L'enquête de Santé publique France sur la santé mentale des enfants "vient combler un vide", selon une pédiatre
L'idée est de mesurer l'impact du Covid sur la santé mentale des enfants, car la crise sanitaire a révélé un vrai mal-être des enfants et adolescents, "avec des idées noires, des idées suicidaires".
La large enquête lancée lundi 2 mai par Santé publique France sur la santé mentale des enfants "vient combler un vide", estime sur franceinfo la professeure Christèle Gras-Le Guen, secrétaire générale de la Société française de pédiatrie et membre du comité scientifique de cette enquête, nommée Enabee (enquête nationale sur le bien-être des enfants).
Concrètement, 30 000 enfants seront interrogés. Des enquêteurs vont se déplacer dans les écoles, de la petite section au CM2. Ils vont distribuer des questionnaires aux enfants, aux enseignants et aux parents, pour avoir une idée "globale" de la santé mentale des enfants. Ce ne seront pas des diagnostics, puisque les formulaires seront anonymisés.
L'impact du Covid sur la santé mentale des enfants
Cette méthode est inédite, explique Christèle Gras-Le Guen. La professeure ajoute qu'"on s'est aperçus qu'on n'avait pas d'outils pour mesurer la santé mentale des enfants" alors qu'il y a eu des signes "très spectaculaires, dès la rentrée 2020" qu'ils avaient été affectés par la crise sanitaire. "Dans tous les cabinets de consultations de France, d'urgences de pédiatrie, on a vu affluer par centaines des enfants en mal-être, qu'ils soient petits ou grands, avec des idées noires, des idées suicidaires, comme jamais on n'avait vu en France", détaille-t-elle. "Certains ont été affectés par des histoires familiales difficiles, puisqu'il y a eu plus de 100 000 familles endeuillées", rappelle-t-elle. Les enfants ont aussi fait les frais d'une "anxiété générale de population" d'après elle.
Le but de cette enquête Enabee est de connaître le nombre d'enfants "qui ne vont pas bien" et ce qui fait qu'ils ne vont pas bien. Et ensuite proposer des mesures d'accompagnement et de prévention. "L'idée est de pouvoir suivre dans le temps l'évolution de cette santé mentale pour s'ajuster et prendre la mesure des propositions qui ont été faites".
L'angoisse des parents se transmet aux enfants
"Les jeunes patients sont hyper curieux et attentifs de leur environnement", a indiqué le docteur Patrick Alécian, psychiatre, pédopsychiatre et psychanalyste, lundi 2 mai sur franceinfo. "C'est une enquête qui manquait à la vue des évènements récents", a ajouté le spécialiste, pour qui "il est très important de savoir comment les enfants évoluent à travers ces évènements". "Toutes les informations qui arrivent à propos de la crise du Covid ou de la crise en Ukraine les concernent", a insisté Patrick Alécian. Selon lui, c'est même "l'angoisse des parents" qui "précède le malaise qui peut apparaître chez les enfants". Ils développent ensuite des "troubles anxieux" qui peuvent se caractériser à travers "des cauchemars", des troubles - qui pour certains - étaient "déjà apparus avant ces crises" mais qui n'avaient pas été traités avec une attention suffisante de la part des adultes. "Les enfants ne sont pas si passifs" dans ce processus, a poursuivi le psychiatre. "Ils sont assez demandeurs d'informations auprès des parents et des adultes pour comprendre ce qu'il se passe", a-t-il analysé.
Selon lui, il est "très important que les adultes dans les écoles soient prêts à répondre et à participer à des échanges avec les enfants sur ces questions actuelles". Il a d'ailleurs salué les "efforts" entrepris dans les écoles, "à partir de l'automne 2021", là où le premier confinement en mars 2020 "avait été géré en famille". Toutefois, les moyens pour accompagner les enfants dans leur demande de compréhension "sont malheureusement très en retrait depuis maintenant plusieurs années", a déploré Patrick Alécian qui a rappelé la nécessité d'apporter "attention" et "dialogue" aux enfants qui en ont besoin, notamment grâce "aux dessins et aux jeux". Ces échanges leur permettent "de comprendre que les adultes sont présents et vont les protéger", a-t-il conclu.
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