Cet article date de plus de deux ans.

Pourquoi la publication de la première image du trou noir au centre de notre galaxie est historique pour la recherche spatiale

L'équipe de l'Event Horizon Telescope a dévoilé jeudi la première image de Sagitarrius A*, le trou noir supermassif le plus proche de la Terre.

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
La première image du trou noir Sagittarius A*, révélée le 12 mai 2022, par l'Event Horizon Telescope et l'Observatoire européen austral. (COLLABORATION EHT)

Il s'appelle Sagittarius A* (ou Sgr A*). C'est le trou noir supermassif qui se trouve au centre de la Voie lactée, et il a désormais un visage. Trois ans après l'exploit de la première image d'un trou noir, l'équipe de l'Event Horizon Telescope a dévoilé, jeudi 12 mai, la première image du trou noir de notre galaxie.

Pour rappel, un trou noir est un objet céleste qui possède une masse extrêmement importante dans un volume très petit. Ni la matière ni la lumière ne peuvent s'en échapper. Franceinfo vous explique pourquoi cette publication est importante pour l'histoire de l'astrophysique.

Parce que c'est une première (hautement symbolique)

Cette image était attendue depuis des années, des décennies. Sagittarius A*, 4 millions de masses solaires, est le trou noir le plus proche de la Terre, à 27 000 années-lumière de nous. Détecté pour la première fois en 1933, il n'avait jamais été encore observé alors que les scientifiques avaient détecté la présence d'un objet particulier au centre de notre galaxie. C'est désormais chose faite, comme le montre cette vidéo de l'Observatoire européen austral (ESO), qui permet de voyager des radiotéléscopes terriens jusqu'à Sgr A*.

"C'est symbolique, le centre de notre berceau", estime auprès de franceinfo Eric Lagadec, astrophysicien à l'Observatoire de la Côte d'Azur. "Nous avons deux berceaux : le système solaire et la Voie lactée", insiste le président de la Société française d'astronomie et d'astrophysique. Marie-Anne Bizouard, chercheuse du CNRS au laboratoire Artemis, partage le même sentiment, soulignant que "toute l'astronomie est une histoire d'images".

"C'est toujours émouvant ce genre d'annonce. Mais là, c'est particulier, c'est une image de notre trou noir."

Marie-Anne Bizouard, chercheuse du CNRS

à franceinfo

Parce que c'est une prouesse technique

Obtenir une image du trou noir M87, révélée en 2019, était prodigieux. Mais pour cet objet qui se trouve à 50 millions d'années-lumière de la Terre et qui fait 6 milliards de masses solaires, les difficultés étaient moins importantes que pour Sagittarius A*, plus proche de nous mais bien moins massif, comme l'illustre cette vidéo.

Produire une image de notre trou noir s'avère être une performance magistrale : cela revient à observer un donut à la surface de la Lune depuis la Terre, selon les astrophysiciens de l'ESO. Pour le dire autrement, comme ils l'ont expliqué en faisant un clin d'œil malicieux à la ville allemande de Munich, où se tenait la conférence de presse : la prouesse revient à observer, depuis New York, quelqu'un qui boit une bière sur une terrasse de la ville bavaroise, en voyant non seulement la personne en train de porter le verre à sa bouche, mais également en distinguant les bulles à l'intérieur de celui-ci.

L'autre difficulté réside dans la vitesse de rotation des étoiles et de la matière autour de notre trou noir, relève Eric Lagadec : "Comme Sagittarius A* est plus petit que M87, la matière tourne plus vite autour, et cela crée des variations."

"Si vous tentez de prendre une photo de quelque chose qui bouge lorsqu'il fait un peu nuit, vous aurez une image floue. C'est très difficile de faire une image nette de quelque chose de varié."

Eric Lagadec, président de la Société française d'astronomie et d'astrophysique

à franceinfo

Cette image historique est le fruit d'une collaboration internationale baptisée Event Horizon Telescope (EHT). Elle regroupe une dizaine de radiotélescopes et d'observatoires répartis autour du globe, de l'Europe jusqu'au pôle Sud, en passant par le Chili et Hawaï. "Plus de 300 chercheuses et chercheurs du monde entier ont travaillé sur ce projet", relève Eric Lagadec, tandis que Marie-Anne Bizouard salue le résultat important "d'efforts sur le long terme".

Parce que les observations vont s'accumuler et s'affiner

Le constat peut sembler trivial mais nous ne disposons plus d'une seule image de trou noir mais de deux. Il est désormais possible de faire une comparaison, d'observer des similitudes et des différences. Globalement, pour M87 et Sagittarius A*, "les deux ont la même forme, on peut commencer à se dire que c'est peut-être quelque chose d'assez standard", commente Eric Lagadec.

 

Surtout, les astrophysiciens ont déclaré en conférence de presse que d'autres trous noirs étaient en cours d'observation, sans davantage de détail. "Sur chaque trou noir qui est suivi, il va y avoir une amélioration des connaissances, remarque Marie-Anne Bizouard. Pour chacun des trous noirs, on peut accumuler des précisions, des statistiques, mais on peut aussi peut-être découvrir de nouvelles choses uniques et spécifiques." En tout état de cause, l'équipe de l'Event Horizon Telescope a fait cette promesse : "Le meilleur est à venir".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.