Ce que peut nous apprendre la sonde Parker Solar Probe, qui a "touché le Soleil" pour la première fois
La Nasa, l'agence spatiale américaine, a annoncé, mardi, que cet appareil avait approché notre étoile comme jamais un engin de conception humaine ne l'avait fait.
Nous avons "touché le Soleil". La Nasa a fait cette annonce, mardi 14 décembre, rapportant que la sonde solaire Parker (Parker Solar Probe, en anglais) s'était approchée de notre étoile de façon inédite. A la vitesse de 500 000 km/h, l'engin lancé en août 2018 a atteint la couronne solaire, arrivant à 15 millions de kilomètres de la surface du Soleil. Elle a franchi une bordure symbolique appelée la frontière d'Alfvén. Autrement dit, Parker Solar Probe est entrée dans le voisinage direct de notre étoile. Il s'agit d'une prouesse historique puisque jamais un objet conçu par l'homme ne s'était approché aussi près.
En réalité, la sonde a battu son propre record d'octobre 2018 lorsqu'elle s'était approchée à 42,73 millions de kilomètres du soleil. Et ce n'est pas fini : la sonde ne cesse de s'approcher de notre étoile (elle se trouve maintenant à 13 millions de kilomètres d'elle). Franceinfo résume ce que Parker Solar Probe pourrait dévoiler aux Terriens.
Les mécanismes de l'étonnant réchauffement de la couronne solaire
C'est une énigme qui intrigue les astrophysiciens depuis des décennies : pourquoi la température aux abords du Soleil est-elle largement supérieure à celle de sa surface ? Normalement, la température devrait se dissiper en s'éloignant de notre étoile, mais ce n'est pas ce qui est observé. En effet, la température à la surface du Soleil s'élève à 5 500°C alors qu'elle atteint 1 million de °C dans sa couronne, la partie la plus externe de son atmosphère. Cette couronne est visible lors des éclipses solaires, comme le montre cette photo où elle apparaît dans un dégradé allant du blanc au gris.
Les scientifiques s'accordent, pour l'instant, à dire que la couronne solaire se réchauffe par elle-même et que différents mécanismes sont en jeu. Parker Solar Probe est encore trop éloignée pour récolter des données permettant d'identifier ceux réellement à l'œuvre. "Nous ne sommes pas encore arrivés dans la zone où le chauffage se produit", précise à franceinfo Thierry Dudok de Wit, chercheur au Laboratoire de physique et chimie de l'environnement et de l'espace d'Orléans (Loiret), directement impliqué dans la mission Parker Solar Probe.
Les scientifiques en sauront davantage lorsque la sonde sera au plus près du Soleil, en 2025, à environ 7 millions de kilomètres de sa surface. Prudent, Thierry Dudok de Wit estime que les conclusions n'arriveront pas avant "plusieurs années".
La dynamique des éruptions solaires
Notre étoile génère un vent solaire. Ce flot de particules, très faible, "est un plasma, c'est-à-dire un gaz constitué principalement d'électrons et de protons mais également d'ions", explique l'Observatoire de Paris. Mais le Soleil connaît aussi des soubresauts. Il rejette alors d'importantes quantités de matières. On parle d'éjections de masse coronale (EMC), plus communément appelées éruptions solaires. Notre étoile expulse alors des particules bien plus énergétiques et à très haute vitesse.
Lorsque ces expulsions de particules parviennent jusqu'à la Terre, elles donnent lieu à des aurores boréales (ou australes, selon l'hémisphère dans lequel se trouve l'observateur). Si les éruptions sont plus violentes, on parle de tempêtes solaires. "Les éruptions sont souvent petites, cependant il arrive qu'il y en ait des grosses", a précisé sur France 3 Centre Val-de-Loire Thierry Dudok de Wit. Elles peuvent alors perturber le fonctionnement des appareils électriques et électroniques sur Terre, affectant notamment nos installations GPS et nos moyens de communication via la radio, internet ou nos portables.
Ces phénomènes sont pris au sérieux par la communauté scientifique et internationale en raison de notre utilisation croissante de ces technologies. "Les vols transpolaires perdent parfois tout contact avec le sol pendant ces éruptions", a illustré Thierry Dudok de Wit. Les tempêtes solaires les plus fortes pourraient avoir des conséquences dramatiques. Celle du 23 juillet 2012, extraordinairement puissante, aurait pu "renvoyer la civilisation contemporaine au XVIIIe siècle" si elle s'était produite une semaine plus tôt, avait affirmé la Nasa en 2014.
Comprendre la dynamique des vents de notre étoile, réaliser une météo solaire anticipant la fréquence et l'intensité des éruptions, se révèle donc capital. Et les observations de Parker Solar Probe s'avèrent aussi décisives que nécessaires car les premiers résultats, publiés en 2019, avaient déjà apporté d'importants éléments, à rebours des hypothèses les plus consensuelles.
"Les spécialistes imaginaient tous le vent solaire comme un fluide s'échappant de manière relativement tranquille et uniforme, dans tous les sens. Mais nous avons constaté que c'est tout sauf cela."
Thierry Dudok de Wità franceinfo
"Les éléments qui constituent le vent solaire devraient avoir un comportement bien précis en termes de déplacement et de vitesse. Or nous constatons près du Soleil qu'il très différent de ce que nous observons à proximité de la Terre", précise Thierry Dudok de Wit. "C'est tout l'intérêt d'avoir un instrument sur place", insiste-t-il, et de passer dans la couronne, "zone qui marque la différence entre le moment où le vent est vraiment connecté au Soleil et celui où le vent s'échappe de manière libre".
De précieuses informations sur les étoiles
Si les observations de Parker Solar Probe ne concernent que notre Soleil, elles peuvent aussi aider à mieux comprendre les autres étoiles, souligne enfin Thierry Dudok de Wit.
"Les chercheurs ont observé une vitesse de rotation plus importante que prévu de la couronne autour du Soleil, ce qui pourrait avoir une incidence sur notre compréhension plus générale de la rotation des étoiles", a expliqué le CNRS, en 2019, après la publication des premiers résultats. Or l'étude de la rotation des étoiles est déterminante pour calculer leur âge, comme le rappelait, en avril, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).
"C'est intéressant parce que nous ne cherchons pas seulement à voir les choses par la lorgnette qui nous intéresse, mais de tirer des conclusions qui vont bien au-delà de notre domaine", conclut Thierry Dudok de Wit.
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