Les passages inutiles aux urgences ne sont pas si nombreux
Les urgences trop sollicitées de façon inappropriée ? Les passages inutiles aux urgences sont couramment accusés d'être responsables de l'engorgement de ces services, mais une étude française tend à remettre en cause cette idée simplificatrice.
L'étude, parue le 30 octobre dans la revue British Medical Journal Quality & Safety, a porté sur un échantillon de 29.407 patients adultes en France. D'après ses résultats, le recours "inapproprié" aux urgences est souvent associé à des critères de vulnérabilité sociale.
Seulement 6% de passages inappropriés
Le Dr Youri Yordanov, urgentiste (hôpital Saint-Antoine, Paris AP-HP) a coordonné les travaux conduits avec l'aide de la Société française de médecine d'urgence (SFMU), de l'Inserm et de la faculté de médecine Sorbonne Université.
D'après les publications internationales, les passages "inappropriés" aux urgences représenteraient dans tous les pays entre 20% et 40% de l'ensemble des consultations, selon la manière dont est défini ce qualificatif. Ce chiffre ne serait en réalité que de 6% en France, selon cette étude.
Trois critères pour mesurer l’utilité du passage aux urgences
Comment les chercheurs ont-ils calculé ce chiffre ? Trois mesures ont été utilisées et comparées pour tenter de définir le caractère approprié de la visite aux urgences. Deux mesures subjectives où on demandait à l'urgentiste, premièrement d'apprécier le degré d'adéquation du recours, sur une échelle allant de 0 à 10, puis de dire si la demande de soins aurait pu être prise en charge par un médecin généraliste le jour même ou le lendemain.
Le troisième critère portait sur l'utilisation des ressources du service au cours du passage aux urgences : par exemple un patient vu par un médecin, avec une prise de sang et/ou un examen radiologique et un traitement correspond a priori à un passage justifié.
Ainsi, sur l'échantillon des 29.407 adultes, les passages inappropriés aux urgences représentaient "seulement 6% des passages" quand on prenait en compte les trois critères.
Absence de sécurité sociale ou de médecin généraliste
Au niveau individuel, la probabilité de visite inadéquate diminue avec l'âge des patients et avec un domicile loin des urgences. Elle était en revanche plus importante en l'absence de sécurité sociale et d'assurance ou mutuelle complémentaire. Près de 10% des patients déclaraient être venus aux urgences faute de médecin généraliste disponible en ville.
L'étude ne met pas en évidence de lien avec la densité médicale départementale. Mais l'hétérogénéité des densités médicales au sein d'un même département pourrait expliquer l'absence de lien trouvé.
"On passe notre temps à culpabiliser les patients. L'étude met en cause le concept de visites inappropriées qui est couramment avancé pour expliquer la surcharge des urgences, alors que l'on a affaire souvent à des patients vulnérables sur le plan socio-économique et qui n'ont pas d'autre choix", dit à l'AFP le Dr Yordanov.
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