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Hôpital public : "Nous sommes des chefs de service qui essayons de gérer la misère", alerte la cheffe du service pédiatrie de l'hôpital Necker à Paris

De nombreux syndicats et collectifs de professionnels hospitaliers et libéraux appellent à se mobiliser samedi pour dénoncer leurs conditions de travail et l'état inquiétant des hôpitaux publics.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Isabelle Desguerre, cheffe du service neuropédiatrie à l'hôpital Necker de Paris. (AURELIE LADET / MAXPPP)

"On risque d'avoir une vague de désertion des soignants qui va encore s'aggraver", alerte sur franceinfo samedi 4 décembre Isabelle Desguerre, la cheffe du service pédiatrie de l'hôpital Necker à Paris, et membre du collectif Inter-Hôpitaux qui appelle à manifester à Paris. "Nous sommes dans l'impasse, nous sommes des chefs de service qui essayons de gérer la misère", a déploré la médecin, qui explique que la pandémie de Covid-19 a été le "révélateur" du manque de moyens dans les hôpitaux publics.

franceinfo : Vous aviez participé à un mouvement de "démission collective" des chefs de service il y a deux ans. Que s'est-il passé ?

Isabelle Desguerre : Il ne s'est clairement rien passé, si ce n'est que ça s'est aggravé en termes de tension, nous avions alerté sur la situation critique pour soigner dans de bonnes conditions les patients. Avec le risque que les soignants désertent l'hôpital : nous le percevions clairement à ce moment-là. Les propositions faites au Ségur n'ont rien réglé du tout, c'est-à-dire que les propositions ont été des propositions salariales et vraiment à minima. Et elles n'ont absolument pas abordé les sujets importants qui sont la réorganisation de l'hôpital public, la tarification à l'acte qui est un vrai problème. Donc, à l'heure actuelle, nous sommes dans l'impasse. Nous sommes des chefs de service qui essayons de gérer la misère.

Dans votre hôpital, Isabelle Deguerre, quelle est la situation ?

C'est très simple. Depuis plus de 6 mois, j'ai 5 lits sur 25 de fermés, ce qui fait 20% faute de soignants, alors qu'on est en pleine épidémie infectieuse de bronchiolite et qu'on a des malades partout, dans tous les couloirs. Les urgences de pédiatrie débordent dans tous les hôpitaux et sur l'hôpital Necker, il y a 12% de lits qui sont fermés, faute de soignants. Donc, on a une situation qui est extrêmement compliquée, qui est épuisante pour les soignants parce qu'on est sur le fil en permanence. Tout le monde a peur de ne pas bien faire. Cela épuise à moyen terme, toutes les équipes. On risque d'avoir une vague de désertion des soignants qui va encore s'aggraver. Et là, pour l'instant, elle a touché surtout des infirmières et des paramédicaux, aides-soignants, kinés et autres. Je pense qu'elle va toucher les médecins aussi, en particulier les jeunes qui vont se tourner en dehors de l'hôpital et qui sont très découragés. Les soignants se posent des questions éthiques sur leur métier de tous les jours. L'argent ne règle pas tout, loin de là, parce qu'il est question d'organisation du soin et de possibilité de soigner dans des conditions correctes, conditions qui ne sont pas respectées à l'heure actuelle. J'ai beaucoup de jeunes qui décident de changer de métier.

Quelle place a le Covid-19 dans cette crise que vous décrivez ?

Le Covid a été juste le révélateur d'un dysfonctionnement. Le Covid a même donné l'illusion aux soignants qu'on avait peut-être un moyen de travailler à l'hôpital différent, même si les conditions étaient très difficiles et effroyables. Les gens se sont beaucoup mobilisés, les infirmières ont été dans différents services, les médecins aussi. Tout le monde y a mis du sien, mais ce qui a changé, c'est toute la pesanteur administrative qui a totalement disparu durant cette période-là et surtout la pesanteur financière. Celle qui fait qu'on ne nous parle pas de soigner les gens, on nous parle de ce qu'ils vont rapporter. Le Covid n'y est pour rien.

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