Sida : les trois conditions pour que l'épidémie s'arrête d'ici à 2030
L'année 2013 marque le plus fort recul du nombre de décès dus au sida dans le monde depuis 2005, pic de l'épidémie. Ce qui fait espérer au directeur d'Onusida "la fin de l'épidémie d'ici à 2030".
"Mettre fin à l'épidémie d'ici à 2030, c'est possible." Les mots de Michel Sidibé, directeur exécutif d'Onusida, lancent non seulement un objectif pour les différents acteurs de la lutte contre le virus, mais aussi un immense espoir.
Mais que veut précisément dire mettre fin à l'épidémie ? "On ne parle évidemment pas de ne plus du tout avoir de sida. Il y aura toujours des porteurs du virus", explique Christian Andreo, directeur de la communication de l'association Aides. Techniquement, vaincre l'épidémie signifie "réduire drastiquement à la fois le nombre de décès et le nombre de nouvelles contaminations". Pour cela, il est primordial d'améliorer le dépistage chez les populations à risques. Francetv info analyse l’état d’avancement de ces trois chantiers.
1Faire reculer le nombre de décès dus au sida : en bonne voie
La machine est en marche : 1,5 million de personnes sont mortes à cause du virus en 2013, contre 1,7 l'année précédente. Par rapport à 2005 - année du pic de l'épidémie - les chiffres montrent une diminution de 35 %.
Une avancée spectaculaire qui s'explique par une meilleure prise en charge des porteurs du VIH. "Sur les deux dernières années, on a assisté à une augmentation très rapide de la couverture des personnes contaminées qui ont été mises sous traitement, explique Michel Sidibé à Libération (pour abonnés). Plus de 50 % de hausse, soit 5,6 millions de personnes en plus."
Selon les projections de l'ONU, 14 millions de personnes devraient être mises sous antirétroviraux d'ici la fin de l'année. Soit 38% des 35 millions de contaminés. Le but étant de dépasser les 50% en 2015.
S'ils ne permettent malheureusement pas de vaincre le virus, les antirétroviraux empêchent la prolifération dans l'organisme. En Afrique subsaharienne, près de 90 % des personnes testées positives ont accès à des antirétroviraux d'après un rapport d'Onusida (PDF en anglais). Et les études montrent que chez 76 % des malades traités, la charge virale est devenue presque indétectable. Ainsi, le virus se transmet moins facilement.
2Limiter le nombre de contaminations au VIH : en cours
Si le nombre de nouvelles contaminations continue de baisser - 2,1 millions en 2013 contre 2,2 en 2012 - il reste très important. "Le point positif, c'est qu'on arrive à peser sur l'épidémie. Cela veut dire que nos efforts fonctionnent. Mais il ne faut pas crier victoire. Réduire les contaminations est un objectif très difficile à atteindre, mais primordial pour éradiquer l'épidémie", prévient Christian Andreo.
Les nouvelles contaminations restent assez ciblées géographiquement. D'après le rapport de l'ONU, les trois quarts des nouveaux cas survenus en 2013 concernent seulement 15 pays : l'Afrique du Sud, le Brésil, le Cameroun, la Chine, les Etats-Unis, la Russie, l'Inde, l'Indonésie, le Kenya, le Mozambique, le Nigeria, la Tanzanie, l'Ouganda, la Zambie et le Zimbabwe.
Dans les principaux foyers africains et asiatiques, le nombre de contaminations diminuent d'année en année (-6% depuis 2005), ce qui pousse tout de même à l'optimisme. Ce n'est pas le cas pour les pays occidentaux, où les infections ont progressé de 8 % en Amérique du Nord, ainsi qu'en Europe occidentale et centrale. "On a tendance à croire que l'épidémie est stabilisée en Europe de l'Ouest, mais c'est une erreur, tempère Christian Andreo. Certains groupes restent très exposés : c'est le cas des homosexuels masculins pour qui l'épidémie est toujours très dynamique. Limiter les contaminations chez ces populations est un défi qu'il va falloir relever pour éradiquer le virus".
3 Améliorer le dépistage, surtout dans les populations à risques : encore très limité
Dans Libération, Michel Sidibé pose l'objectif : "Si on arrive à produire un dépistage de routine et si 90 % des personnes séropositives sont traitées, alors la chaîne de contamination est brisée." Une telle politique permettrait, d'ici à 2020, d'empêcher 12 millions de nouvelles infections, et 9 millions de décès, selon le directeur d'Onusida.
"Le plus gros challenge est de réussir à inverser les tendances dans certaines régions du monde où le dépistage n'est pas du tout institué, voire tabou, commente Christian Andreo. On est assez inquiets quand on voit des Etats adopter des lois qui pénalisent l'homosexualité. Elles maintiennent les personnes les plus vulnérables au VIH dans la clandestinité."
C'est par exemple le cas du Nigeria - pays le plus touché par l'épidémie avec l'Afrique du Sud -, qui a entériné en janvier dernier une loi anti-homosexuels. Elle prévoit une peine de dix ans de prison pour les personnes de même sexe affichant publiquement leur relation. Cette loi "a installé un climat de peur", affirme Olumide Femi Makanjuola, à la tête de l'association nigériane Initiative for Human Rights. "Même quand des services sont disponibles, les gens ont peur de demander de l'aide", de crainte d'être stigmatisés comme homosexuels et d'être arrêtés, explique-t-il.
Autre situation de crise : la Russie. Avec près d'un million de personnes infectées par le VIH en 2012 d'après les projections de la CIA (en anglais), le pays se place au douzième rang mondial. "L'épidémie est très liée à l'usage de drogue par injections, commente le directeur de la communication de Aides. Mais la répression en la matière est énorme et bloque tout effort. Aucune disposition n'est mise en place pour garantir l'accès à des dépistages aux toxicomanes. La situation est explosive."
Parce que l'épidémie est mondiale et que les personnes circulent, tous les spécialistes s'accordent à dire que les moyens de lutte doivent être internationalisés, à l'instar de Christian Andreo : "On ne peut pas imaginer qu'on éradiquera le sida en gardant certaines poches d'épidémie sur la planète."
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