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Grève historique au CNES : "Des projets spatiaux s'arrêtent faute de financement"

Les salariés du Centre national d'études spatiales de Toulouse contestent un manque de moyens. Et ils redoutent que les futurs contrat d'objectifs et de performances (COP) profitent davantage aux start-up et aux industriels qu'au secteur public.

Article rédigé par Hugo Charpentier
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Des ingénieurs du Cnes et le téléscope Eclairs à Toulouse, en mars 2022 (illustration). (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

De mémoire d'ingénieur du CNES, Julien n'avait jamais connu une telle mobilisation. C'est un conflit social sans précédent que traverse en ce moment le Centre national d'études spatiales. À Toulouse, plusieurs centaines de salariés se sont ainsi mis en grève jeudi 14 avril. Une mobilisation massive (et rarissime) à l'appel d'une intersyndicale, qui concerne également les centres à Paris et à Kourou en Guyane. Ingénieurs, techniciens et personnels administratifs dénoncent le nouveau contrat d'objectifs qui vient d'être officialisé par le gouvernement. Avec à la clé, selon eux, l'abandon d'une partie de la recherche spatiale au secteur privé.

Environ 600 salariés qui cessent le travail, cela représente plus d'un tiers des effectifs du site. "C'est sûr que moi, ça fait un certain nombre d'années que je suis au CNES maintenant et je n'ai jamais vu ça, confie Julien. Ça montre que le personnel du CNES en a vraiment marre, que quelque part, des gouttes d'eau ont vraiment fait déborder les vases." À commencer par des augmentations de salaires qui ne compensent pas l'inflation, mais aussi et surtout par la signature du nouveau contrat d'objectifs et de performance pensé par le gouvernement pour définir les quatre prochaines années.

Damien Desroches est ingénieur délégué CGT et très mécontent du contenu de ce contrat. "La ligne globale dont on entend parler beaucoup, c'est la subsidiarité. Ça veut dire qu'en gros, le CNES ne doit plus faire, ne doit plus réaliser, et doit déléguer au maximum à l'industrie. Nous faire devenir une simple agence de financement, c'est-à-dire que notre rôle serait de donner de l'argent aux industriels sans aucun contrôle." Avec notamment la consigne donnée au CNES d'investir 1,5 milliard d'euros dans le secteur privé et les start-up.

"Elon Musk est arrivé avec ses milliards, là c'est l'inverse"

"L'exemple classique, poursuit Damien Desroches, c'est Elon Musk. On veut créer les nouveaux Space X, etc. Elon Musk, il est arrivé avec ses milliards de la vente de PayPal. Il a dit : je mets tant d'argent dans le spatial et je vais faire les nouveaux lanceurs de demain. Là, c'est le contraire. C'est de l'argent public. On arrive avec notre argent, on le donne avec un blanc-seing, à des gens dont on sait qu'ils n'ont pas actuellement les compétences techniques pour le faire. Et on leur dit : faites avec ça et puis on se revoit dans cinq ans. Et puis, si dans cinq ans, la start-up a coulé, elle a coulé. Et l'argent public, il aura été dépensé."

De l'argent public qui finit par manquer aux chercheurs du CNES et qui provoque déjà l'arrêt de certains projets. "La conséquence, c'est qu'il y a des projets spatiaux qui s'arrêtent, faute de financements. On a même des projets en partenariat avec d'autres pays et des coopérations qui se sont arrêtées. Il y avait un projet qui devait mesurer la salinité des océans, Smos-Next, la suite d'une mission précédente. Et ça a été stoppé avec des motifs qui, en grande partie, sont financiers."

Pour faire entendre leur colère et leur désaccord, les salariés du CNES se disent prêts à durcir le mouvement et à se mettre à nouveau en grève.

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