"C'est vraiment le volontariat et l'engagement qui sont à la base du service civique"
Le service civique est sur les lèvres de tous politiques. Ceux qui l'ont déjà effectué soulignent la richesse de l'expérience mais s'élèvent contre le fait de le rendre obligatoire.
Certains sont encore en train d'effectuer leur service civique, d'autres l'ont terminé depuis quelques années, mais tous évoquent une expérience très positive dans leur parcours. Avec l'idée de faire vivre "l'esprit du 11 janvier" - ce mouvement citoyen consécutif aux attentats qui ont endeuillé la France - la classe politique s'est emparée du débat sur le service civique, que certains voudraient rendre obligatoire.
Dans ce contexte, francetv info a cherché à savoir ce qu'en pensaient ceux qui ont déjà fait l'expérience de ce dispositif mis en place en mai 2010 par Martin Hirsch.
"Ça a été une expérience de vie magnifique"
"Acquérir de l'expérience", "prendre du recul", "être au contact de la vie professionnelle", les personnes interrogées ont toutes tiré des bénéfices de leur année de service civique. "Avant que ce soit une expérience professionnelle, ça a été une expérience de vie magnifique qui m'a permis de prendre confiance en moi, de me sentir utile, d'oublier mes problèmes", témoigne Salim, qui s'est engagé en 2011 aux côtés du Secours catholique pour s'occuper du logement étudiant à Créteil, dans le Val-de-Marne. Le jeune homme de 25 ans, qui travaille maintenant à la mairie de Créteil, ajoute que cette année lui a permis de faire "de belles rencontres avec des personnes qui sont devenues des amis".
Pour beaucoup, c'est avant tout l'aspect professionnalisant du service civique qui ressort. "C'est l'expérience la plus formatrice de ma vie, je faisais mes propres reportages, mes propres émissions, juste après je suis parvenu à décrocher des stages à Paris car c’est plus facile de se vendre avec ce genre d'expérience", raconte Angèle, en service civique dans une radio associative, qui souhaite devenir journaliste radio. "Ca m'a beaucoup apporté dans mon parcours, j'ai pu sortir un peu des bouquins et me confronter à de nouvelles choses comme la comptabilité", ajoute Axel, qui a effectué son service au Genepi, une association qui intervient en milieu carcéral.
Un dispositif pas forcément accessible à tous
François Hollande a annoncé le 20 janvier que "tous les volontaires", soit "entre 150 000 et 170 000 par an", pourraient faire leur service civique à l'horizon 2017. En 2014, "l'objectif de 35 000 services civiques a été atteint", assure l'Agence du service civique, et pour 2015 l'objectif est pour l'instant fixé à 45 000. Encore loin du compte. D'ailleurs selon François Chérèque, il y a "trois ou quatre" fois plus de demandes que de missions disponibles. Le président de l'Agence du service civique a prévenu que l'ambition présidentielle d'un service civique "universel" nécessiterait d'augmenter le budget à 600 millions d'euros, contre 170 millions d'euros pour 2015.
Sans aller jusqu'à la généralisation, les personnes interrogées plaident-elles aussi pour un dispositif plus accessible et mieux connu du grand public. Ils sont plusieurs à se souvenir qu'ils n'avaient jamais entendu parler du service civique avant de s'engager. "Pôle emploi devrait le conseiller plus fréquemment aux jeunes", propose Salim. "Il faut en parler dans les lycées, dans les facs", réclame Anouk, en service civique dans une webradio.
"Cela nécessite plus de salariés, plus de moyens, plus de communication et plus d'aide pour les associations", ajoute Angèle, qui plaide pour une démocratisation du système : "Pour l'instant, cela vise surtout un public de bobos de gauche, on a complètement oublié les jeunes de banlieue." Elle est rejointe par Laurianne qui juge les institutions hypocrites : "En théorie, ça devrait permettre de mettre le pied à l'étrier à un public touché par le décrochage scolaire, mais dans les faits les missions proposées demandent pas mal de compétences et ne sont pas accessibles à tous."
Un service obligatoire, "je ne vois pas le but"
Plusieurs personnalités politiques réclament ces derniers jours un service civique obligatoire, de l'UMP Nathalie Kosciusko-Morizet au chef de file des députés socialistes Bruno Le Roux. Une fausse bonne idée pour l'ensemble des jeunes interrogés. Certains évoquent le manque de moyens, d'autres comme Axel craignent des abus : "Déjà qu'actuellement, certains se retrouvent sur des postes qui devraient être confiés à des salariés..." Tous jugent que le système perdrait de son sens en supprimant la base du volontariat.
"Je ne vois pas le but, ça va décrédibiliser le système, c'est vraiment le volontariat et l'engagement qui sont à la base de ce dispositif", s'énerve Emeline, en service civique dans une MJC (Maisons des jeunes et de la culture), au Mans (Sarthe). "Et puis, il faut avoir un minimum de motivation pour réaliser des projets et s’impliquer, sinon le jeune accueilli sera un boulet pour la structure", ajoute la jeune femme.
"Je n'ai pas l’impression que l'on m'ait inculqué des valeurs"
Plusieurs des interlocuteurs de francetv info pensent que les politiques se trompent en pensant que le service civique permette de transmettre des valeurs à la jeunesse. Certes, ils ont suivi un stage de formation civique et citoyenne et signé une "charte des valeurs" au début de leur engagement, mais aucun ne pense qu'il s'agit d'une solution aux possibles problèmes d'incivisme.
"On met un peu tout dans le même sac, je ne sais pas si ça a vraiment un lien, je n'ai pas l’impression que l'on m'ait inculqué des valeurs lors de mon service civique", témoigne Anouk. "Ils prennent le problème à l’envers, la transmission des valeurs de la République, elle doit se faire à l’école. Arrivé à l'heure du service civique c'est déjà trop tard", lâche Emeline. Le service civique est un bon dispositif, selon eux, mais ne permet pas de régler tous les problèmes.
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