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Des jeunes d'Evry publient un "Lexik des cités"

Article rédigé par franceinfo
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  (Radio France © AFP / Stephane de Sakutin)

Dix jeunes du quartier du Bois-Sauvage à Evry, des garçons et des filles âgés de 18 à 25 ans, expliquent dans le "Lexik des cités" leurs mots, ceux utilisés par les jeunes dans les banlieues, pour éviter les "quiproquos" entre jeunes et adultes.

Présenté samedi à la fête de l'Essonne à Chamarande, ce livre, qui sortira le 4 octobre, décortique avec beaucoup d'humour 241 mots des cités.

Réalisé avec l'aide de l'association Permis de vivre la ville, l'ouvrage est "l'aboutissement d'un travail de trois ans", raconte Cédric Nagau, 25 ans, pour éviter "les incompréhensions, les quiproquos entre les jeunes et les adultes".

Au départ, ces garçons et ces filles, graffeurs, rappeuses et auteurs d'un petit journal dans le quartier, se regroupent autour d'un projet un peu informel. "Je faisais du rap et je voulais que ma mère me comprenne", se souvient Dalla Touré, 22 ans. Dans le petit journal de quartier, un petit lexique est publié. L'idée est née.

Commence alors une longue recherche, notamment avec "Le Petit Robert", pour retrouver l'étymologie des mots. Des recoupements sont effectués dans de nombreux quartiers d'Ile-de-France et d'ailleurs pour voir si un mot peut avoir plusieurs significations.

"On s'est rendu compte que nous n'avions rien inventé de nouveau en termes de langue", explique Cindy Azor, étudiante en BTS de 19 ans. "Par exemple +daron et daronne+, mots qu'on utilise pour désigner le père et la mère, existaient déjà. Ils viennent de dam, qui voulait dire seigneur, et de baron et auraient désigné ensuite le roi et la reine". Or les parents "règnent".

Ce langage imagé reflète les origines diverses des habitants de ces quartiers avec des emprunts au portugais, à l'arabe ou aux langues africaines, mais aussi la culture de la "génération fast food", commente Cédric Nagau. Ainsi, le fourgon de police n'est plus appelé "panier à salade" mais "boîte de six", en allusion à la boîte de beignets de poulet d'une enseigne de restauration rapide.

"C'est une langue parlée, pas écrite ou alors comme tag avec un certain esthétisme. Il nous a fallu la traduire", explique Franck Longepied, 25 ans, tagueur devenu graphiste dans l'industrie.

Ce lexique, magnifiquement illustré par des graffs ou des petites saynètes expliquant les mots, permet de comprendre qu'un "bail" n'a rien à voir avec un contrat entre deux parties, mais qu'il s'agit d'un plan amoureux, qu'un "Boug" est un mec, que "ma came" n'est pas une quelconque substance illicite qu'on fume ou sniffe mais sert à désigner un pote, aussi nommé "gros"...

"Cet ouvrage est la preuve que des jeunes peuvent travailler sur le long terme", souligne Marcela Perez, de l'association Permis de vivre.

Contactés à mi-parcours par divers éditeurs, les jeunes ont rencontré un avocat spécialisé dans les droits d'auteur avant de finalement signer un contrat avec les éditions Fleuve Noir.

La préface de l'ouvrage, tiré à 20.000 exemplaires, fait dialoguer Alain Rey, linguiste, collaborateur notamment pour le Robert, et le rappeur Disiz la Peste, qui a grandi à Evry, sur l'évolution du langage.

("Lexik des cités", éditions Fleuve Noir, 366 pages, 19,90 euros, le 4 octobre en librairie)

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