Un protocole d'accord va permettre la généralisation des primes à performance pour les médecins
Signé entre l'assurance maladie et les syndicats de médecins libéraux dans la nuit de mercredi à jeudi, il va également jeter les bases d'un nouveau secteur tarifaire devant encadrer les dépassements d'honoraires de certains spécialistes.
Sa mise en oeuvre dépend maintenant de l'accord des complémentaires santé (mutuelles, assurances privées).
Après des mois de négociations, et une séance finale de plus de 18h au siège de l'assurance maladie à Paris, la CSMF, le SML et MG France, trois des cinq syndicats présents, ont signé ce protocole avec l'assurance maladie.
S'il doit régir pour cinq ans les relations entre la Sécurité sociale et les médecins, il faudra encore que les instances de ces syndicats valident ces signatures pour lancer la nouvelle convention médicale.
"La fin d'une certaine médecine libérale"
La généralisation d'une prime à la performance pour les médecins libéraux signifie "la fin d'une certaine médecine libérale", a estimé jeudi l'économiste de la santé Claude Le Pen. "On rentre dans une pratique codifiée, organisée, évaluée et orientée vers des résultats.
C'est la fin d'une certaine médecine libérale", a expliqué à l'AFP M. Le Pen, professeur à l'université Paris-Dauphine.
"Dans l'essence de la médecine libérale, les médecins sont libres: libres de prescrire ce qu'ils veulent, de s'installer où ils veulent, ils sont payés directement par les patients et n'ont de compte à rendre qu'aux patients", a-t-il poursuivi.
"Aujourd'hui, il y a une tutelle administrative et il n'est plus libre de ses prescriptions. Il faut qu'il obéisse à certains nombre d'éléments (prescriptions de génériques, examens à date périodique...) et il est évalué de manière objective sur la base d'indicateurs", a-t-il ajouté.
"C'est une évolution doctrinale relativement importante qui nous éloigne un petit peu de notre modèle de sécu traditionnel et qui nous rapproche d'un modèle de sécu à l'anglaise", a-t-il estimé.
Généralisation des primes à la performance
Les primes à la performance pourront atteindre plus de 9.000 euros pour les généralistes qui atteindront l'ensemble des objectifs fixés, en termes de prévention, de prescription ou encore d'informatisation de leur cabinet. L'assurance maladie espère ainsi améliorer la rémunération des médecins vertueux et les pratiques médicales.
Une liste d'une trentaine d'objectifs a été établie. Pour engranger des points, un médecin devra, par exemple, atteindre un taux défini de patientes de 50 à 74 ans participant au dépistage du cancer du sein, prescrire une proportion donnée de génériques ou encore transmettre suffisamment de feuilles de soins électroniques.
Pour limiter les dépassements d'honoraires
Les bases d'un nouveau secteur tarifaire, le "secteur optionnel", à mi-chemin entre les actuels secteurs 1 (médecins pratiquant les tarifs Sécu) et 2 (honoraires libres) ont aussi été jetées.
Réservé aux médecins de "plateaux techniques lourds" (chirurgiens, anesthésistes, gynécologues-obstétriciens) actuellement en secteur 2 (sauf exceptions), il vise à mieux encadrer les importants dépassements d'honoraires pratiqués dans ces spécialités.
Les médecins qui choisiraient le "secteur optionnel" s'engageraient à plafonner leurs dépassements, dans une limite de 50% au-dessus du tarif opposable qui sert de base de remboursement à la Sécu et à réaliser un minimum de 30% d'actes sans dépassements. En contrepartie, ils bénéficieraient d'une prise en charge partielle de leurs cotisations sociales.
Les complémentaires santé s'engageraient à prendre en charge ces dépassements encadrés. Mais elles n'ont pas paraphé le protocole d'accord, demandant d'abord des engagements de la part des pouvoirs publics. La mise en place du secteur optionnel est donc encore au conditionnel.
Le protocole d'accord comprend par ailleurs de nouvelles mesures pour inciter les médecins à exercer dans les "déserts médicaux" et la création de nouveaux types de consultations, notamment pour les patients atteints de la maladie d'Alzheimer.
Une aide à l'investissement de 5.000 euros par an est notamment proposée par l'assurance maladie pour les médecins exerçant dans un cabinet de groupe d'une zone sous-dotée, ne pratiquant pas de dépassements d'honoraires. Des aides à l'activité pouvant atteindre 20.000 euros par an sont aussi prévues.
Les médecins des zones surdotées seraient également incités à aller prêter main forte ponctuellement à leurs collègues des zones sous-dotées voisines avec une rémunération revalorisée de 10% pour cette activité (dans la limite de 20.000 euros).
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