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Pourquoi on n'habitera jamais les planètes "habitables"

Des milliards d'astres similaires à la Terre, situés dans d'autres systèmes solaires, sont "potentiellement" habitables, selon des astronomes. Vraiment ?

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Vue d'artiste d'un système solaire imaginaire. (MGA / SCIENCE PHOTO LIBRARY / AFP)

C'est une première historique. Une équipe internationale d'astronomes a découvert la première exoplanète, autrement dit une planète située en dehors de notre système solaire, d'une taille comparable à la Terre. Cet astre, baptisé Kepler-186f, orbite autour d'une étoile similaire au Soleil. De l'eau à l'état liquide pourrait y exister, ce qui rendrait la vie possible.

Mais n'espérez pas y emménager de sitôt. Francetv info vous dit pourquoi.

1Nous n'avons pas trouvé de planète vraiment habitable

Une récente étude (en anglais), dans laquelle les auteurs ont compilé les données recueillies par la sonde d'exploration Kepler, dénombre des milliards de planètes potentiellement habitables dans notre galaxie – "potentiellement", seulement. Si ces planètes attirent l'attention, c'est qu'elles ont un gabarit similaire à la Terre et se situent dans la zone habitable, c'est-à-dire qu'elles ne sont ni trop proches, ni trop éloignées de leur étoile. Une condition sine qua non.

Ces conditions nécessaires sont réunies par la nouvelle planète découverte. Pour Fred Adams, professeur de physique et d'astronomie à l'université du Michigan, "il s'agit d'un pas important dans la quête pour découvrir une exoplanète identique à la Terre".

Mais cela n'est pas encore suffisant. Pour être habitable, une planète doit rassembler plusieurs critères essentiels : un caractère rocheux, la présence d'une atmosphère, de l'eau à l'état liquide, des mouvements de marées, un air respirable, des températures tolérables pour des organismes vivants et une pression atmosphérique proche de celle que l'on retrouve sur notre planète. Ainsi, Kepler-186f est probablement rocheuse. Mais ce n’est pas garanti.

Reste que le progrès entre cette nouvelle exoplanète et les précédentes est significatif. En avril 2013, des chercheurs avaient découvert deux nouvelles planètes semblables à la nôtre. Il se peut d’ailleurs qu’elles regorgent d’eau, voire qu'il s'agisse de" planètes-océans". Fin octobre, la découverte de l'exoplanète Kepler-78b avait rassuré les astronomes car bien qu'inhabitable, sa composition (roches et fer) est proche de celle de la Terre.

Comparaison de la Terre et de l'exoplanète Kepler 78b, située dans la constellation du Cygne. (DAVID A. AGUILAR / AP / SIPA)

2Nous n'avons (presque) pas de photos des candidates

Pour l'instant, les astronomes ont détecté 3 538 exoplanètes potentielles, dont 833 confirmées. Presque toutes ont été trouvées par observation indirecte, grâce à la méthode du transit planétaire, comme l'explique le site spécialisé Futura-Sciences. Seules 32 ou 33 sont visibles directement, indiquait à francetv info Vincent Boudon, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de la spectroscopie moléculaire.

Autrement dit, il analyse la lumière reflétée par les exoplanètes pour définir la composition de leur atmosphère. "Concrètement, sur les clichés, elles ne font qu'un pixel, concède-t-il. Mais ce qui compte, ce n’est pas l’image : c’est la lumière." L'image de Kepler-186f utilisée dans les médias n'est ainsi qu'un simple dessin.

La situation devrait rapidement évoluer grâce au télescope Darwin (site en anglais), imaginé par l'Agence spatiale européenne. Formé de quatre ou cinq satellites, il est censé avoir la puissance optique d’un télescope de plusieurs centaines de kilomètres de diamètre. Impressionnant, quand on sait que le plus grand téléscope fait aujourd'hui l'équivalent de 11,8 m."C’est un projet assez fou qui relève pour l’instant de la science-fiction. Mais ça arrivera un jour, dit Vincent Boudon. Grâce à Darwin, on sera en mesure d’observer directement la surface des exoplanètes, de voir la végétation, les reliefs, le littoral et les nuages."

3Nous n'avons pas les moyens de nous y rendre

Mais si l'homme découvre une autre planète habitable, il aura bien du mal à y emménager. Car notre technique est loin d'être assez développée pour effectuer des voyages interstellaires, notamment sur des points essentiels comme le stockage et la gestion de l'énergie, la propulsion ou encore l'intelligence artificielle. Marc G. Millis, ancien directeur du Nasa's Breakthrough Propulsion Physics Project, estime sur le site spécialisé arXiv.org (en anglais) que l'homme ne disposera des capacités énergétiques nécessaires qu'aux alentours des années 2 200. 

Voyager 1, le seul objet construit par l'homme ayant franchi les limites de notre système solaire, mettrait plus de 300 000 ans pour parcourir, par exemple, les 36 années-lumière qui séparent la Terre de Gliese 581d, une planète réputée habitable. Rien que pour rendre visite à l'étoile la plus proche, Proxima du Centaure, qui se trouve à 4,2 années-lumière de chez nous, cela lui prendrait environ 80 000 ans. Le voyage pour Kepler-186f est difficilement imaginable : cette planète se trouve dans un système stellaire situé à 490 années-lumière du Soleil. A l'heure actuelle, l'Homme mettrait ainsi 9,3 millions d'années pour y aller. Les exoplanètes sont généralement très éloignées de la Terre, comme le montre cette application disponible sur smartphone.

En outre, pour effectuer des voyages interstellaires, il faudrait se déplacer à une vitesse supérieure à celle de la lumière (300 000 km/s). Impossible, selon la théorie de la relativité d'Albert Einstein, rappelle, dans cet article, Claude Semay, chef du service de physique nucléaire et subnucléaire de l'université de Mons (Belgique). Pour lui, cette performance est à "ranger définitivement dans l'arsenal de la littérature de science-fiction". L'astrophysicien français controversé Jean-Pierre Petit n'est pas de cet avis. Dans un entretien à la radio La Voix de la Russie, il affirme qu'un tel exploit ne relève pas obligatoirement du fantasme.

Mais avant d'envoyer des vols habités, il faudrait commencer par envoyer des sondes dans d'autres systèmes solaires. Sans compter que les conséquences de longs voyages sont encore inconnues, notamment sur la santé et les relations sociales. Par exemple, en 2011, à l'issue de la mission Mars 500 qui simulait un voyage sur la planète rouge, les scientifiques ont observé de la jalousie et des tensions entre les six volontaires. Ils n'étaient pourtant restés enfermés "que" près d'un an et demi.

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