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Avorter au mois d'août, "une véritable course contre la montre"

Centres IVG fermés, délais d'attente rallongés, problèmes structurels… En été, les femmes sont confrontées à des dysfonctionnements alarmants.

Article rédigé par Floriane Louison
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Une patiente à l'Institut Alfred Fournier (Paris), où un nouveau centre de planification et d'éducation familiale a été inauguré, le 27 août 2009. (JACQUES DEMARTHON / AFP)

SANTE - Un rendez-vous pour un avortement ? "On n'en fait pas au mois d'août", répond tout court la secrétaire du centre hospitalier Saint-Louis (Paris 10e), contactée par FTVi lundi 13 août. Deuxième tentative à l'hôpital Lariboisière (10e) pour une IVG urgente à la dixième semaine de grossesse : "Pas d'aspiration avant le 2 septembre", explique-t-on au standard. Soit après le délai légal d'avortement (à la fin de la douzième semaine de grossesse). Hôpital Port Royal (14e) : fermé. Hôpital Georges Pompidou (15e) : fermé aussi… Sur les neuf centres hospitaliers pratiquant l'IVG chirurgicale et médicamenteuse répertoriés par la mairie de Paris, seuls deux ont pu nous proposer un rendez-vous, l'un dans un délai de deux semaines, l'autre dans un délai de trois semaines.

Et la situation n'est pas propre à la capitale. Dans un communiqué publié début août et relayé par Le Progrès.fr, le Planning familial du Rhône fait part de ses inquiétudes : "En ce mois d'août, les Lyonnaises doivent aller se faire avorter ailleurs." Anne-Marie Durand, directrice de la santé publique au sein de l’Agence régionale de santé, interrogée par Rue89 Lyon, tempère : "Quatre femmes ont dû s’adresser à d’autres départements, c’est vrai. C’est toujours quatre de trop, mais cela reste un petit chiffre." Reste que sur les quatre centres pratiquant l'IVG à Lyon, aucun ne fonctionne normalement en août : l'un a fermé ses portes, les trois autres sont en activité réduite, détaille Lyoncapitale.fr

"Une situation inacceptable"

Pour le Mouvement français pour la Planning familial (MFPF), interrogé par FTVi, "ces dysfonctionnements imposent des situations inacceptables aux femmes". Notamment pour celles qui sont proches du délai légal d'avortement : "Comme chaque été, plusieurs femmes n'ont pas pu avorter en France à cause des délais d'attente", explique l'association. "Par exemple, on a dirigé une femme à 13 semaines et 3 jours vers les hôpitaux hollandais parce qu'aucun centre IVG n'avait de place en urgence."

C'est une situation critique, aussi, pour les femmes qui veulent avorter par méthode médicamenteuse, envisageable avant 7 semaines d'aménorrhée (7 semaines à dater du début des dernières règles, ou 5 semaines après la fécondation), 9 dans certains centres. "Ces dernières, face à cette carence de rendez-vous, ne peuvent plus choisir l'IVG médicamenteuse et sont basculées sur une IVG chirurgicale, par aspiration", écrit Rue89 Lyon, qui rappelle que le droit d'avorter, comme celui de choisir sa méthode d'avortement, est inscrit dans la loi

Une course contre la montre

"En août, l'avortement se transforme en véritable course contre la montre", résume une gynécologue de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) contactée par FTVi. "Imaginez : généralement, on apprend que l'on est enceinte à trois ou quatre semaines." Puis il y a le rendez-vous chez son médecin généraliste, une échographie, sept jours de réflexion obligatoire, une seconde consultation dans un centre IVG pour programmer l'intervention, auxquels il faut ajouter les deux, trois semaines voire plus d'attente avant qu'une place se libère.

"C'est trop long", s'indigne Isabelle Louis, du MFPF. "Il faut aussi penser que pour les femmes qui ont pris la décision d’avorter, la poursuite de leur grossesse pendant plusieurs semaines est difficile, insupportable."

"Un centre IVG n'est pas rémunérateur"

Au mois d'août, il y a les congés, moins de médecins, certains centres d’orthogénie ferment, d’autres ralentissent la cadence. L'offre baisse, mais pas la demande. A l'hôpital Bichat, dans le 18e arrondissement parisien, on ajoute que les "besoins sont même parfois plus pressants, parce que les femmes ne veulent pas être 'un boulet' pour leur entourage pendant l'été"

Mais pour Danielle Gaudry, gynécologue-obstétricienne et militante active du Planning familial, la principale raison à ces dysfonctionnements est purement économique : "Les hôpitaux publics manquent de moyens et un centre IVG n’est pas rémunérateur." Et Marion Athiel, membre du conseil d’administration du Planning familial, d'ajouter, dans Rue89 Lyon : "Je ne suis pas sûre que les services maternité ou cardiologie doivent faire face aux mêmes problèmes." Un médecin à l'AP-HP, contacté par FTVi, témoigne que l'été "c'est compliqué dans tous les services. Mais c'est encore plus dur dans les services fragilisés comme l'orthogénie qui fonctionnent déjà à flux tendu le reste du temps."

Sauver la qualité du service

Selon les chiffres du Planning familial, 180 centres ont fermé en Ile-de-France ces dix dernières années alors que le nombre d'avortements n'a pas diminué. "Et la situation continue de s'aggraver sous le coup des restructurations, mutualisation, etc. pour pallier les déficits des hôpitaux", regrette le médecin de l'AP-HP. 

Danielle Gaudry estime qu'une augmentation des tarifs est aujourd'hui nécessaire pour sauver la qualité du service. "Le problème, c'est que l'IVG n'est remboursé qu'à 80%, pas à 100% comme le lot commun des actes médicaux. L'augmentation du prix pèserait sur les femmes et sur le droit pour toutes d'accéder à l'IVG." Pendant la campagne présidentielle, François Hollande avais pris l'engagement (PDF, page 12) de rembourser à 100% l'avortement. 

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