Moins de 25 ans, délinquants de petite envergure... Qui sont les tueurs à gages recrutés par les réseaux de trafics de drogue ?

Dans une note confidentielle, en octobre dernier, l'Office central de lutte contre la criminalité organisée évoque une nouvelle génération de tueurs à gages dans le milieu du narcotrafic. Ils évoluent dans la petite délinquance et basculent subitement dans le crime.
Article rédigé par David Di Giacomo
Radio France
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Temps de lecture : 3 min
Interpellation d'un trafiquant de drogue, dans le quartier Gaubre-Tujac à Brive, le 17 octobre 2023 (photo d'illustration). (STEPHANIE PARA / MAXPPP)

Alors que les homicides et tentatives d'homicide liés au trafic de drogue ont augmenté de 57% cette année, franceinfo a eu accès à une note confidentielle de l'Office central de lutte contre la criminalité organisée (OCLO) datée d'octobre dernier, qui dresse le profil de la nouvelle génération de tueurs à gages recrutés par les trafiquants.

Ce phénomène du recrutement de jeunes équipes de tueurs à gages dans le milieu du narcotrafic s’observe depuis deux ans. C’est une nouvelle génération de tueurs, qui n’ont plus rien à voir avec leurs aînés, qui avaient des profils de malfaiteurs très aguerris, très expérimentés, et qui prenaient beaucoup de précautions avant de commettre un règlement de compte. Aujourd’hui, la tendance est bien différente. La grande majorité de ces tueurs a moins de 25 ans. Ils baignent dans la petite délinquance, et basculent subitement dans le crime. Ils sont originaires de la région parisienne, de Marseille, ou encore de Lyon.

De 1 000 à 100 000 euros par "contrat"

Leur principale motivation est l'appât du gain. Pour tuer quelqu'un, la fourchette est très large, ils peuvent gagner de 1 000 à 100 000 euros, le prix est très variable en fonction de la cible et du degré de difficulté. Mais la moyenne d'un "contrat" se situe entre 15 000 et 20 000 euros. Un connaisseur du dossier se dit frappé par "leur absence totale d'empathie et de respect de la vie humaine". Mais ces tueurs sont souvent mal préparés et inexpérimentés. Ils peuvent se retrouver à tirer en rafale sur un point de deal désigné par leur commanditaire, sans en mesurer les conséquences, ce qui explique aussi la hausse de victimes collatérales, comme à Dijon, Marseille ou encore Nîmes ces derniers mois. Ce ne sont pas des tueurs professionnels et, souvent, l’usage des armes s’apprend lors de l’exécution d’un premier contrat. Ils agissent souvent dans la précipitation.

Il s’agit, selon cette note de l’OCLO, d’équipes de jeunes tueurs très mobiles, composées de trois à six membres. Par exemple, un pilote, un ou deux tireurs et un à trois logisticiens. Avant de commettre leur premier "narchomicide", ce sont quasiment tous des délinquants de petite envergure. Ils "entrent de manière très brutale dans le milieu". Certains peuvent être recrutés via des messageries cryptées comme Signal ou Telegram, mais il apparaît que la majorité est recrutée par du simple bouche-à-oreille, directement par les organisations criminelles. Le niveau de violence est très élevé, car l’objectif des commanditaires, c’est soit de tuer, soit de semer la terreur sur un point de deal concurrent. 

Des photos pour prouver l'exécution

Cela se voit bien à Marseille, avec la guerre entre les deux clans DZ Mafia et Yoda. Dans la cité phocéenne, 47 personnes ont été tuées depuis le début de l’année en lien avec le trafic de stupéfiants. Ces tueurs échangent sur les messageries cryptées avec leurs commanditaires, pour donner notamment, par des vidéos ou des photos, les preuves de l’exécution d’un contrat.

Ils peuvent naviguer entre la région parisienne, Marseille et la région lyonnaise. Ce sont des équipes très mobiles, qui louent des Airbnb en attendant le "go" de leur commanditaire, dont ils ne connaissent souvent pas l’identité. D’après un policier spécialiste de la criminalité organisée, ils ressemblent au profil des "sicarios", ces jeunes tueurs à gages d’Amérique latine. Le vivier de potentiels tueurs à gages semble en augmentation, avec la crainte que les équipes se multiplient selon cette note de la police judiciaire. Des jeunes sans emploi, désœuvrés, au profil psychologique inquiétant, fascinés à la fois par le narcobanditisme et l'ultraviolence.

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