Sida : "Un cas exceptionnel, les malades doivent poursuivre leur traitement"
Cela reste encore une énigme pour la recherche sur le sida. Douze ans après avoir arrêté son traitement antirétroviral, une jeune fille de 18 ans infectée par le virus du sida à sa naissance est en rémission. Le virus n'est plus détectable dans son sang.
Jean-François Delfraissy, directeur de l'Agence Nationale de recherche sur le Sida répond aux questions de Bruno Rougier, spécialiste santé de France Info.
Pourquoi les parents ont-ils arrêté le traitement ?
C’est une jeune fille qui a été contaminé au moment de la grossesse et de l’accouchement. Les pédiatres commencent tout de suite une quadrithérapie puis une trithérapie de combinaison d’antirétroviraux. On se situe dans la période 2003-2004. Une période où les traitements n’étaient pas faciles à prendre, pas adapté pour les formes pédiatriques , et beaucoup de familles, poussées par les enfants, prenaient à un moment la décision d’arrêter le traitement. C’est ce qui se produit dans cette famille, le traitement est arrêté à 5-6 ans. Et le pédiatre s’aperçoit qu’alors qu’elle n’a plus de traitement, il ne trouve pas de virus, la charge virale est indétectable dans le sang. Ce qui en soit n’est pas normal, puisque quand on arrête le traitement, la charge virale repart immédiatement.
Donc cette enfant va bien, elle n’a pas de déficit immunitaire et elle n’a pas de virus qui circule apparemment dans son sang. Les pédiatres décident de ne pas la traiter et de la suivre tous les trois mois, puis tous les 4 mois. Et ils s’aperçoivent que la charge virale demeure indétectable.
Maintenant on a un recul de plus de 12 ans après l’arrêt de traitement. La jeune fille va bien, elle est scolarisée. Elle n’a pas de virus circulant dans son sang avec les techniques les plus sensibles, par contre elle a du virus dans ses cellules en toute petite quantité, et quand on prend ses cellules et qu’on les stimule de façon très forte, on arrive à faire sortir le virus.
Est-elle en rémission ?
Elle a un système immunitaire qui a trouvé les moyens de contrôler son virus et d’éviter la multiplication. Cette rémission ne doit toutefois pas être assimilée à une guérison mais c'est un cas exceptionnel. C'est le premier cas mondial avec une durée aussi longue: douze ans de rémission dans ce modèle de transmission de la mère à l’enfant.
Quelles conséquences pour la recherche ?
Le cas de cette jeune fille peut nous apprendre pourquoi elle contrôle ? Est-ce qu’elle a un virus particulier ? La réponse est non. Est-ce qu’elle a des facteurs génétiques qui permettraient d’expliquer qu’elle ait une réponse immune très forte, c’est-à-dire que son système immunitaire soit capable de se défendre ? La réponse est non. Et puis enfin, est ce qu’elle a une réponse immunitaire particulière bien adaptée pour contrôler le virus?
C’est**** probablement là qu’est la solution. On sait qu’elle a un profil de réponse immunitaire avec une réponse immunitaire très vigoureuse et qui fait appel à ce qu’on appelle l’immunité innée, c’est-à-dire l’immunité qu’on a tous pour nous défendre, être en première ligne contre les agents infectieux, contre les cellules cancéreuses, qui fait le nettoyage des agressions extérieures. Et elle a une immunité innée qui est particulièrement importante.
Si on trouve un ou des mécanismes qui permettent d’expliquer ce contrôle, c’est ce qu’on attend d’un vaccin. Ce serait l’idéal si on avait un traitement qui au lieu de bloquer la multiplication du virus arrive à induire ce phénomène de contrôle.
Est-ce lié au traitement reçu dès sa naissance ?
On ne fait pas l’histoire avec un cas ! L’immense majorité des patients a besoin de ce traitement antirétroviral pour être contrôlé. On est là dans l’exceptionnel qui nous passionne, car s’il y a de l’exceptionnel, il y a un mécanisme qu’on peut mettre en évidence mais ça ne répond pas au problème de santé publique.
Vous êtes séropositif, vous devez être traité le plus vite possible et poursuivre votre traitement. Tant que nous n’aurons pas compris le mécanisme en cause, en particulier avec cette jeune fille, nous ne prendrons pas la décision d’arrêter le traitement.
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