Le service civique va-t-il devenir obligatoire ?
La classe politique semble majoritairement favorable à l'instauration d'un service civique obligatoire. Une idée cependant difficile à mettre en œuvre.
Après les attentats qui ont frappé Paris début janvier, la société française s'interroge. Pour renforcer la cohésion nationale et l'adhésion de tous aux valeurs républicaines, faut-il instaurer un service civique obligatoire ? Le débat traverse les partis et les acteurs locaux. Francetv info fait le point sur ce débat.
Qui est pour, qui est contre ?
La classe politique semble majoritairement favorable à l'instauration d'un service civique obligatoire. Les députés PS travaillent ainsi sur une proposition de loi pour créer un "service national républicain", d'une durée de six mois, qui concernerait tous les jeunes de 16 à 25 ans, a annoncé mardi 28 janvier le porte-parole du groupe PS, Hugues Fourage. "Le traumatisme des attentats a fait évoluer les esprits. Tout le monde reconnaît que le service civique est le chaînon manquant de la citoyenneté et qu'il faut avancer plus en avant", a-t-il expliqué.
L'idée de rendre obligatoire le service civique est également sur le bureau de François Hollande. Un conseiller interrogé par RTL affirme que le chef de l'Etat hésite, car il ne voudrait pas d'une mesure gadget qui serait perçue négativement par les jeunes. Le président de la République réfléchirait même à soumettre cette question aux Français par la voie d'un référendum, selon la radio. Information démentie par l'Elysée auprès du Figaro.fr.
A l'UMP, Nathalie Kosciusko-Morizet s'était déclarée la semaine dernière "favorable à un service obligatoire, civique ou militaire" de "plusieurs mois". Le parti a également proposé un "service civique de défense" basé sur le volontariat et d'une durée maximale d'un an.
En revanche, François Chérèque, président de l'Agence du service civique, est dubitatif. "Des députés qui font un projet de loi sur un coin de table ? Je me tape le cul par terre !", a-t-il réagi jeudi matin sur France Inter. "Pourquoi punir la jeunesse ?", se demande-t-il, comparant le service civique obligatoire à "un nouveau CPE".
Pourquoi est-ce difficile à mettre en place ?
En novembre, avant les attentats, François Hollande avait évoqué l'instauration d'un service civique "universel", "de deux ou trois mois". "Pour que ce soit obligatoire, c'est vrai que ça mériterait à ce moment-là un référendum", avait-il expliqué. Ce qui constituerait un risque politique important pour un président peu populaire.
Mais la principale difficulté est financière. "Si on veut faire un service civique obligatoire avec rémunération, c'est trois milliards d'euros", assure François Chérèque. Car dans sa forme actuelle, le service civique est rémunéré 573 euros par mois, ce qui coûte en réalité 800 euros par personne à l'Etat.
La semaine dernière, François Hollande avait annoncé une augmentation exponentielle de l'accueil des volontaires du service civique, victime de son succès. L'an dernier, seuls 35 000 jeunes ont pu l'effectuer et quatre demandes sur cinq sont restées sans réponse. L'objectif du gouvernement est désormais d'accueillir "tous ceux qui se portent volontaires", soit entre 150 000 et 170 000 jeunes par an, "à l'horizon 2017". Pour ce faire, il faudrait augmenter le budget de l'Agence du service civique de 170 à 500 millions d'euros.
Est-ce vraiment une bonne idée ?
Le débat lancé cette semaine sur la généralisation du service civique n'est pas nouveau. En 2008, un rapport de Luc Ferry commandé par Nicolas Sarkozy mettait en garde : "La mise sur pied d’un service civique universel et obligatoire est un projet ambitieux, mais lourd et complexe, dont il ne faut pas cacher les difficultés. Elle ne peut être envisagée qu’après une phase de montée en puissance préalable."
"Il convient de valider sur le terrain, soulignait Luc Ferry, les multiples composantes dont dépend la qualité du projet : le choix des structures d’accueil, les modalités de fonctionnement, l’organisation, le bien-fondé des objectifs poursuivis, mais également la richesse des expériences proposées, l’intérêt et l’utilité des tâches aussi bien pour les structures d’accueil que pour la communauté et, bien sûr, pour les jeunes eux-mêmes."
De multiples questions se posent en effet : y a-t-il suffisamment de tâches et de missions intéressantes sur le terrain pour des millions de jeunes ? Si oui, le service civique obligatoire ne risque-t-il pas d'affecter ces jeunes sur des postes au détriment de "vrais emplois" ?
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