Espace : la mission Dart "est une première étape dont le succès est incroyable", salue le directeur de recherche au CNRS
Le vaisseau américain Dart a été envoyé le 28 septembre sur l'astéroïde Dimorphos pour le faire dévier de sa trajectoire. Il a réussi sa mission.
"Dart est une première étape dont le succès est incroyable", se félicite mercredi 12 octobre sur franceinfo Patrick Michel, directeur de recherche au CNRS, à l'Observatoire de la Côte d'Azur, responsable scientifique de la mission Hera de l'Agence spatiale européenne. Un peu plus de deux semaines après la mission Dart de la Nasa qui a permis - fin septembre - de dévier l'astéroïde Dimorphos de sa trajectoire.
Le scientifique revient sur les premiers apprentissages que l'on peut en tirer et sur les prochaines étapes. "On a Hera qui va arriver pour compléter [...] pour nous donner le résultat de l'impact [...] Sans ces informations, on a du mal à interpréter pourquoi est-ce qu'on a autant dévié", explique-t-il avant d'ajouter : "On a déjà sauté des étapes [mais] on est encore dans une phase d'apprentissage."
franceinfo : On savait que la mission avait réussi mais qu'a-t-on appris avec les données collectées ces deux dernières semaines ?
Patrick Michel : C'est absolument extraordinaire. Grâce à cette mission Dart on a démontré qu'on était capable de taper sur un objet à 11 millions de kilomètres de nous, en ne connaissant au départ que la taille de l'objet et en découvrant une heure avant l'impact – de façon autonome pour la sonde – la forme en arrivant à taper dedans. La deuxième chose, c'est qu'on a effectivement réussi à davantage dévier la trajectoire que ce qu'on avait prévu grâce à une campagne d'observation coordonnée à l'échelle internationale depuis la Terre : on a une trentaine de télescopes qui couvrent à peu près tous les continents et qui se sont organisés pour pouvoir faire cette mesure et ça je trouve que c'est extraordinaire.
De quelle façon l'Europe et la France ont-elles participé à cette mission ?
La France a participé parce que nous sommes plusieurs à être membres de l'équipe Dart. Il faut savoir que ce projet Dart et Hera est né d'abord en Europe dans les années 2000, puis d'une conversation entre moi-même et un collègue américain qui avons proposé à l'ESA (Agence spatiale européenne) et la Nasa de faire une mission de déviation ensemble. La France a donc été impliquée dès le départ dans cette mission et également sur le volet observation au sol puisqu'on a un télescope dans l'Antarctique qui s'appelle Astep – qui appartient à l'Observatoire de la Côte d'Azur – et d'autres instruments qui ont contribué à mesurer ce changement de trajectoire de Dimorphos.
Quelle perspective ça nous ouvre ?
On a bien commencé cette feuille de route qui doit nous conduire à avoir un plan valide qu'on pourra offrir aux futures générations pour faire face à ce risque le jour où il se concrétisera, de telle sorte qu'elle n'ait pas à improviser ce jour-là parce qu'il y a plusieurs étapes à franchir : il faut d'abord pouvoir prédire la menace, la prévenir et il faut pouvoir se coordonner de façon internationale aussi bien au niveau politique que légal. À l'ONU, nous avons des groupes de travail qui essaient d'avoir une organisation coordonnée de ce niveau-là. Dart est donc une première étape dont le succès est incroyable, c'est génial, et on a Hera qui va arriver pour compléter. Sans cette mission qui va venir dans quatre ans pour nous donner le résultat de l'impact : quelle a été la taille du cratère ? Quelle est la quantité de déviation qu'on a produite ? Quelle est la structure interne de cet objet ? etc. Sans ces informations, on a du mal à interpréter pourquoi est-ce qu'on a autant dévié.
Est-ce qu'il y aura d'autres missions de ce genre pour affiner ?
Là on sait que cette technique semble bien fonctionner et on va pouvoir quantifier tout ça avec Hera mais on est encore dans une phase d'apprentissage. On pensait que c'était des petits rochers ennuyeux dans l'espace et en fait les missions vers les astéroïdes nous ont révélé des petits mondes d'une complexité géologique extraordinaire. Le but est à un moment donné de ne plus être surpris et savoir à quoi on a affaire. C'était donc une première étape et on a d'autres missions qui vont aller voir des objets qui croisent la trajectoire de la Terre sans les dévier pour l'instant pour en apprendre encore plus sur leur diversité. Mais c'est un premier pas et dès le premier test on a réussi à faire une chose au-delà de nos espérances. On a donc déjà sauté des étapes. Aujourd'hui, en tout cas, de tous les objets que l'on connaît il n'y en a aucun qui nous menace sur au moins un siècle. A savoir aussi que tout cela permet de développer des technologies et d'apprendre scientifiquement sur les restes des briques qui ont formé nos planètes que constituent ces astéroïdes.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.