvernement promet de nouveaux moyens, dont des scanners à conteneurs. Des équipements très attendus, mais insuffisants, selon une source policière haut placée, qui pointe le sous-dimensionnement des unités d'enquêtes anti-stups pour démanteler les filières.

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