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Face à la GBL, "une réponse sanitaire à un problème sanitaire" est réclamée par les associations et le milieu de la nuit

Établissements de nuit et associations s'inquiètent sérieusement de la hausse de consommation de GBL. Un solvant détourné en drogue, facile à acheter, peu cher, mais dangereux reconnaissent des consommateurs. 

Article rédigé par franceinfo - Marie-Jeanne Delepaul
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4 min
Le milieu de la nuit et les associations s'inquiètent de l'usage croissant d'une drogue de synthèse, la GBL (illustration). (MAXPPP)

Après des overdoses, plusieurs comas et même un décès en mars dernier, le monde de la nuit s'inquiète de la hausse de la consommation de GBL, un solvant industriel détourné en drogue. Son usage croissant est d'autant plus inquiétant que le produit n'est ni difficile à acheter, ni cher, reconnaissent des consommateurs. 

L'"odeur" du danger

Kevin, 27 ans, consomme de la GBL (gamma-butyrolactone) en soirée. Il l'a découverte en boîte de nuit, il y a trois ans, quand un ami, dit-il, lui a proposé de verser quelques millilitres de cette drogue de synthèse dans son jus d'orange. Le produit est invisible, mais il a une odeur. "On peut le sentir, mais on ne le voit pas", témoigne Kevin, qui parle d’"une odeur de solvant, de plastique". Le produit a le goût de cette odeur, ajoute-t-il.

C’est un peu similaire aux effets de l’alcool, ça désinhibe un peu et ça donne chaud. On transpire très vite. On perd un peu pied. Donc il faut vraiment faire attention, ça peut très vite être dangereux.

Kevin, consommateur de GBL

à franceinfo

Le produit peut même devenir mortel s’il est surdosé ou mélangé à de l'alcool. Cyril, 35 ans, en prend régulièrement depuis un an. Il a déjà été témoin de nombreux accidents. Lui-même est tombé dans le coma, reconnaissant en avoir pris "un petit peu trop". "J’ai vu aussi des mecs prendre une dose de GBL, boire ensuite un whisky et tomber raides, dans les cinq minutes", précise-t-il. À présent, "conscient  des risques et des limites", il dit encadrer sa consommation avec "trois doses" pour une soirée. "Je sais que dans ce cadre, je suis en sécurité. Après, ça n’empêche pas les incidents", reconnaît-il

Une acquisition facile 

La préfecture de Paris a compté dix overdoses ces derniers mois et lancé l'alerte sur la dangerosité du produit. Pourtant, la consommation se banalise parce que l'achat peut être direct, sans intermédiaire. C'est ce qu'a fait Cyril en passant une commande sur internet, à un site des pays de l’Est, témoigne-t-il. "C’est vendu comme du détergent, du dissolvant, en bidon d’un demi-litre. Ça m’avait coûté dans les 60 ou 70 euros, livré en moins de deux semaines, en colis", dit-il.

Je ne consomme même pas 5 millilitres par soirée, ça fait une centaine de soirée. C’est effectivement la drogue la moins chère du monde, à ma connaissance.

Cyril, habitué de la GBL

à franceinfo

Selon l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies, le nombre de comas a doublé en trois ans. Six établissements ont été fermés depuis le début de l'année, sur décision de la préfecture.

D'autres solutions que les fermetures

En mars, le collectif Action nuit, qui regroupe des syndicats de professionnels, a écrit aux ministres de la Santé et de l’Intérieur pour donner sa position. Parmi les signataires, figure Christophe Vix, associé d’une guinguette parisienne. Il connaissait le jeune homme de 23 ans, décédé le mois dernier. "On est, a priori, au début d’une pandémie. La moindre personne qui tourne de l’œil, on a peur qu’elle fasse un coma", déclare-t-il.

Si l’unique réponse de l’administration, c’est la fermeture des lieux où se produisent des incidents, on va continuer à aller dans le mur.

Christophe Vix, à la tête d'un établissement de nuit à Paris

à franceinfo

Christophe Vix demande à être associé à la prise en compte du problème. "Nous considérons que les établissements festifs sont des partenaires de la prévention. On demande juste une réponse sanitaire à un problème sanitaire", réclame-t-il. 

Une sensibilisation voulue aussi par les associations

Fred Bladou, responsable des drogues pour l'association Aides, réclame un discours adapté auprès des jeunes. "Il faut cesser de se voiler la face derrière la drogue c'est mal ou c'est interdit. Ça ne marche pas", assure-t-il, prônant avant tout la diffusion de messages informatifs.

Il faut sensibiliser les jeunes sur ce que sont les produits, la façon dont on les consomme, si on veut en consommer. Ce n’est pas en leur disant qu’il ne faut pas le faire, qu’ils ne le feront pas.

Fred Bladou, association Aides

à franceinfo

Selon Fred Bladou, il faut aller faire de la prévention et de la sensibilisation dans les lycées et tenir un discours pragmatique. "Il n’y a pas que les violeurs qui utilisent cette drogue, il y a les clubeurs, tous les jeunes fêtards. Il faut les prendre en compte, assure-t-il. Ce qui tue les gens, c'est de ne pas savoir quels sont les risques, les dangers de consommation, et de quelle manière on peut consommer ces produits." Avec d'autres associations, Fred Bladou élabore une brochure de prévention à destination des jeunes.

La GBL, un solvant détourné en drogue, inquiète les associations et le milieu de la nuit - un reportage de Marie-Jeanne Delepaul

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